Les gendarmes des brigades motorisées parcourent les routes avec pour seul mot d’ordre : lutter contre l’insécurité routière. Surveillances, contrôles, escortes… Direction l’Hérault pour 24 heures avec les motards de Castelnau-le-Lez.
Au nord-est de Montpellier, Castelnau-le-Lez accueille l’une des quatre brigades motorisées (Bmo) de l’Hérault avec Lunel, Lodève et Bézier. Au sein d’un EDSR (escadron départemental de sécurité routière), les pelotons d'autoroute, les brigades rapides d'intervention et les Bmo se partagent les routes du département en zone gendarmerie. Les brigades motorisées agissent en priorité sur les axes les plus importants mais aussi sur le réseau secondaire.
Alors que le major Christophe B., commandant de l’unité, nettoie son casque au Pliz (nettoyant ménager), son adjoint l’adjudant Charles Carrerras corrige les procès verbaux de la veille avant de les envoyer aux différentes autorités. Dans la salle commune, la fiche de service indique les missions du jour : police de la route et contrôle de vitesse en moto, patrouille en véhicule ETM (équipement de terrain mobile) et contrôle d’alcoolémie.
« Notre brigade est autonome, précise le Major B., je définis les activités de la journée en fonction des impératifs que peut nous imposer le groupement de gendarmerie de l’Hérault, comme la sécurisation des convois officiels, sensibles ou de détenus, ou encore des missions de reconnaissance de parcours. Le CORG (centre opérationnel et de renseignement de la gendarmerie) basé à Montpellier est aussi à même de nous appeler en renfort sur toute intervention. Notre planning n’est pas figé et nos horaires non plus.»
La Bmo de Castelnau dispose de 15 effectifs dont 11 officiers de police judiciaire (OPJ). Sur chaque tronçon de 24 heures sont présents au minimum un commandement, un OPJ et deux gendarmes d’astreinte.
Le major Christophe B., le maréchal des logis-chef Thierry D. et le gendarme Dominique C. préparent la moto TDM banalisée et deux Yamaha FJR 1300 aux couleurs de la gendarmerie. Ils activent la radio en liaison avec le CORG, indiquant ainsi au groupement qu’ils sont en patrouille, et branchent le contacteur de leur blouson air-bag à leur fidèle destrier. Tous sont passés par les trois mois de formation des motocyclistes de la gendarmerie nationale à Fontainebleau. Ils y ont été formés au pilotage : effectuer les trajectoires de sécurité, rattraper des véhicules, connaître les différentes escortes… et leurs compétences sont testées tous les cinq ans.
« Nous nous arrêterons pour effectuer des contrôles de vitesse sur la RD66, c’est l’axe que prennent les Montpelliérains pour aller à la plage de Palavas-les-Flots. La limitation y est de 90 km/h avec une portion à 110 » indique le gendarme Dominique C. avant de mettre les gaz.
Les jumelles Prolaser collées au visage, Thierry D. s’exclame : « 125 km/h la Polo blanche ! ». Ses deux collègues rattrapent le conducteur imprudent et l’invitent à se garer. Lorsqu’il ouvre sa portière, des vapeurs d’alcool poussent les gendarmes à le faire souffler sur le champ dans un éthylotest. « Le dépistage est positif, indique Dominique C., nous allons pouvoir obtenir une mesure précise grâce à l’éthylomètre. Chaque unité de l’EDSR 34 en possède un. Entre 0,25 et 0,39 mg d’alcool par litre d’air expiré, il aura une contravention, au dessus ce sera un délit. » Le résultat est de 0,21 milligrammes. Il s’en sortira avec 135 € d’amende pour excès de vitesse, un retrait de deux points sur son permis de conduire, et quelques rappels sur le temps nécessaire à l’alcool et ses effets pour disparaître.
Mireval, Frontignan, Sète, Saint Georges d’Orque… le circuit continue en agglomération Montpelliéraine et dans la garrigue. Thierry D. en moto banalisée se fond dans la circulation et lorsqu’il repère une infraction, il enclenche les warnings et lève un bras pour prévenir les gendarmes roulant plus loin derrière. « L’avantage de la moto est que l’on peut se déplacer de façon fluide, explique-t-il. La vision périphérique est plus importante et l’on voit plus facilement les infractions. »
Ceinture de sécurité non-attachée, téléphone au volant, feu rouge grillé, inobservation du fléchage au sol… Pour sécuriser les axes et évincer tout ce qui pourrait devenir un comportement dangereux « Le major ne laisse rien passer : il est entier ! » disent ses hommes. Une rigueur exemplaire pour un militaire passionné par son travail : « En Bmo, tout est dans l’instantané. On voit la faute et on la sanctionne immédiatement. L’action est percutante. »
Un conducteur de Vespa est contrôlé pour absence de rétroviseurs. Or ce modèle-là, classé véhicule de collection des années 1950, n’est pas tenu d’en avoir. Pas de verbalisation cette fois-ci !
Retour à la brigade. Toutes les informations enregistrées dans le PVE (procès verbal électronique) sont transmises directement au Centre national de traitement des infractions routières à Rennes. Alors que l’heure est au ravitaillement, le CORG alerte l’unité : l’EDSR demande la Bmo en renfort pour sécuriser un rassemblement d’individus se rendant sur les lieux d’une rave-party. Les « raveurs » se sont donnés rendez-vous sur un parking de Baillargues avant de rejoindre le fameux lieu inconnu des services de gendarmerie. Le planning de l’après-midi est bouleversé, l’unité du Major B. s’adapte immédiatement.
Le commandant de la Bmo en Renault Mégane et deux gendarmes en moto arrivent à Baillargues pour leur mission de " balisage arrière " du convoi de raveurs, afin d’éviter tout débordement et accident sur le trajet. Commence alors une longue attente au milieu des camions, voitures et fourgonnettes décorés pour l’occasion. Les jeunes et leurs chiens sont nombreux. On peut lire sur un drap étendu " Non aux saisies, laissez-nous raver, on veut juste s’amuser ". Le major n’est pas de cet avis : « La préfecture n’a pas donné l’autorisation de ce rassemblement. S’il arrive un accident lors de leur rave-party, l'État sera accusé de ne pas avoir pris toutes les précautions.»
Sans amoindrir leur vigilance, les gendarmes de la Bmo sont ouverts à la discussion. « Échanger avec les gens, ce n’est pas vraiment le travail des motards, mais on y est obligé pour avoir des renseignements, pour établir un contact physique et oral, raconte l’adjudant C.. On parle des choses qu’on a en commun … les chiens ! » Il parvient finalement à apprendre que la rave se tiendra dans l’Aude.
« Là, on est en plein dans l’ordre public. Et le maître-mot de l’ordre public, c’est patience » ajoute l’adjudant. Des dizaines de véhicules continuent d’affluer de toute la France, d’Espagne, d’Italie, d’Angleterre, des Pays-bas et de Norvège. Entre les tee-shirts faisant l’apologie du cannabis et les plaques d’immatriculation illisibles, « on a du mal à se retenir ! plaisante le major B.. Mais nous sommes ici pour leur sécurité et celle des autres automobilistes, pour jalonner le parcours et renseigner l’État-Major ». Alors, la prise de contact se poursuit : « vous avez ramené des spécialités de vos régions ? »
Les 155 véhicules semblent prêts à partir. L’adjudant C. se met d’accord avec l’organisatrice de la rave, positionnée en véhicule de tête : « Je vais gérer la circulation au rond-point, puis rouler à 60 km/h, et tout le monde se calera » lui indique t’il. Les motards se chargeront ensuite de maintenir le convoi sur la voie de droite.
Le major B. prévient le CORG : « mise en route du convoi au départ de Baillargues », et la mégane de la gendarmerie prend sa place de voiture-balai sur l’A9 en direction de Barcelone. « En Bmo, il y a toujours de l’activité. On a les doigts dans la prise en permanence » commente Christophe B.. Et cela se vérifie à chaque instant ! Une camionnette remplie de raveurs est en panne sur la bande d’arrêt d’urgence, le major lui indique les consignes de sécurité « mettez-vous tous de l’autre côté de la barrière, appelez la dépanneuse à la borne, et surtout, ne laissez pas s’échapper le chien sur les voies ! ».
Le convoi étendu sur plus de 10 kilomètres et ayant largement participé aux embouteillages du 15 août, sort enfin de l’autoroute. La Bmo de Castelnau peut passer le relais. « La compagnie de Béziers puis le groupement de gendarmerie de l’Aude géreront la suite du trajet et la nuit. Inutile d’être tous au même endroit, nous pouvons retourner sur notre secteur » lâche le major pour qui la journée est loin d’être terminée.
À Castelnau-le-Lez Christophe B. retrouve les gendarmes de ce matin, Dominique C., Marc C. et Thierry D., en chasuble jaune pour des contrôles d’alcoolémie sur une route empruntée par les amateurs des fêtes votives.
Le chef d’escadron Roger A., commandant l’EDSR de l’Hérault ayant pris ses fonctions il y a peu, est présent : « Je me déplace sur le terrain pour prendre attache avec mes hommes, les connaître, discuter avec eux. » Il insiste sur la sécurité et l’attention que se portent les gendarmes entre eux : « Lors de nos contrôles en bord de route il faut être extrêmement vigilant : on n’est pas à l’abri d’un automobiliste qui nous foncerait dessus. »
Un piéton prévient les gendarmes : « Il vient d’y avoir un accident de scooter de l’autre côté du pont "Les cabanes de Pérols". La dame rentre chez elle à pied avec le bras cassé ! » Aussitôt prévenus aussitôt partis, les gendarmes rejoignent les passagers des scooters et la victime. « Asseyez-vous, vous pouvez bouger le bras ? Serrez-moi la main ! », le major sollicite la victime avant de décider d’appeler les pompiers du SDIS 34. Ces premiers gestes et paroles de secours font partie de leur quotidien. Puis l’affaire se corse : « qui conduisait le scooter ? ». Un homme tarde à avouer. Les gendarmes procèdent à son contrôle d’alcoolémie. L’éthylomètre indique 0,78 mg d’alcool par litre d’air expiré, soit 1 ,56 grammes dans le sang. L’infraction est délictuelle. Les gendarmes l’auditionnent. Thierry D. explique la procédure : « Nous faxons la notification du taux d’alcoolémie et l’audition à la préfecture. La personne du service des permis de conduire signera dans les 72 heures l’arrêté de suspension provisoire immédiate de votre permis de conduire. Vous serez convoqué par le TGI de Montpellier ultérieurement. »
Il arrive que des automobilistes contrôlés admettent tout de suite leurs faiblesses, c’est le cas d’un jeune conducteur de camionnette indiquant fumer régulièrement. Le dépistage salivaire qu’effectuent les gendarmes le confirme : il est positif au cannabis et à l’amphétamine.
Direction la clinique du parc à Castelnau, en fourgon, pour un " examen clinique pour conduite sous stupéfiants " obligatoire. « Les Urgences, voici un lieu où nous passons aussi beaucoup de temps : il faut attendre son tour, la gendarmerie n’est pas prioritaire ! » rappelle le maréchal des logis-chef D.. Il transmet au médecin la réquisition pour l’examen médical, un kit de prélèvement sanguin ainsi qu’une feuille d’analyse comportementale concernant les stupéfiants à remplir. Les flacons de sang (deux, en cas de contre-expertise) sont mis sous scellés et seront envoyés au laboratoire. Les résultats permettront au préfet de définir les modalités de l’arrêté de suspension provisoire du permis de conduire.
À la brigade, le Major Christophe B. rédige le compte-rendu du service : « je saisis sur le logiciel Pulsar le nombre de dépistages, d’infractions, les communes visitées… C’est toute la partie administrative de notre travail. »
Satisfaits d’avoir peut-être permis d’éviter au moins un accident aujourd’hui, les gendarmes rentrent chez eux à la caserne de Castelnau-le-Lez. Cette nuit ils ne seront pas rappelés. À 8 heures le lendemain, Thierry D., Dominjque C., Marc C., et Charles C. seront de nouveau sur le qui-vive pour le week-end, avec deux autres militaires de l’unité.
L’avis du Chef d’escadron Roger A., commandant l’EDSR de l’Hérault
« La mission principale des escadrons départementaux de sécurité routière, composés des unités autoroutières et des brigades motorisées, est de lutter contre la délinquance routière, faire descendre les indicateurs de blessés et de tués sur les routes. Une analyse fine de l'accidentalité permet de mener des actions ciblées afin de lutter efficacement contre des comportements à risques (excès de vitesse, non-respect des règles de priorité, conduites addictives).
Nous devons occuper l’espace et le temps. Notre présence est dissuasive. À l’EDSR, on ne s’occupe pas du stationnement, on verbalise les infractions graves. Si nous sommes dans la répression, c’est pour que les déplacements personnels et professionnels ne finissent pas en drame.
Si chacun partageait la route et respectait les autres par son comportement (comme s’arrêter au stop ou désigner un capitaine de soirée par exemple), nous aurions moins de nouvelles dramatiques à annoncer aux familles. Au final, notre mission est de rendre les routes plus sûres. »
Floriane Boillot