Les trois forces d’intervention du ministère de l’Intérieur, BRI, GIGN et RAID, ont assuré la sécurisation des sélections nationales présentes à l’Euro 2016.
L’UCLAT (unité de coordination de la lutte anti-terroriste) avait procédé à une évaluation des menaces et des risques auxquels étaient exposés les équipes et leurs accompagnants afin d’adapter leur dispositif de protection.
Les unités d’intervention s’étaient réparties les 24 équipes pour une mission de sécurité rapprochée au plus près des sélections dès le mois de septembre 2015. Puis elles se sont divisées la réalisation des audits de l’ensemble des sites visités à l’occasion de la compétition : les stades, les camps de base, les hôtels de transfert et les terrains d’entraînement.
Si la sécurité rapprochée constitue l’une de leurs missions régaliennes, le caractère sportif de l’évènement, sa médiatisation et la notoriété des joueurs en ont fait une mission particulière. Les chefs d’équipe sur le terrain ont dû en permanence s’adapter aux aléas et procéder à des ajustements du dispositif de sécurité en parfaite intelligence avec leurs homologues étrangers.
La sélection espagnole était classée « à risques » à plus d’un titre : championne d’Europe en titre, elle représentait à la fois une réelle menace pour ses adversaires sur le terrain mais était aussi considérée comme une cible sensible dans le contexte terroriste actuel. C’est la BRI, de la préfecture de police de Paris, qui a pris en compte les joueurs de la « Roja » dès leur arrivée sur le territoire français, jusqu’à leur élimination surprise en huitième de finale par l’Italie.
« Nous avons été intégrés en permanence à l’équipe, explique Joël, chef du dispositif et en groupe opérationnel à la BRI depuis six ans. Nous assurions leur protection à chaque instant, à l’hôtel, lors des entraînements, des déplacements, des matchs. Nous demeurions à proximité, tout en gardant un maximum de discrétion pour ne pas empiéter sur leur intimité. »
Ainsi, cinq policiers de la BRI ont vécu au plus près le tournoi avec les Espagnols. « Chaque sortie ou déplacement était programmé, avec un itinéraire reconnu à l’avance. Au moindre déplacement, nous avions entre les mains des plans pour éviter toute surprise. Nous avions également l’appui des forces de police locales pour obtenir un maximum d’informations. »
Le 21 juin, l’Espagne affronte la Croatie pour un match décisif au stade Matmut-Atlantique de Bordeaux. Dès la descente du bus, les hommes de la BRI quadrillent la zone, certains se positionnant aux deux portes du véhicule, d’autres accompagnant les joueurs aux vestiaires. Alors que les joueurs se préparent pour l’échauffement, l’équipe de la BRI se positionne stratégiquement dans le stade : au plus près de la pelouse, dans la tribune présidentielle, « et à des endroits névralgiques pour parer à toute éventualité. Il ne faut pas oublier que les vedettes ce sont les joueurs de foot, précise Joël. Nous étions là pour qu’ils puissent assurer le spectacle dans les meilleures conditions. »
« Dans leur match », les hommes de la BRI se montrent alors aux aguets, avec une concentration constante. « Nous n’étions pas là pour apprécier les matches mais pour prévenir tout danger, surtout venant des tribunes. Supporters, stadiers... notre rôle était d’observer les moindres faits et gestes autour des membres de la sélection pour intervenir au plus vite. » Lors du match Espagne-Croatie, les membres de la BRI ont été prévenus par les spécialistes du hooliganisme de la DNLH que certains supporters croates avaient lancé des menaces d’envahissement de terrain et d’actions coups de poing durant le match. « Si la moindre personne était venue au contact des joueurs, nous serions intervenus immédiatement. »
Aux côtés des hommes de la BRI, des policiers espagnols et un officier de liaison de la Police nationale accompagnaient également la sélection espagnole. « L’officier de liaison nous livrait quotidiennement le programme de la journée et faisait la coordination avec le staff de la sélection. Nous avons dû nous adapter au rythme des footballeurs, une vie rythmée, cadrée, où chaque détail est prévu en amont. »
12 sélections protégées par le GIGN :
Allemagne – Belgique – Portugal – Autriche – Hongrie – Irlande – Irlande du Nord – Islande – Italie – Pologne – Suède et Ukraine
11 sélections protégées par le RAID :
France – Angleterre – Russie – Turquie – Albanie – Croatie – Pays de Galles – République Tchèque – Roumanie – Slovaquie et Suisse
1 sélection protégée par la BRI :
Espagne
Sur les onze équipes confiées au RAID, quatre étaient jugées « à risque » : la France, la Russie, la Turquie et l’Angleterre. « Traditionnellement, l’équipe de France de foot est toujours sécurisée par le RAID. Pour se partager les équipes avec les autres forces d’intervention, nous avons choisi de sécuriser la poule correspondant à l’équipe de France », explique Gilles G., responsable de l’Euro 2016 au RAID.
Cinq policiers du RAID et un CRS étaient en charge des équipes à risque et les sélections qualifiées de moins sensibles étaient dotées de deux fonctionnaires du RAID et d’un CRS. Le CRS assurait la protection du camp de base en permanence, même en l’absence des équipes. « Le rôle de l’équipe RAID est de faire la protection de la délégation, d’apporter un conseil ou d’anticiper un problème à venir pour que l’officier de liaison le prenne en compte. La délégation est à considérer d’une manière globale : 50 personnes pour la sélection Française, 90 personnes pour l’Allemagne par exemple », explique Gilles G.
L’équipe de France était prise en compte par le RAID H24 jusqu’à la fin de la compétition, lors des transports, matchs, entraînements et dans les hébergements. Le bus des Bleus était suivi et précédé par les véhicules des hommes en noirs. Pour les camps de base, « l’idée était de les quadriller pour avoir un œil le plus large possible sur toutes les zones où il pouvait y avoir une intrusion de supporter ou de terroriste. Une intrusion aurait signifié qu’il y avait une faille », ajoute Gilles.
Toujours sur le qui-vive, les policiers entraient dans les vestiaires avant l’arrivée du bus pour en évaluer les difficultés potentielles et faciliter l’accès au terrain. Sans quitter les Bleus d’une semelle, le RAID a dû s’adapter chaque jour : « si un joueur voulait partir se faire couper les cheveux par exemple, on pouvait lui dire que ce n’était pas le moment adéquat. Si dix joueurs voulaient aller faire les courses, on ne pouvait pas les laisser partir seuls...», raconte Laurent B., chef adjoint de l’état-major du RAID.
La protection rapprochée fait partie de la formation initiale d’un fonctionnaire du RAID. « De par nos missions diverses, nous sommes rodés à la protection rapprochée en milieu hostile. Il faut toujours anticiper. Pour une équipe de football, les trajets, les hôtels, le bus, c’est la même philosophie », admet Gilles G. Se fondre un maximum dans la délégation pour une meilleur capacité de réaction a été le point clé du travail des policiers. C’est donc en civil et non identifiés « RAID » qu’ils ont œuvré. La médiatisation de l’événement et la notoriété des joueurs a cependant apporté une particularité à laquelle les agents ne sont pas habitués : « L’essence même de notre travail est qu’il doit être secret et discret, or, même en civil, nous étions pendant l’Euro sans cesse sous les feux des caméras, des appareils photos de la presse et des supporters », relève Laurent.
Le groupe d’intervention de la Gendarmerie nationale (GIGN) s’est vu confier la protection rapprochée de douze sélections nationales présentes à l’Euro, dont celle du Portugal, vainqueur de l’épreuve. 80 gendarmes de cette unité ont été déployés tout au long de la compétition.
Chaque équipe avait son camp de base. Le Portugal avait ainsi choisi le centre national de Rugby de Linas-Marcoussis dans l’Essonne alors que l’Irlande logeait au Trianon Palace de Versailles et s’entraînait au stade Montbauron. Les militaires du GIGN accompagnaient bien entendu « leur » équipe 24 heures sur 24.
« Nous étions très attentifs à l’ensemble du dispositif de sécurité dans et autour de l’hôtel, explique le chef d’équipe GIGN chargé de la sécurité de l’équipe d’Autriche qui avait choisi comme camp de base Mallemort, dans les Bouches-du-Rhône. La protection d’une équipe ne dépend pas bien sûr du seul GIGN. Le dispositif intègre la sécurité privée chargée de la sécurité du site et les forces de gendarmerie positionnées autour du site. Il faut reconnaître sur ce point que le groupement de gendarmerie des Bouches-du-Rhône a effectué un travail remarquable de sécurisation, et tout particulièrement la brigade de Mallemort. »
Le GIGN suivait en permanence l’équipe dont il assurait la protection et notamment au stade où étaient programmés les entraînements. Certains d’entre eux étaient ouverts au public. Il était donc indispensable de mettre en place un dispositif afin d’éviter que le public ne gène les joueurs. « L’objectif était vraiment de faire en sorte que les joueurs puissent s’entraîner dans les meilleures conditions ». Des renforts particuliers pouvaient également être mobilisés, comme les moyens aériens de la gendarmerie.
« Nous étions particulièrement vigilants lors des déplacements de l’équipe à travers la France, c’était le cœur de notre travail ». Et ces déplacements réclamaient un énorme travail préparatoire avec l’ensemble des services de police et de gendarmerie pour assurer une sécurité et une fluidité maximales des trajets entre les hôtels, les aéroports et les stades. « Nous pouvions également compter sur des équipes chargées sur place de préparer le terrain en matière de sécurité lors de nos déplacements, notamment dans les hôtels de transfert. Quoi qu’il arrive, nous étions en permanence avec les joueurs, jusqu’à être au bord de la pelouse lors des matches. »
Les jours de match constituaient les points d’orgue. Il fallait avant tout éviter la commission d’un attentat et toute atteinte à l’intégrité des équipes.
Richard Wawrzyniak
Floriane Boillot
Franck Canton
Photographes Dicom :
J. Rocha
E. Delelis