Sorti en août dernier, L’extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikéa est un énorme succès de librairie, tant en France qu’à l’étranger. Son auteur, Romain Puertolas, lieutenant de police à la direction centrale de la police aux frontières, en a vu son destin totalement bouleversé.
Il ne s’en cache pas. Ce livre, Romain Puertolas l’a écrit sans plan, en moins de deux semaines, debout dans les transports en commun lors de ses trajets travail-domicile. Il l’a écrit sans prétention, pour se faire plaisir, se faire rêver. Et subitement, c’est le succès, d’abord national puis international. L’extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikéa a été vendu à plus de 100 000 exemplaires en l’espace de deux mois, les droits du livre achetés par trente-cinq pays. Cette histoire d’un fakir loufoque, drôle et attachant à la fois est aussi la sienne. Débarqué en France de son Inde natale, le héros, Ajatshatru Lavash Patel, n’a qu’une idée en tête : acheter un lit à clous chez Ikéa ! Ses pérégrinations, faites d’humour ravageur et d’arnaques en tous genres le mèneront aux quatre coins de l’Europe. L’auteur aborde d’une manière surprenante et humoristique le destin de migrants clandestins, mais parle aussi d’amour, de rêve ou encore d’aventures incongrues… Un livre qui mérite bien ce succès inattendu.
Civique : Comment vivez-vous le succès incroyable de votre roman ?
Romain Puertolas : Ce n’est pas incroyable, c’est extraordinaire. Une partie de moi me dit que c’est normal que je sois dans toutes les librairies, à la télévision, dans les journaux, et une autre partie me dit que ce n’est pas possible. C’est une aventure extraordinaire, surtout quand on a passé sa vie à écrire sans jamais chercher à percer dans ce domaine. J’avais l’écriture en moi depuis tout petit mais cela ne m’est jamais passé par l’esprit de pouvoir en vivre. J’ai donc envoyé mon manuscrit, comme d’habitude, au Dilettante, et c’est le moment qui a changé ma vie. Sollicité par tous les médias, je suis pris dans un véritable tourbillon. Auparavant je n’étais lu que par trois ou quatre personnes, ma femme, mes amis, ma famille, alors qu’aujourd’hui mon livre a été acheté par trente-cinq pays, dont une vingtaine avant même sa parution, ce qui n’est jamais arrivé en France. Sept producteurs de cinéma se battent actuellement pour acheter les droits du livre. Au fur et à mesure des semaines, les ventes n’ont pas cessé d’exploser, 500 exemplaires, puis mille, puis 10 000, et là nous avons dépassé les 100 000 ! Je ne connais tout de même pas 100 000 personnes !
Civique : Comment vous est venue l’idée de ce livre ?
Romain Puertolas : A la base je l’ai écrit pour moi, pour mon plaisir et tout d’un coup il est lu partout en France et bientôt dans le monde. Quand je l’ai écrit, c’était ma manière personnelle de me faire rêver. Ce que je n’ai pas eu dans ma vie, j’ai pris la liberté dans mon livre de l’offrir à mon personnage : il va vivre un rêve en écrivant un livre qui devient un best-seller dans le monde entier, et quelques semaines après je vis exactement la même chose ! Peut-être un pouvoir d’anticipation !
En évoquant le thème de l’immigration clandestine, je ne cherche pas à plaire ou à déplaire. Je ne critique rien. Chacun lit et voit ce qu’il veut. En tant qu’écrivain je n’ai rien voulu dénoncer, ni le capitalisme ni l’immigration irrégulière. C’est le premier livre que j’ai écrit autour de ce thème. Dans mon métier d’analyste à la DCPAF j’entends souvent parler de clandestins cachés dans des poids lourds, et j’ai incrusté par hasard cet épisode dans le livre.
Civique : Pourquoi, selon vous, votre roman connaît-il un tel succès mondial ?
Romain Puertolas : Qu’est-ce qui peut toucher un Français, un Roumain et un Américain ? Après tout cela, il a fallu que je me pose la question. Mon livre présente une universalité du fait des nombreuses nationalités qui y sont présentes, je joue beaucoup avec les stéréotypes de chaque nationalité. Il y a aussi une histoire d’amour, et surtout un message humain : si on enlève les nationalités, les étiquettes (le policier/le clandestin), il reste quoi ? Des humains ! C’est un livre qui parle donc avant tout d’humains, de personnes qui vont tout faire pour aller dans un autre pays parce qu’ils ont juste eu la malchance de naître au mauvais endroit. Je suis peut-être crédule ou idéaliste mais c’est un message qui est lisible autant par un Turc que par un Islandais. Le livre sera d’ailleurs traduit en trente-et-une langues.
Civique : Comment envisagez-vous les mois à venir ?
Romain Puertolas : Je prends une disponibilité de trois ans pour faire la promotion du livre. Un livre ce n’est pas uniquement l’écriture. Avec ce succès, je suis sollicité en permanence, avec un agenda bondé, juste pour la promotion française. Il est sorti en Roumanie en novembre, et le sera dans le reste du monde en 2014. Du coup, je devrais en faire la promotion en Allemagne, en Espagne, au Canada, en Australie, en Angleterre, en Espagne… Ce qui représente un travail colossal. Entre les prix, les dédicaces, les librairies, c’est un emploi à temps plein. J’ai le total appui de mes supérieurs qui sont très compréhensifs. Ils sont contents de vivre mon succès par procuration. Tout le monde au travail savait que j’écrivais, certains de mes collègues ont lu mes précédents livres. Ils sont à la fois surpris et ravis de ce qui se passe pour moi.
Propos recueillis par Richard Wawrzyniak
Découvrez l’univers de Romain Puertolas sur son site Internet : http://www.romainpuertolas.com