Lors de l’épisode orageux et des précipitations intenses qui ont touché la Côte d’Azur le 3 octobre dernier, 20 personnes ont trouvé la mort et les pertes matérielles sont considérables.
Sapeurs-pompiers, policiers, gendarmes, préfecture, sécurité civile, les services de l’État sont sur le pied de guerre pour gérer la crise.
« J’étais sur le balcon quand j’ai vu ma voiture garée en bas être soulevée par l’eau, emportée par le courant, sortir par le portail de la résidence et se poser sur une villa 200 mètres plus loin », témoigne un habitant de Mandelieu.
Dans la soirée du samedi 3 octobre, un violent orage s’abat sur le Var et les Alpes-Maritimes, les cours d’eau débordent et une vague dévaste en quelques minutes certains quartiers.
« Sur certaines zones du département, nous avons eu jusqu’à 180 millimètres d’eau, l’équivalent de deux mois de précipitations », précise François-Xavier Lauch, directeur de cabinet du préfet des Alpes-Maritimes.
Pendant l’orage, les sapeurs-pompiers sont submergés d’appels au secours. « Nous conseillons aux gens de se mettre en sécurité sur un point haut, de ne pas sortir. Les écoulements de boue, la hauteur de l’eau et les pierres sur l’autoroute, c’est la première fois que je vois ça », soutient un lieutenant de sapeur-pompier de Théoule-sur-mer. À ses côtés, un gendarme du PSIG de Mandelieu raconte : « Quand l’eau a commencé à monter, les gens sont sortis des voitures pour gagner les collines, les talus, ou aller chez les voisins du dessus ». À Biot, Gilles était également chez lui pendant l’orage : « Lorsqu’on a vu que le niveau de l’eau s’élevait dangereusement, on a pris à boire, à manger, et les enfants pour s’installer à l’étage. En 10 minutes il y avait 80 centimètres d’eau au rez-de-chaussée. On voyait l’hélicoptère de la sécurité civile hélitreuiller des gens en détresse qui avaient grimpé aux arbres au plus fort de la tempête. C’était impressionnant ».
Dès les premières heures après le début de l’orage, sapeurs-pompiers, policiers et gendarmes sont fortement sollicités pour des sauvetages et des mises en sécurité. « Les appels étaient plus nombreux que les capacités à répondre, explique le directeur de cabinet. C’est à ce moment là que l’on a besoin des soutiens extérieurs pour rétablir la situation ».
Les renforts affluent : SDIS du Var et des Bouches-du-Rhône, BMPM (bataillon des marins-pompiers de Marseille), sécurité civile, ESOL (établissement de soutien opérationnel et logistique), CRS et gendarmerie mobile... même depuis l’étranger. « Des pompiers allemands, avec qui nous avions fait un jumelage il y a sept ans, ont traversé toute la France avec leur engins de pompage pour nous aider », déclare un sapeur-pompier.
Près de 120 hélitreuillages sont effectués pendant la nuit, dont 45 pour des personnes bloquées sur l’autoroute. La sécurité civile a engagé deux Dragons, et les SAG (sections aériennes de gendarmerie) de Digne et d’Hyères sont utilisées en renfort opérationnel et réalisent des opérations de reconnaissance avec une caméra embarquée.
Au sol, des plongeurs sapeurs-pompiers sont engagés pour des explorations dans les parkings souterrains. « Ce sont des plongées dans des endroits compliqués, dangereux et sans aucune visibilité », indique le lieutenant-colonel Michel Conti, du SDIS 04. À Mandelieu, plusieurs corps seront retrouvés dans les allées centrales des garages. « Il y a eu un phénomène de groupe, continue-t-il. Des gens sont descendus dans les parkings pour chercher leur voiture quand la vague les a recouverts. On ne peut pas faire face à la soudaineté. » Dans cette résidence du « Cap Vert », un sinistré se risque à un trait d’humour : « c’est devenu la résidence du Calvaire... »
À charge pour les forces de l’ordre de procéder à l’identification des victimes et d’annoncer les décès aux familles, alors que le SAMU met en place une cellule de soutien psychologique.
Gendarmes et policiers visitent les résidences pour recenser et vérifier l’identité des personnes disparues. « Les gens se retrouvent totalement désemparés à ce moment-là. Sans aide, sans réseau téléphonique ni électricité. On appelle leurs voisins pour qu’ils s’entraident, on fait appeler leur famille pour les rassurer, nous rétablissons le contact entre eux », raconte un gendarme, patrouillant de nuit dans la boue, entre les voitures entassées dans des positions improbables, les caves encore remplies d’eau et les pompes des sapeurs-pompiers. « Je n’ai jamais vu Mandelieu comme cela, on se croirait dans un pays où il y a eu la guerre », ajoute-t-il.
Des dizaines d’heures de pompage sont nécessaires pour vider les caves, à hauteur de 30 mètres cube d’eau par heure. L’objectif est d’assécher les locaux inondés, mais aussi les voies de communication et les postes de transformateurs ErDF pour rétablir au plus tôt la distribution électrique.
Un dispositif d’ordre public et de sécurisation est également mis en place. Police-secours, BAC, police municipale, CRS et gendarmerie départementale effectuent des rondes pour lutter contre le pillage dans les résidences, voitures et zones commerciales. Ils gèrent aussi la circulation sur les voies encombrées par les eaux et débris en tout genre. « Nous nettoyons les embâcles pour rétablir l’écoulement naturel de l’eau, explique le lieutenant-colonel Conti. Nous sommes souvent impuissants contre la nature, mais les modifications de l’environnement créées par l’homme peuvent être des facteurs aggravants à une catastrophe naturelle... »
Le lieutenant-colonel de gendarmerie Gaël Rastout rejoint ce point de vue : « l’eau descend des massifs montagneux sur la zone littorale où l’on a une concentration de l’habitat. Le tissu végétal est recouvert par le goudron et le béton, qui sont de nature à favoriser ce genre de situation ».
Mobilier, meubles, électroménager s’entassent devant les maisons éventrées et les véhicules enchevêtrés de Biot. Les habits sèchent sur les balcons. Habitants, entreprises privées, agents de l’État, sortent les affaires, rincent et déblaient. Des employés communaux et des bénévoles font le tour des sinistrés pour proposer de l’eau en bouteille ainsi que des dons de vêtements.
La solidarité s’organise, à hauteur de la désolation de la scène. L’UIISC 7 de Brignoles arrive dans la nuit du week-end pour porter assistance à la population.
« Nous faisons ce que nous demande l’habitant, explique le capitaine De Couville. Certains souhaitent qu’on les aide à nettoyer, d’autres que l’on fasse l‘épuisement de la cave. Nous sommes là pour répondre à leurs besoins. Nous avons aussi une écoute et une présence auprès des sinistrés pour les orienter vers les services spécifiques : ERDF, mairie, maison des associations... »
« C’est appréciable de voir que l’on peut compter sur des gens équipés, professionnels, qui savent ce qu’il faut faire ou ne pas faire, et à disposition pour nous aider », affirme Gilles, un karcher à la main sur la terrasse de sa maison. La mise en œuvre de la procédure d’urgence permettra de reconnaître l’état de catastrophe naturelle pour 14 communes des Alpes-Maritimes et 18 communes du Var.
Le gouvernement s’est engagé à s’assurer de la mobilisation des dispositifs d’aide et d’indemnisation des entreprises, des exploitants agricoles et des collectivités territoriales.
Samedi soir, un concert à Nice réunissait 6 000 spectateurs et un match de football de ligue 1 a dû être interrompu dès la mi-temps. « Nous étions déjà en vigilance météo orange, avance François-Xavier Lauch, directeur de cabinet du préfet des Alpes-Maritimes. Mais très vite des informations catastrophiques nous sont remontées et à 21 heures nous avons déclenché le COD ». Au rythme des points de situations réguliers, l’échange et la coopération sont de rigueur entre les forces de l’ordre, les secours, ERDF, le réseau d’autoroute et la SNCF. « Compte-tenu de l’ampleur de l’événement, la complexité réside dans la remontée de l’information, affirme le lieutenant-colonel Gaël Rastout, du groupement de gendarmerie des Alpes-Maritimes.
C’est un flot de données interservices qui arrivent, il faut tout canaliser au COD. » La visite du président de la République et du ministre de l’Intérieur dimanche matin a également dû être gérée par la préfecture. Dans le même temps, c’est la cellule d’information au public (CIP) avec un numéro unique de crise qui est activée. Depuis le COD, Wildried Vauthier, commandant de police à Nice ajoute : « il faut essayer de prendre du recul et de garder son sang froid pour adopter les bonnes décisions sur les actions à mener. » Le service communication de la préfecture de Nice a également tenu un rôle majeur dans la crise, entre les sollicitations médiatiques et la mise à jour très régulière de la page Facebook du Préfet, fortement consultée.
Floriane Boillot
Photos : Aurore Lejeune