Les perquisitions dans le cadre de l'état d'urgence

Illustration de l'article foire aux questions sur la perquisition
7 décembre 2015

Les mesures de perquisition administratives sont expressément prévues par l’article 2 du décret n° 2015-1475 du 14 novembre 2015 portant application de la loi la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence et sont possible sur l’ensemble du territoire de la métropole (décret n° 2015-1478 du 14 novembre 2015).

Il s’agit d’une mesure de police administrative : même en état d’urgence, elle doit être nécessaire et proportionnée.


Aux termes de l’article 11 de la loi du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence modifiée : « Le décret déclarant ou la loi prorogeant l'état d'urgence peuvent, par une disposition expresse : / 1° Conférer aux autorités administratives visées à l'article 8 le pouvoir d'ordonner des perquisitions en tous lieux, y compris un domicile, de jour comme de nuit, sauf dans un lieu affecté à l’exercice d’un mandat parlementaire ou à l’activité professionnelle des avocats, des magistrats ou des journalistes, lorsqu’il existe des raisons sérieuses de penser que ce lieu est fréquenté par une personne dont le comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics »

Les mesures de perquisition administratives sont expressément prévues par l’article 2 du décret n° 2015-1475 du 14 novembre 2015 portant application de la loi la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence et sont possible sur l’ensemble du territoire de la métropole (décret n° 2015-1478 du 14 novembre 2015).

Cette nécessité s’apprécie selon le critère figurant à l’article 11 de la loi du 3 avril 1955 modifié (raison sérieuse de penser que le lieu est fréquenté par une personne dont le comportement  constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics).

Ce nouveau critère est plus précis que l’ancien et emprunte la notion de « raisons sérieuses » aux mesures d’interdiction de sortie du territoire.

En cas de découverte d’une infraction, la perquisition de poursuit en procédure judiciaire, selon les règles prévues au Code de procédure pénale.

Qui décide de la réalisation d’une perquisition ?

La décision de procéder à une perquisition administrative relève de la compétence du préfet. Elle doit être transmise au ministère de l’intérieur.

Le préfet peut-il déléguer sa signature pour les ordres de perquisition ?

En droit, le préfet a la faculté de déléguer sa signature à l'ensemble de ses collaborateurs dans les limites posées par le décret du 29 avril 2004 et par la jurisprudence administrative. Les actes pris dans le cadre de l'état d'urgence ne diffèrent pas de ce cadre général.

Pour les actes supposant la mise en œuvre de prérogatives de puissance publique, il est préconisé aux préfets de ne déléguer leur signature qu'à un membre du corps préfectoral. Pour tenir compte des attributions du délégant et du délégataire, la signature des actes pris dans le cadre de l'état d'urgence, revient donc au directeur de cabinet en cas d'absence et d'empêchement du préfet de département.

Faut-il motiver un ordre de perquisition ? Quelles sont ses mentions obligatoires ?

L’ordre de perquisition constitue une mesure individuelle de police administrative.

Sauf urgence absolue, une telle mesure est soumise à une obligation de motivation.

Il importe en revanche de désigner avec précision le ou les locaux visés par la perquisition (adresse, numéro d’appartement, éventuellement nom de l’occupant).

Y a-t-il un délai entre la signature de l'arrêté et la perquisition, notamment si elles ont lieu la nuit suivant l’émission de l’acte?

Non, il n’y a pas de délai. La circulaire indique que la perquisition peut être effectuée sans délai, donc à compter de sa notification et après information du procureur de la République.

Sur quels types de locaux peut porter la perquisition ?

L’article 11 de la loi du 3 avril 1955 vise « le pouvoir d’ordonner des perquisitions en tous lieux, y compris un domicile, de jour comme de nuit».

Les perquisitions peuvent donc porter sur des domiciles et être étendues aux parties communes des immeubles concernés ainsi qu’à tous les locaux annexes du logement (box, garage, cave, terrasse). Cette possibilité doit être mentionnée explicitement dans la décision.

Par ailleurs, des perquisitions administratives peuvent être réalisées dans des locaux associatifs, commerciaux, professionnels ou cultuels.

Y a-t-il des lieux exemptés de perquisitions ?

Oui. Tel est le cas des lieux affectés à l’exercice d’un mandat parlementaire ou à l’activité professionnelle des avocats, des magistrats ou des journalistes (munis d’une carte de presse). Cette exemption ne concerne pas leur domicile.

En revanche, les lieux affectés à l’exercice du culte ne bénéficient pas d’une telle exemption.

Une perquisition peut-elle porter sur un véhicule ?

Oui, le véhicule pouvant être assimilé à un lieu, une perquisition peut être faite dans un véhicule désigné précisément dans l’ordre de perquisition (type de véhicule, marque, immatriculation, nom du propriétaire…).

Par ailleurs, si l’objectif recherché est de procéder à des fouilles aléatoires de véhicules paraissant suspects, il convient de mettre en œuvre les dispositions de droit commun de l’article 78-2-4 du Code de procédure pénale, qui permet, en police administrative et avec l’accord du conducteur, ou à défaut, celui du procureur de la République, d'opérer la fouille d'un véhicule.

Une perquisition peut elle concerner le lieu d’habitation de la famille d’une personne visée ?

Oui, s’il existe des raisons sérieuses de penser que ce lieu est fréquenté par une personne dont le comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics. Dans ce cas, il faudra démontrer que la personne fréquente régulièrement ce lieu.

Une perquisition peut elle viser un ensemble d’habitation ?

Non, l’ordre de perquisition est individuel. Il doit y avoir autant d’ordre de perquisition que d’habitations concernées.

Dans quels cas peut-on opérer une perquisition ?

Le nouvel article 11, tel qu’il résulte de la loi du 20 novembre 2015, précise désormais le motif pour lequel une perquisition peut être ordonnée fondé sur les  « raisons sérieuses de penser que le lieu est fréquenté par une personne dont le comportement  constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics »

Il y a donc lieu de motiver la perquisition en justifiant ces points.

Dans quelles conditions se déroule la perquisition ?

Le procureur de la République doit être informé sans délai de la décision de perquisitionner.

La perquisition ne peut intervenir et se dérouler qu’en présence de l’occupant, ou à défaut de son représentant ou de deux témoins.

Elle doit être exécutée en présence d’un officier de police judiciaire territorialement compétent, seul habilité, si la perquisition basculait dans un cadre judiciaire, à procéder à des saisies et à constater des infractions.

La perquisition donne lieu à l’établissement d’un compte-rendu transmis sans délai au procureur de la République.

Perquisition et assignation à résidence sont elles liées ?

En principe, non les deux actes sont indépendants, même si en pratique, ils peuvent se succéder, pour des raisons opérationnelles (contraindre la personne à se trouver sur place pour la perquisitionner ou assigner la personne à résidence au vu de ce qui a été trouvé lors d’une perquisition).

En pratique, une coordination étant nécessaire (les mesures n’étant pas prises par la même autorité) un signalement devra être effectué auprès de Unité de coordination de la lutte anti-terroriste (UCLAT) pour faire coïncider le prononcé de ces deux mesures.

Si au cours de la perquisition les forces de l'ordre trouvent des éléments donnant accès ou mentionnant un autre lieu qui ne figure pas dans l'ordre de perquisition, est-il possible d’y étendre la perquisition menée ?

Non, il faut faire établir un nouvel ordre de perquisition, à la nouvelle adresse.

Faut-il prévoir dans l'ordre de perquisition un bris de porte en cas de refus d'ouverture de porte par la personne faisant l'objet de la perquisition ?

Il n'est pas juridiquement nécessaire de l'intégrer à l'ordre de perquisition, l'exécution d'office étant prévue par l'article 13 de la loi du 3 avril 1955.

Le principe même de la perquisition suppose l'ouverture de la porte : de manière volontaire par la personne faisant l'objet de la perquisition si possible, ou par la force, à défaut d'ouverture volontaire.

Il n'est donc pas indispensable de mentionner la possibilité de bris de porte dans l'ordre de réquisition.

Est-il possible de procéder à une saisie des objets trouvés lors de la perquisition ?

En l’état actuel du droit, en l’absence de toute infraction caractérisée mise en évidence lors de la perquisition (et permettant de « judiciariser » l’opération), il n’est pas possible de procéder à une saisie des objets trouvés lors de l’opération.

En revanche, il est possible de consulter sur place le contenu d’un ordinateur ou d’un téléphone et d’en copier le contenu.

Dès lors qu’une infraction est constatée, l’opération est instantanément poursuivie dans un cadre judiciaire grâce à la présence de l’OPJ et la saisie peut alors être effectuée.

A défaut d’être judiciarisée (situation dans laquelle le CPP s’applique alors), la perquisition ne peut donner lieu à saisie. L’article 11 précise toutefois :

  • qu’il peut être accédé, par un système informatique ou un terminal présent sur les lieux de la perquisition, à des données stockées dans ce système ou terminal ou dans un autre, auquel il peut être accédé à distance.
  • que ces données peuvent être copiées sur tout support.

Que faire en cas de contentieux ?

Les perquisitions réalisées dans le cadre de l’état d’urgence sont des opérations de police administrative qui relèvent, en cas de litige, de la compétence de la juridiction administrative.

Le tribunal administratif territorialement compétent (celui dans le ressort duquel se trouve le local perquisitionné) peut ainsi être saisi, soit d’un recours pour excès de pouvoir, éventuellement assorti d’une requête en référé, soit d’un recours indemnitaire.

Les préfectures qui seraient saisies d’un tel recours doivent en aviser rapidement la Direction des libertés publiques et des affaires juridiques(DLPAJ - sous-direction du conseil juridique et du contentieux), qui coordonne la préparation des mémoires en défense et apportera son appui aux préfectures.