La direction centrale de la police judiciaire (DCPJ) a lancé en début d’année une série de réformes afin d’améliorer son action et renforcer la coopération avec les autres directions, et notamment la Sécurité publique. Revue des chantiers les plus avancés avec Mireille Ballestrazzi, sa directrice.
C’est à l’occasion du séminaire des directeurs de la PJ, le 30 janvier dernier, que Manuel Valls, alors ministre de l’Intérieur, avait présenté une série de réformes qu’il souhaitait voir engagées par la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ).
« Sa feuille de route reprenait nombre de propositions d’évolution formulées par un groupe de réflexion mis en place à sa demande en mai 2013 », précise Mireille Ballestrazzi, directrice centrale de la police judiciaire. L’objectif de ce projet est d’améliorer l’action de la police judiciaire en adaptant ses outils et ses méthodes aux formes toujours mouvantes de la criminalité, et en renforçant la coopération avec d’autres services chargés de la sécurité, notamment avec la sécurité publique.
Dès la fin janvier, la DCPJ lançait les grands travaux. « Certains dossiers prioritaires sont déjà bien avancés, comme celui du renforcement de la synergie avec la sécurité publique, notamment en matière de recueil et d’échange de renseignements criminels opérationnels, soulignait Mireille Ballestrazzi en juillet dernier. L’extension du réseau SIRASCO (service d'information, de renseignement et d'analyse stratégique sur la criminalité organisée), avec la création de nouvelles antennes qui irrigueront tout le territoire et la désignation de référents SIRASCO au sein des suretés départementales va dans ce sens ».
Sur ce point d’ailleurs, la DCPJ travaille à l’heure actuelle à la conception d’une doctrine du renseignement criminel, avec l’aide des spécialistes de la question. « L’objectif est d’organiser l’échange de renseignements entre tous les partenaires, en assurant au mieux la remontée des informations, mais également de favoriser l’émergence d’une culture du renseignement chez tous les policiers ».
Le réseau SIRASCO n’est pas le seul concerné par les changements en cours. La DCPJ a également procédé à l’ouverture d’antennes de la PIAC (plateforme d’identification des avoirs criminels) sur tout le territoire. « Installées dans les DIPJ, DRPJ et certains SRPJ, ces antennes, au nombre de 11, permettront notamment de sensibiliser les suretés départementales à l’intérêt de procéder à une enquête patrimoniale dans certains dossiers, et leur apporteront bien entendu un soutien technique. Les bénéfices seront, à n’en point douter, importants pour les enquêteurs ».
Autres antennes territoriales à voir le jour, celles du service interministériel d’assistance technique (SIAT) de la PJ. Ce service est chargé de mener des opérations d'infiltration de réseaux criminels en appui des enquêtes de la police, de la gendarmerie et de la douane, ainsi que d'apporter un appui technologique aux enquêteurs. « Nous sommes en train de finaliser ce dossier important pour les services de police, puisque ces antennes permettront de rationnaliser l’emploi des moyens techniques spéciaux et favoriseront la diffusion d’une doctrine commune avec la Sécurité publique ».
Le renforcement de la lutte contre la cybercriminalité figurait également parmi les nouvelles orientations de la PJ. En avril dernier, une sous-direction de lutte contre la cybercriminalité (SDLC) était créée au sein de la PJ. « Cette création ne remet pas en cause le travail de l’office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication d’ailleurs intégré dans la SDLC, bien au contraire. Elle nous permettra de renforcer notre action, puisqu’il est prévu d’élaborer de nouveaux outils d’anticipation, de développer le partenariat public-privé et de créer un centre d’alerte, d’information et de réponse aux attaques informatiques au service du grand public et des PME-PMI en complément des actions déjà menées par l’Agence nationale de la sécurité des système d’information ».
Chargée de la politique globale de lutte contre la cybercriminalité, en matière de prévention et de répression, la SDLC entend également développer une véritable culture de la cybercriminalité chez tous les policiers. « Nous travaillons à la conception d’une mallette pédagogique destinée aux écoles de police afin que tout élève puisse acquérir un minimum de connaissances dans le domaine. Nous développerons également la formation de 2e et de 3e niveau afin de multiplier les « experts » dans la police. Il ne faut pas se le cacher, nous serons de plus en plus confrontés à cette problématique à l’avenir. »
Du nouveau également en matière de lutte contre la délinquance financière. Un poste d’adjoint au sous-directeur de la lutte contre la criminalité organisée et la délinquance financière a notamment été créé. « Il était indispensable que le sous-directeur puisse s’appuyer sur un adjoint chargé spécifiquement de cette question. Le domaine d’intervention de cette sous-direction est en effet trop large, -de la traite des êtres humains à la fausse monnaie en passant par les vols à main armée, les trafics de stupéfiants ou les séquestrations-, pour que son responsable puisse vraiment s’investir sur cet aspect particulier de la criminalité. L’adjoint vient d’être nommé, il s’agit de Dominique A.. « Il procédera dans un premier temps à un audit des besoins et des difficultés des divisions financières, ainsi que des relations que la PJ entretient avec tous les acteurs qui interviennent dans ce dossier, et tout particulièrement l’autorité judiciaire. Un projet de service global sera élaboré sur la base de cet audit ».
La question de la coopération internationale n’a pas non plus été oubliée. « Les enquêteurs des services de police ont aujourd’hui accès à certaines bases de données internationales comme celles d’Interpol ou d’Europol via le réseau SIENA, mais tous n’ont pas forcément une connaissance parfaite de ces outils et du fonctionnement de la coopération internationale. Pour y remédier nous avons édité un fascicule sur Interpol, Europol, Schengen et Prüm, élaboré par la division des relations internationales. »
Par ailleurs, afin de simplifier l’accès aux fichiers, la DCPJ a développé, avec l’appui technique du ST(SI)², un outil qui permettra à l’ensemble des enquêteurs d’interroger en même temps les fichiers nationaux et certaines bases de données d’Interpol et d’Europol.
La police technique et scientifique est elle aussi engagée dans une logique de modernisation. Dans le cadre du projet pour une police scientifique européenne à l’horizon 2020, le Conseil de l’Union européenne va imposer une accréditation de tous les laboratoires des pays de l’Union travaillant dans le domaine des empreintes génétiques et digitales, notamment lorsque les résultats des analyses et examens sont utilisés dans le cadre d’une procédure pénale. « Les plateformes des services d’identité judiciaire de la police nationale sont bien entendu concernées, et la procédure d’accréditation sera lancée pour une première étape prochainement », souligne Mireille Ballestrazzi.
Toutes ces mesures sont loin d’être exhaustives. La DCPJ annoncera dans les prochains mois la mise en place d’autres réformes. A suivre.
Franck Canton