Une récolte peu ordinaire en Outre-mer

Récoltes d'armes pour destruction par le service déminage de la Sécurité Civile © DR

Inspirées des États-Unis, les opérations « Déposez les armes » incitent les particuliers à remettre volontairement leurs armes et munitions dans les brigades de gendarmerie ou les commissariats de police. Après la Guadeloupe et la Martinique, cette campagne a été lancée le 30 avril dernier en Guyane.


En 2013, sur une population de plus de 400 000 habitants, la Guadeloupe a enregistré 43 homicides volontaires. En Martinique, le taux d’homicides pour 100 000 habitants est de 5 (identique à celui des États-Unis, 1.2 en France métropolitaine). En Guyane, 200 faits de violence (homicides, vols) ont été commis en 2013 à l’aide d’armes à feu. Face à ces chiffres et faits divers alarmants, les préfets et les procureurs de la République de Martinique, de Guadeloupe et de Guyane ont tour à tour lancé une campagne de lutte contre la détention et la circulation des armes. L’objectif est d’inciter les particuliers à rendre volontairement les armes à feu en leur possession afin d’éviter tout risque d’escalade de la violence.

Une sensibilisation en guise d’avertissement à l’attention aussi bien des détenteurs d’armes déclarées, invités à conserver séparément de préférence armes et munitions dans des conditions de sécurité optimale, que des détenteurs d’armes illégales invités à prendre conscience qu’un jour ou l’autre ils pourraient malgré eux être tentés de s’en servir. Un moyen également de démontrer l’illusion de sécurité liée à la détention d’une arme, notamment des conséquences dramatiques et irréversibles de leur usage. La préfecture de Guadeloupe a été la première à lancer cette initiative lors de deux campagnes organisées entre février et mars 2013 puis entre septembre et décembre de la même année. La campagne médiatique à destination de la population invitait à déposer les armes détenues illégalement sans aucun risque pour les personnes concernées d’être poursuivies par l’autorité judiciaire du chef de détention illégale d’armes. Le bilan global n'a pas été   négligeable : 435 armes à feu et près de 2500 munitions récupérées. Ajoutées aux 892 armes saisies lors d’enquêtes judiciaires, ce sont donc plus d’un millier d’armes mises hors circuit en Guadeloupe en 2013. Cette prévention permettait aussi de rappeler à la population les mesures de répression dans ce domaine et de l'informer de la mise en place d'un renforcement des contrôles et de l'aggravation des sanctions pour les détenteurs d'armes illégales.

Affiche déposez les armes

En Martinique, l’opération a entraîné une adhésion encore plus importante de la population. Du 1er février au 30 avril dernier, pas moins de 723 armes à feu, 27 400 cartouches, 2000 plombs et 5 grenades ont été récupérés par les services de police et de gendarmerie. À l’instar des Guadeloupéens, les Martiniquais déposant leurs armes pendant la durée de l’opération ne risquaient aucune sanction administrative ou judiciaire. Une fois les armes récupérées, elles ont été stockées dans les armureries sécurisées des différentes unités de police et de gendarmerie, avant d’être détruites fi n mai chez un ferrailleur local. La destruction d'armes nécessitant des précautions et des compétences particulières, une équipe de la sécurité civile et du matériel de leur centre de déminage basé en Guadeloupe sont venus renforcer leurs collègues martiniquais. La destruction de toutes les armes et munitions récupérées durant l'opération ainsi que celles saisies hors opération par la Justice et les services des douanes s’est déroulée durant une semaine au centre de tir de Colson pour les munitions et à l'entreprise Métal Dom pour les armes.

En Guyane, la campagne a été lancée début mai et courait jusqu’à début juillet. L’objectif annoncé est identique : lutter contre la banalisation des armes à feu. Une question se pose au final. Qui sont précisément ces personnes venues ainsi déposer spontanément leurs armes ? Franck Desrumaux, directeur départemental de la sécurité publique en Martinique, précise : « Évidemment, on ne s’attendait pas à ce que le braqueur nous ramène son calibre. » Pour le chef d’escadron Francis David, commandant de la compagnie départementale du Marin, ce sont « les personnes âgées qui ramènent les armes, pas les jeunes », avec par exemple des veuves ayant déposé les armes de leur mari défunt. Devant le succès de ces opérations, préfectures et les parquets pourraient renouveler une fois par an cette campagne.
Richard Wawrzyniak