Un nouvel hôpital de campagne

Hôpital de campagne Escrim © MI/DGSCGC/J.Bertrand

Les sauveteurs de la sécurité civile ont déployé à Nîmes la nouvelle mouture de leur hôpital de campagne, fleuron de l’Intérieur en matière de médecine de catastrophe.


Ils ont choisi un terrain militaire aussi grand qu’un stade de football, en bordure de l’ancienne base de l’armée de l’air de Nîmes pour planter et déployer les trente-deux tentes qui composent l’élément de sécurité civile rapide d’intervention médicale (ESCRIM). Entre eux, les soixante-quinze membres de cet hôpital de campagne à la pointe de la technologie l’appellent couramment l’ESCRIM. Imaginée en 1985, au lendemain du tremblement de terre de Mexico, par Thierry Prunet et Michel Orsel, médecins de sapeurs-pompiers volontaires dans le Gard, cette structure aérotransportable a considérablement évolué depuis sa toute première mouture, laquelle se résumait à deux caisses conditionnées dans un Pick-up.

Dans sa nouvelle version, l’ESCRIM est plus que jamais une structure hospitalière autonome, unique en son genre dans le monde. Armée par trente-trois sapeurs-pompiers professionnels et volontaires du service d’incendie et de secours du Gard et quarante-deux sapeurs-sauveteurs des unités militaires de la sécurité civile de Brignoles (Var) et de Nogent-le-Rotrou (Eure-et-Loir), l’ESCRIM permet de prendre en charge des patients avec une qualité de prestation comparable à une structure en dur, à l’exception de certaines spécialités comme la chirurgie cardiaque ou la neurochirurgie lourde.

« Nous pouvons traiter tout type de pathologie dans cet hôpital de cent lits. Du petit bobo jusqu’à la traumatologie qu’on peut retrouver sur des théâtres de guerre, explique le colonel Jean Blanchard, médecin chef au service d’incendie et de secours du Gard et responsable de l’ESCRIM.

L’hôpital respecte les mêmes normes sanitaires et les mêmes protocoles qu’une structure en dur classique. Nous disposons d’un plateau technique avec deux blocs opératoires sous anesthésie générale et locale, d’un service de stérilisation, de radiologie et d’imagerie médicale numérique, de biologie pour les analyses de sang par exemple. Nous avons également une pharmacie centrale et une salle de réanimation ». Depuis les années quatre-vingts, l’ESCRIM a acquis ses lettres de noblesse et évolue en permanence au gré des catastrophes naturelles et des conflits. « Suite aux retours d’expérience du tremblement de terre de Port-au-Prince à Haïti, les membres de l’ESCRIM ont revu leur copie. Nous n’avons presque pas touché à la philosophie de cet hôpital qui fonctionne jour et nuit. Le principe est toujours le même. Sauver le maximum de vies et les évacuer rapidement. Appliquer les principes fondamentaux de la médecine de catastrophe à la française, imaginée par le général Noto, et amener les équipes médicales au plus près des blessés. Lors d’une catastrophe, la prise en charge des patients et de leur famille est une étape cruciale.

Nous sommes en face de gens en très grande souffrance, souvent dans un total dénuement, explique de son côté Claude Renaudeau, pharmacien et conseiller technique du directeur général de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC). Au moment du tri, les médecins urgentistes sont amenés à faire des choix, parfois difficiles. Notre structure n’a pas vocation à réaliser une opération chirurgicale de 12 heures mais plutôt à opérer douze personnes dans le même laps de temps ». Sur le plan matériel, l’ESCRIM a fait peau neuve et les tentes gonflables jaunes de la première génération ont laissé place à des structures blanches immaculées, plus légères et plus pratiques. « Nous avons aussi amélioré la partie technique opératoire, mis en place un système qui permet une meilleure
gestion de l’oxygène. Nous avons enfin déployé l’imagerie numérique et acquis un échographe ».

Autonome, l’hôpital français assure son propre soutien logistique et n’a pas vocation à rester dans un pays au-delà du temps nécessaire au retour à la normale, après le passage d’une catastrophe. « C’est fondamental de pouvoir être indépendant, soulignent de concert Claude Renaudeau et Jean Blanchard. Après une catastrophe, nous ne devons jamais représenter un poids supplémentaire pour un État meurtri. Cette autonomie demande une constante discipline et le respect strict d’un certain nombre de règles ».

Au sein de l’ESCRIM, la vie est la même qu’au sein d’un hôpital de ville. Elle est rythmée par les patients. La sécurité civile a d’ailleurs mis en place une charte très claire à ce sujet. « Quand nous intervenons, nous ne sommes pas en France, mais nous sommes la France avec ses valeurs humanistes. Nous soignons tout le monde, insiste Jean Blanchard. Peu importe la couleur de peau, la culture et la religion. Nous avons le devoir de nous adapter au contexte local. Le respect de la personne est aussi important que le soin. Nous y veillons et le rappelons au quotidien. Ça passe aussi par la mise en place d’un paravent devant le lit d’un patient. Et puis, vous savez, si la douleur s’exprime différemment selon la culture de chaque peuple, au fond, elle est toujours la même ».

Joachim Bertrand

Sauveteurs de l'Escrim © MI/DGSCGC/L.Roche

Les 10 interventions majeures de l'ESCRIM

  • 1985 : tremblement de terre au Mexique
  • 1988 : tremblement de terre en Arménie
  • 1990 : tremblement de terre en Iran
  • 1992 : tremblement de terre en Turquie
  • 1997 : guerre civile en République du Congo
  • 1999 : afflux de réfugiés en Macédoine
  • 2003 : tremblement de terre en Algérie
  • 2004 : tsunami en Indonésie
  • 2009 : guerre civile au Sri Lanka
  • 2010 : tremblement de terre en Haïti