Depuis plus d’un an, le ministère s’est résolument engagé dans une politique favorable au partage des responsabilités. Une feuille de route, signée par le ministre de l’Intérieur, précise les objectifs en matière d’égalité femmes-hommes.
Le changement qui s’opère quant à la place des femmes au sein du ministère, notamment de celles qui occupent un poste à hautes responsabilités, s’inscrit dans la dynamique de l’instauration d’un ministère du Droit des femmes, en mai 2012, afin de promouvoir une politique d’égalité entre les femmes et les hommes. En août de la même année, le Premier ministre signait deux circulaires publiées au Journal officiel, qui prévoyaient la nomination d’un haut fonctionnaire à l’égalité des droits dans chaque ministère et la réalisation d’une étude d’impact accompagnant tout projet de loi afin de s’assurer des conséquences du projet sur la situation des femmes dans la société française.
Le ministre de l’Intérieur a désigné comme haut fonctionnaire le secrétaire général du ministère, Didier Lallement, avec, à ses côtés, une adjointe, Corinne Desforges, inspectrice générale de l’administration. Parallèlement, seize référents égalité étaient nommés, un dans chaque direction.
Une feuille de route, signée par le ministre de l’Intérieur en janvier 2013, précise les objectifs en matière d’égalité. Elle prévoit une meilleure carrière pour les femmes en prenant en compte la parentalité, les horaires de travail, les dates de déménagement par rapport à la scolarité, la possibilité de suivre des formations.
La situation des femmes au ministère de l’Intérieur est assez disparate. « Près de 30 % des agents qui travaillent au ministère sont des femmes, ce qui ne correspond pas à l’image que l’on a habituellement du ministère de l’Intérieur, considéré comme un ministère très masculin, explique Corinne Desforges. Il paraît masculin parce que ceux que l’on voit, notamment les plus hauts responsables, sont des hommes. Il faut souligner la place importante des femmes dans tous les métiers du ministère et indiquer que plus de la moitié d’entre elles travaillent dans les métiers de la sécurité ». Le haut fonctionnaire Didier Lallement et son équipe, Corinne Desforges et Martine Lévy, travaillent à identifier et lever les multiples freins à l’accession des femmes aux plus hautes fonctions. « La France est l’un des derniers pays d’Europe où le présentéisme sert encore à légitimer l’autorité. Ce n’est pas le cas dans les pays du nord où des responsables refusent des rendez-vous après certaines heures parce qu’ils vont chercher leurs enfants à l’école. » Réunions tardives, dévouement exclusif au travail, formations éloignées et longues, âge limite d’accession à certaines formations supérieures, sont quelques-uns de ces freins. Cette conception du travail se réfère au modèle familial des années soixante, dans lequel le mari travaillait et la femme élevait les enfants. Un modèle aujourd’hui obsolète, détrôné au milieu des années soixante-dix par le développement du travail des femmes, désireuses d’un autre épanouissement, travail également devenu une nécessité économique pour la majorité des couples aujourd’hui. Pour autant, l’éducation des enfants reste encore le plus souvent à la charge des femmes. Conséquence : ce sont elles qui sollicitent le plus le temps partiel. Au ministère, celui- ci concerne 25 % des femmes et 3 % des hommes dans l’administration générale, 8,9 % des femmes et 0,4 % des hommes dans la Police nationale. Le statut militaire des gendarmes l’exclut.
« Les femmes ont accès à la formation, donc à la promotion, reprend Corinne Desforges. Mais la manière dont elle est organisée peut être discriminante s’il s’agit de temps de formation longs et éloignés du domicile. Les femmes, parfois, hésitent à partir de chez elles pour quinze jours en laissant mari et enfants. Ce que l’on veut, c’est que la formation ne gêne pas les femmes dans leur vie, quand la charge des enfants est amoindrie. »
Les changements commencent à être perceptibles. En 2006, il y avait huit préfètes en postes territoriaux. En juin 2013, elles étaient dix-huit. Pour la première fois, en 2013, une femme a été nommée générale de gendarmerie. Et il y a désormais une directrice de la modernisation de l’action territoriale (DMAT), qui a d’ailleurs précédemment été directrice de la DEPAFI, une directrice des ressources humaines (DRH), une cheffe de l’inspection générale de la Police nationale (IGPN). « Depuis quinze mois, il y a une augmentation de la place des femmes hauts fonctionnaires, indique Corinne Desforges. Cela est dû, notamment, à la loi de mars 2012, qui prévoit au moins 20 % de premières nominations de femmes sur des emplois de sous-préfets, directeurs de centrale et préfets pour la période 2013-2014. Ce chiffre passera à 30 % pour 2015-2016 et à 40 % à partir de 2017. Ce dernier pourcentage a d’ailleurs été largement dépassé pour 2013 avec un taux de 43 % de primo-nominations depuis le début de l’année. »
Le rôle de Corinne Desforges est aussi de suivre les politiques publiques, comme les violences faites aux femmes, la parité en politique, ainsi que de développer les statistiques et la réalisation d’études d’impacts au ministère. En octobre dernier, un site consacré à l’information sur l’égalité entre femmes et hommes a ouvert sur l’intranet du ministère de l’Intérieur, et une plaquette d’information a été diffusée dans les préfectures. En 2014, une concertation sociale sera lancée par la DRH pour décliner au ministère les mesures de l’accord national du 8 mars 2013 sur l’égalité professionnelle. Enfin, une association de femmes en postes à responsabilités, aussi bien dans la Police, la Gendarmerie nationales et la Sécurité civile que dans l’administration générale, vient de se constituer au ministère. « Elle permettra aux femmes d’être plus visibles et de s’affirmer, souligne Corinne Desforges. En favorisant la qualité de vie au travail et une mixité accrue des agents, la politique de parité participe à la modernisation du ministère. »