La Brigade de Sapeurs-Pompiers de Paris (BSPP) est un corps militaire placé sous l’autorité du préfet de police.
Dans le Marais, quartier aisé et touristique du 4 e arrondissement de Paris, la caserne de Sévigné est l’un des 77 centres de secours de la BSPP. 83 hommes s’y relaient toute l’année pour secourir et protéger nos concitoyens. Une garde de 24 heures avec les sapeurs-pompiers de Sévigné, c’est la rigueur militaire quotidienne mêlée à l’imprévu des différentes interventions. C’est une franche camaraderie dans le respect d’une stricte hiérarchie, et la rapidité d’action face à la lenteur des secondes pour celui qui attend d’être secouru.
Matin d’hiver, le jour se lève sur Paris. Au 7 rue de Sévigné, dans la cour de l’ancien hôtel Bouthillier de Chavigny construit au XIII e siècle et accueillant les sapeurs-pompiers de Paris depuis 1814, 25 hommes en tenue de sport sont rassemblés pour répondre à l’appel du sergent-chef Dario, chef de garde incendie pour 24 heures.
Aussitôt le rituel effectué, direction les anciennes écuries devenues la remise (1)
, où les équipes, composées au minimum d’un chef d’agrès (chef de l’équipage du véhicule), d’un chef d’équipe (responsable d’un binôme) et d’un conducteur, vérifient l’engin auquel elles sont assignées le temps de la garde.
Entre le tumulte du test des sirènes et les allers et venues agités des sapeurs-pompiers, chacun s’affaire précisément à sa tâche, s’assurant de la présence et de la fonctionnalité du matériel « Je vérifie la lance 1000 du FPT, explique l’un d’eux. C’est une lance qui permet d’avoir un débit de 1000 litres d’eau par minute. On ne l’utilise pas régulièrement sur intervention dans Paris intra-muros, mais plus souvent sur des gros incendies de types feux d’entrepôts, sur lesquels on peut être appelé en renfort. »
De son côté, le sapeur de première classe Florian fait l’inventaire du matériel de secours à victime : pansements, brancardage, tensiomètre, défibrillateur, attelles, moyens d’immobilisation... « Je vérifie aussi le lot de sauvetage et de protection contre les chutes. Je m’assure que les sangles du harnais sont détendues, que le matériel est plié d’une certaine façon, afin que l’on puisse le mettre en œuvre le plus rapidement possible. »
Chez les sapeurs-pompiers de Paris, le «réveil musculaire» équivaut à une séance intensive de sport pour une personne lambda !
Course à pied, abdominaux, gainage, burpees (2)
, pompes et tractions sont dirigés par le chef de garde: « Ici, on fait du sport très régulièrement, alors, le niveau d’un sapeur-pompier de Paris est plus qu’acceptable. La condition physique est importante car on est amené à porter des choses lourdes, rien que notre équipement, l’ARI (3)
pèse 10 kilos. »
Chaque année, l’EPIC (évaluation physique individuelle et collective) contrôle l’aptitude des militaires de la Brigade.
En effet, entre le sport et le peu de sommeil, les sollicitations physiques sont importantes. Il faut être capable de les assumer pour partir en sécurité sur intervention.
Les cross, les challenges de cohésion nautique ou corde, répartis dans l’année, contribuent à la motivation des troupes.
Et cette ardeur ne s’arrête pas aux jours de garde ! Pompiers avant tout, les hommes sont préparés à porter secours pendant leurs jours de repos. Pour atteindre et se maintenir au niveau, l’entraide est de rigueur et des parrainages sont établis entre les caporaux et les plus jeunes. « Les tests physiques pour entrer à la Brigade sont difficiles mais accessibles pour ceux qui s’entrainent, témoigne le chef de garde. On encadre les nouvelles recrues dès leur arrivée au centre de formation à Villeneuve-Saint-Georges et dans les centres de secours. Ils progressent très vite. »
Une puissante sirène deux tons (le ronfleur) résonne dans le gymnase, suivie de deux « bip» courts, le VSAV 1 est appelé sur intervention. La énième série de pompes est interrompue pour Fabien, Yoann et Florian qui s’habillent en vitesse et montent encore essoufflés dans l’ambulance. L’ordre de départ, remis par le pompier affecté au standard, indique l’adresse, le motif d’intervention et des indications sur le requérant. « Nous partons boulevard Bourdon pour personne malade, une femme de 81 ans, indique Fabien.
Quand on décale (4)
on ne sait jamais exactement sur quoi on va tomber. » Madame C. est en peignoir chez elle. Le chef d’agrès cherche à connaître les circonstances de son mal-être, les antécédents et ses traitements. Il parle fort et clairement « il faut que vous m’exprimiez ce que vous ressentez ». La vieille dame évoque son pace-maker, le malaise de la semaine dernière, ses troubles bipolaires. Tout ce qu’elle dit est à prendre en compte par les sapeurs-pompiers.
Yoann, chef d’équipe et Florian, conducteur et équipier, prennent les constantes : tension, rythme cardiaque, saturation en oxygène, température. La suite de l’intervention sera déterminée par l’appel obligatoire à la coordination médicale. Située au centre opérationnel de l’état-major de Champerret, la coordination médicale regroupe des médecins et infirmiers sapeurs-pompiers qui, par la description des pathologies de la victime transmise par le chef d’agrès, décident du transfert ou non à l’hôpital.
La femme est finalement transportée à l’hôpital Saint-Antoine. Les infirmières récupèrent la fiche bilan où figurent les informations recueillies par les sapeurs-pompiers, et seront ainsi en mesure de suivre l’évolution de l’état de la patiente.
Les interventions pour secours à personne représentent 83 % des 6000 départs à l’année du centre de secours de Sévigné. « La base de notre métier, c’est le social. Venir aider les gens, comme cette personne âgée qui n’est pas forcément accompagnée dans la vie courante », explique Fabien. « Nous ne sommes pas médecins, nous sommes des secouristes, rappelle Yoann. Nous sommes là en cas de grave pépin, pour que les gens ne meurent pas. Parfois, tout ce que l’on peut faire c’est emmener la personne à l’hôpital. Mais il n’y a aucune intervention bénigne. »
Casque, veste de protection, sur-pantalon, gants, bottes c’est en tenue de feu que les sapeurs- pompiers honorent le deuxième rassemblement de la journée. Ces moments permettent de faire l’appel et passer les consignes.
Il peut aussi y avoir des modifications d’affectation aux engins, par exemple si un personnel s’est blessé en sport et doit aller chez le médecin. « Il est nécessaire de revoir le planning lors des rassemblements, car à tout moment on doit être en mesure d’envoyer le bon nombre de personnes dans les véhicules », explique Dario.
Toujours en tenue de feu, vient l’épreuve de la planche à rétablissement. Fixée à 2,40 mètres du sol et épaisse de 4 à 5 centimètres, la traditionnelle planche en chêne est un passage obligé lors de l’instruction des sapeurs-pompiers, pour contrôler leur capacités physiques et déterminer leur aptitude à aller au feu.
L’exercice date de 1895 et sa réalisation suit un rituel codé.Chacun à leur tour les sapeurs-pompiers se présentent à la planche avec leur grade, nom, âge et années d’ancienneté, avant de se hisser dessus à la force des bras, sous les encouragements de leurs collègues.
Incendie de chambre d’étudiant dans une résidence universitaire, ce n’est pas un départ, mais le scénario de la manœuvre de ce matin.
Dans la rue, les pompiers déploient les engins « Nous respectons l’ordre d’engagement du départ normal pour feu, explique Raphaël. Le véhicule premier secours dépasse l’adresse de l’intervention et se gare, puis l’échelle s’arrête au niveau de l’adresse, et le fourgon se place à côté d’une bouche d’incendie. La grande échelle, c’est l’engin que je préfère, continue-t-il. C’est le camion de pompier ! Elle peut être déployée pour effectuer des sauvetages, des reconnaissances ou pour servir de point d’observation.... » Les 24 mètres de l’échelle permettent d’atteindre le 7 e étage des immeubles parisiens. S’il faut intervenir depuis une cour d’immeuble par exemple, il existe des échelles portables à coulisse. « Lors d’une intervention sur un feu, il y a quatre types d’actions : sauvetage, mise en sécurité, évacuation, et confinement, précise Raphaël. Ce que l’on appelle sauvetage, c’est sauver quelqu’un qui, si on ne va pas le chercher, est voué à une mort certaine. »
Les sirènes hurlantes résonnent de nouveau dans les rues du Marais pour « relevage d’une personne impotente ». La femme de 73 ans est tombée de sa chaise. Il faut la relever. Ailleurs en France c’est peut-être un voisin qui l’aurait fait. Dans cette grande ville qu’est Paris, les gens se sentent paradoxalement plus isolés et composent le 18. Serviables et humbles, les pompiers s’activent quel que soit le motif, social, assistance ou urgence vitale... « Ça fait six ans que je suis à la BSPP, témoigne Yoann. J’ai fait trois centres de secours différents. Mon intervention la plus marquante était un immeuble en feu à Réaumur-Sébastopol. À ce moment-là, je ressens de l’adrénaline, de l’excitation. J’ai trouvé dans cette intervention ce que je suis venu chercher à la brigade le feu. Je suis déjà intervenu sur un nourrisson en arrêt respiratoire. Là ce n’est plus vraiment de l’adrénaline, mais du stress. Si on est pris à partie ou lors de suicide, de défenestrés, on peut se sentir mal. La brigade dispose d’une cellule psychologique pour nous aider. »
Les sapeurs-pompiers de Paris tiennent leur caserne comme ils tiendraient leur maison !
Cuisine, administratif, réparation du matériel, entretien des locaux et du casernement... Après le nouveau rassemblement de l’après-midi, place aux différents services qui font tourner le centre de secours.
Au bureau « sous-officier administratif » par exemple, quand il n’est pas dans un camion, le sergent-chef Lanary est assis derrière un ordinateur, « ici on traite les contrats, les situations des militaires, les sanctions, la chancellerie, ou encore les notes de service, pour la 11e compagnie, qui regroupe les casernes de Sévigné et de Parmentier. » En 13 ans de services, il a monté les grades un par un : sapeur, première classe, caporal, caporal-chef, sergent, sergent-chef. « Avoir un pied dans l’administratif m’offre une autre facette du métier, car il n’y a pas que l’opérationnel à la Brigade, ajoute-t-il. C’est une autre façon de servir l’institution. »
Le VSAV 1 se dirige à la patinoire de l’hôtel de ville pour un mineur blessé au front. Pendant ce temps les sapeurs-pompiers participent à une heure d’instruction, avec au programme la présentation des nouveaux ARI. Ils ont quelques semaines pour les tester lors d’exercices et apprendre les changements par rapport à l’ARI actuel moins lourd. On n’en saura pas plus car ronfleur-bip-bip-bip-bip le VSAV 2 doit décaler. Habitués des changements de rythme et de décors, trois hommes quittent les bancs de la salle de cours pour ceux d’une école élémentaire, où une enfant de 10 ans est victime d’une crise d’asthme.
« Nous devons d’abord détecter la détresse, puis vérifier qu’elle ne soit pas en dette d’oxygène. On la met sous O2 par prévention. »
Vincent et Maxime restent calmes et sereins, leurs gestes sont doux pour rassurer la fillette tremblante. Raphaël, chef d’agrès, passe un long moment au téléphone avec le médecin de la coordination médicale, demande à plusieurs reprises à l’enfant si elle va mieux, essaie d’évaluer son état « tu te sens encore essoufflée ? », avant de décider de l’emmener aux urgences pédiatriques de l’hôpital Trousseau.
Les trois militaires qui forment l’équipe ont selon leur grade des rôles bien définis. Ils paraissent indissociables, chacun étant un maillon de la chaîne des secours. Quand on leur demande s’ils sont amis, collègues, Raphaël rétorque: « On est plus que ça, on est camarades ! C’est un métier où il faut vraiment être soudé. Tous les jours on compte sur notre binôme. Lors d’interventions périlleuses ou de feu, on met notre vie entre ses mains, et réciproquement. Il faut avoir une confiance totale. »
Dernier rassemblement, tout le monde est encore là ! Puis, toujours plus vite et plus haut, c’est en musique que les pompiers effectuent le monté de corde, vingt montées chacun, et réussir deux montées à la suite en moins de dix secondes. « Tout le monde doit y arriver, on cherche à donner le meilleur de nous, soutient Simon, qui y voit une épreuve symbolique. Il faut atteindre le haut. Toucher la chaîne au plafond. Juste à la force des bras. C’est dur. »
L’alarme retentit. « Quand on est à la charrette (5)
on n’a jamais le temps de finir une séance de sport ! » Les mains encore rouges de la corde, cinq kilos de matériel de secourisme sur le dos, les sapeurs-pompiers montent au pas de course les quatre étages qui les séparent de « l’intoxication médicamenteuse ». Une fois de plus, ils font irruption dans le foyer de personnes en détresse. « Entrer dans l’intimité des gens ? On a l’habitude, ça fait partie du métier », témoigne l’un des sapeurs-pompiers. La jeune victime a pris des doses importantes d’anxiolytique.
Sa mère, sa compagne et ses amis sont inquiets. « On récupère les boites de médicaments et on compte toutes les plaquettes vides. Ce sont les doses supposées absorbées, explique Fabien. Comme c’est une prise de médicament, on ne sait pas comment il peut réagir, maintenant ou plus tard. On l’emmène à l’hôpital Saint-Antoine, on ne va pas trop traîner, il commence à être un peu somnolent », annonce-t il suite à l’appel à la coordination.
En route pour l’hôpital. La douce chaleur dans l’ambulance contraste avec le froid glacial de l’extérieur. La nuit commence à tomber, les bars s’illuminent et les gens sortent. Paris le soir se transforme et s’active. Les lumières bleues du gyrophare se reflètent dans les vitrines, entre les passants devenus des silhouettes. Seul le deux-tons actionné lors des croisements rompt le silence de l’antre des pompiers...
L’heure est aux confidences « On côtoie un peu le malheur des autres, mais on ne peut pas totalement compatir avec eux, sinon ça influe sur notre travail et sur notre vie privée, raconte l’un d’eux. Il faut essayer de se créer un petit cocon, pour éviter de subir certaines interventions. Ce cocon c’est l’équipe, on parle entre nous, chacun essaie d’aider les autres. » Quant aux interventions de secours à victime qui marquent le plus ces militaires, les accouchements et enfants arrivent en première ligne « J’ai fait deux accouchements, témoigne Simon. Pour le premier, le nourrisson était en arrêt cardiaque. On a réussi à le réanimer. Les enfants, en intervention, on n’aime pas trop. Que l’on soit père ou pas, ça nous touche plus, c’est plus fragile. »
Le PSE décale pour une odeur suspecte dans un immeuble suite à l’entretien d’une chaudière.
Pilotes urbains
Piétons, deux-roues, circulation dense, rues étroites... se rendre en urgence sur le lieu d’une intervention dans Paris est un véritable parcours du combattant. Le conducteur doit maîtriser parfaitement la taille de son véhicule pour éviter ces éléments extérieurs, mais aussi connaître toutes les rues du secteur par cœur ! Un véhicule de pompier est prioritaire s’il utilise conjointement la sirène deux-tons et le gyrophare. Il peut enfreindre certaines règles du code de la route à condition que l’urgence de la mission le justifie et sous réserve de ne pas mettre en danger la sécurité des autres automobilistes. Ceux-ci ont pour devoir de faciliter son chemin en ralentissant ou en dégageant la chaussée. Cependant, le deux-tons, le gyrophare et les appels de phare ne suffisent pas toujours à ouvrir le passage. Calme et sérénité sont de rigueur pour arriver à bon port dans les meilleurs délais et sans accrochage.
Chaque intervention, aussi étrange soi-elle, nécessite un professionnalisme et une grande capacité d’adaptation de la part des sapeurs-pompiers. Ce soir, c’est pour une « gêne respiratoire» que le VSAV est appelé. Il s’avère que les militaires interviendront sur un «coma (6)
simulé» d’une femme sourde-muette le jour du mariage de son fils. Face à la femme allongée sur son lit et ne bougeant plus depuis une heure, Simon effectue les gestes habituels. « Au début j’ai pensé à un AVC (7)
, explique-t-il. Puis j’ai remarqué une résistance à l’ouverture des paupières, et un évitement quand je laisse tomber son bras.
Les différents tests laissent croire à une simulation. » Il parle avec la famille pour essayer de comprendre le contexte. Il s’agit aussi de ne pas heurter les gens, de respecter leur culture, « c’est très dur de plonger dans un environnement familial qu’on ne connaît pas. » Ils décident de mettre la femme en PLS (8)
et de lui administrer de l’oxygène. Quand le frère de la victime se met à pleurer, le chef d’agrès le soutient, « ça peut paraître impressionnant mais ce ne sont que des mesures de prévention. » Entre le langage des signes utilisé par plusieurs membres de la famille, les convaincre de la nécessité d’aller à l’hôpital, et le couloir de l’appartement à déménager pour que la chaise portoir sur laquelle doit être transportée la victime puisse passer, les trois secouristes font preuve d’une grande patience !
Avant de rentrer au centre, Simon revient sur l’intervention avec ses équipiers. Il explique ses gestes, transmet son savoir : « dans certaines situations difficiles à comprendre, il faut chercher, ouvrir des portes, être détective ! La victime simulait, il ne faut pas se faire avoir par ce genre de choses. »
Au poste de veille opérationnelle, ou standard, le stationnaire est chargé de l’engagement des engins sur intervention dès la réception d’un ordre de départ venant du centre de réception des appels de Champerret, et assure l’écoute radio sur son secteur de compétence. C’est ici qu’après chaque intervention, le chef d’agrès rédige un rapport qui sera archivé informatiquement pendant 30 ans.
Le soir, le standard fait souvent office de lieu de rencontre, de discussions, au même titre que le foyer.
Des gazouillis d’oiseaux se font entendre à plusieurs reprises, c’est la sonnette de la porte d’entrée. Les sapeurs-pompiers qui seront de garde le lendemain commencent à arriver. En effet 75 % des militaires de l’unité habitent en province et font le trajet pour chacune de leurs 120 gardes annuelles.
La sonnerie du FPT laisse-t-elle entrevoir un feu ? Car, non pas que les pompiers soient avides de catastrophes, mais c’est sur ce genre de situation dangereuse qu’ils peuvent mesurer leur courage. C’est en affrontant un environnement hostile (chaleur, fumées toxiques, pas de visibilité), qu’ils peuvent exprimer leur professionnalisme forgé au cours des nombreuses manœuvres, et que leur devise « sauver ou périr » prend toute sa valeur. Saint-Exupéry avait dit « Ce n’est pas le danger que j’aime. Je sais ce que j’aime. C’est la vie. »
Fraîchement sorti du lit, les six hommes se pressent donc dans le fourgon, pour un « feu de cheminée dans un immeuble de six étages «. Alors qu’ils s’équipent de l’ARI, l’un d’eux évoque le rêve dans lequel il était plongé avant de décaler. Mais du rêve à la réalité quelques courtes minutes suffisent, et les hommes sont opérationnels dès leur arrivée sur les lieux. Le requérant a appelé le 18 car il a senti de la chaleur dans le conduit de cheminée.
« Ce n’est pas parce qu’il n’y a pas de fumée qu’il n’y a pas de feu ! précise un sapeur-pompier. Si le conduit n’a pas été ramoné depuis longtemps, la fumée s’accumule, ça chauffe et il y a un risque d’éclatement du conduit sur toute sa longueur. Dans cette situation, on va essayer de retrouver l’âtre, qui est la base de la cheminée, et retirer tout ce qui a été brulé. » Les sapeurs-pompiers s’attèlent donc à la reconnaissance de la totalité du conduit. Il est 1h30 du matin et ils frappent à la porte de chaque appartement « Excusez-nous de vous réveiller, vous avez allumé un feu ? Je peux venir jeter un coup d’œil pour vérifier la température du conduit s’il vous plait ?»
La caméra thermique permet de mettre en évidence des zones plus chaudes que d’autres, et donne des températures précises. « Nous utilisons aussi un outil qui nous permet de relever le taux de monoxyde de carbone, explique Simon. C’est un gaz qu’on ne sent pas, qu’on ne voit pas, mais qui est mortel. À nous de nous assurer qu’il n’y en ait pas dans la pièce. » Finalement la source est trouvée au premier étage. Bien que l’accueil n’ait pas été des plus agréables, les sapeurs-pompiers peuvent rentrer à la caserne avec la certitude d’avoir bien agi pour stopper tout risque d’incendie.
Départ du PSE pour un épanchement d’hydrocarbures sur la chaussée, place du Châtelet. Une fausse alerte, le produit s’avèrera être une flaque d’eau gelée.
Une personne en état d’ébriété est allongée dans le métro à Bastille. Une femme s’est inquiétée et a composé le 18, avant même de parler à cet homme et de s’assurer de sa détresse ou non. À l’arrivée des pompiers, le jeune homme est debout, fortement alcoolisé, violent, impulsif et malpoli. « Ça, c’est notre quotidien, exprime l’un des militaires, un peu lassé et impassible devant les insultes proférées à son égard. On ramasse la jeunesse dorée qui ne sait pas boire... ». Une équipe de la RATP-Sureté rejoint les secouristes, leur présence imposante calme quelque peu la désinvolture du jeune homme. « À partir du moment où on a été appelé, l’homme est sous notre responsabilité, explique Yoann. Vu son état et son comportement, il est inutile de l’emmener à l’hôpital, mais on ne peut pas le laisser là, on appelle donc la police. » Les vingt minutes qui suivent face au jeune homme illustrent bien la diplomatie des sapeurs-pompiers et leur motivation sans faille pour ce métier.
Après le petit déjeuner et le lavage des véhicules, direction la gare TGV de Montparnasse pour plusieurs d’entre eux. Les militaires, dont la moyenne d’âge à Sévigné est de 25 ans, pourront dormir quelques heures dans le train avant de retrouver famille et domicile. À 7h45, la relève est en place dans la cour pour le premier rassemblement de la journée. Et ce matin, piscine !
Reportage : Floriane Boillot
(1) La remise= grand hangar où sont stationnés les véhicules
(2) Burpees = pompe suivit d’un saut extension
(3) ARI= Appareil respiratoire isolant, comportant une protection oculaire et des bouteilles d’air
(4) Décaler= Partir en intervention. L’expression vient de l’époque où les pompes à incendies, tractées par des chevaux, étaient immobilisées par des cales au niveau des roues. Lors des départs, les pompiers « décalaient » les pompes.
(5) Charrette= VSAV dans le jargon pompier
(6) Coma= les pompiers utilisent le terme coma quand la victime est inconsciente
(7) AVC= accident vasculaire cérébral
(8) PLS= Position latérale de sécurité