Créé en 1992, le département entomologie légale de l'IRCGN est devenu une référence mondiale, avec à ce jour plus de 1400 dossiers traités à son actif. Aujourd'hui baptisé Faune et Flore Forensiques, il a pour objectif de traiter l'ensemble des indices d'origine naturelle prélevés sur une scène d'infraction.
Il ne se passe pas un jour sans que les enquêteurs de la gendarmerie et de la police aient à traiter d'une découverte de cadavre. L'un de leurs impératifs est alors de déterminer la date, voire l'heure de la mort. C'est l'une des missions du médecin légiste. Mais au-delà de 72 heures, ce dernier ne peut se prononcer avec précision.
C'est alors aux entomologistes d'entrer en scène. Ils savent compter sur des « indics » fiables et nombreux : les insectes. Attirés par les effluves imperceptibles émanant du corps dès les premières minutes de la mort, ces fossoyeurs de la nature se succèdent par vagues, selon un rituel immuable. Sauf conditions exceptionnelles, plusieurs vagues d'insectes nécrophages vont ainsi se succéder au fur et à mesure de la décomposition.
Les entomologistes du département faune et flore forensiques (3F) de l'institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN – pôle judiciaire de la gendarmerie nationale) ne se déplacent sur la scène de crime que pour des affaires complexes. La plupart du temps, ils s'appuient sur le travail des techniciens en identification criminelle de la gendarmerie et des agents spécialisés de la police technique et scientifique, dotés d'un kit de prélèvement spécifique. Ces techniciens commencent par figer la scène en photos, puis ils effectuent des prélèvements « vivants » dans l'environnement du cadavre, puis sur le corps lui-même. Transformés en scellés judiciaires, larves et insectes adultes sont envoyés à l'IRCGN. Là, les scientifiques de la 3F les mettent en élevage pour étudier la totalité de leur cycle de vie.
« L'entomologie, c'est la datation de l'arrivée des insectes sur le corps. On part du principe général que la période de ponte est concomitante avec celle de la mort. La méthode de calcul se base sur l'ensemble du cycle de l'insecte. On les porte donc jusqu'au stade adulte qui marque pour nous le point de départ d'un retour dans le passé. On calcule la date de ponte, et de là on fait une estimation de la date de la mort avec une marge de 2 à 3 jours pour un corps d'une semaine, pouvant aller à une semaine pour un corps vieux de six mois. Au-delà de huit mois, en métropole, c'est du domaine de l’anthropologie », explique le capitaine Laurent D.. Mais tout n'est pourtant pas si simple, car les experts doivent prendre en compte différents paramètres environnementaux et climatiques qui influent sur la décomposition du corps et la colonisation des insectes. L'arrivée des insectes peut également être différée si, par exemple, le corps a été « emballé » ou réfrigéré. Les entomologistes sont en mesure de détecter de telles anomalies et d'orienter les enquêteurs.
Le département 3F de l'IRCGN travaille aussi bien au profit de la gendarmerie que de la police. Depuis sa création en 1992, il a traité plus de 1 400 dossiers. Chaque année, il gère près de la moitié des affaires réalisées en Europe. En termes d'expertise, de volume de personnels dédiés à cette discipline et de dossiers traités, il est une référence mondiale.
« TRAITER L'ENSEMBLE DES INDICES D'ORIGINE NATURELLE »
La deuxième activité majeure du département 3F est celle des diatomées. L'étude de ces algues unicellulaires permet d'établir s’il s'agit d'une noyade ou si la personne était déjà morte quand son corps a été immergé. Ensuite, pour estimer le délai minimal de submersion d'un corps ou de tout autre objet, les scientifiques s'appuient sur la présence d'une faune aquatique.
Depuis 2004, la palynologie est également l'une des disciplines pratiquées au sein de l'IRCGN. Son utilisation en criminalistique permet, par comparaison d'échantillons, d'établir un lien entre des personnes, des objets ayant fréquenté une même formation végétale, mais aussi de les relier à un milieu. L'étude des pollens est notamment utilisée dans les enquêtes relatives aux trafics de cannabis. Elle permet de lier une personne à de la manipulation de plants et de mettre en évidence un lieu de culture de cannabis, même si toutes les preuves ont en apparence disparu.
Enfin, depuis septembre dernier, les scientifiques du département 3F ont élargi leur domaine d'expertise à l'identification moléculaire animale. L'objectif est de déterminer si les matières organiques, tels que le sang et les poils, prélevées sur une scène d'infraction sont d'origine humaine ou animale. Les scientifiques de la gendarmerie mettent notamment leur expertise dans ce domaine au profit des opérations internationales de lutte contre les trafics de spécimens protégés par la Convention de Washington et les importations de viande de brousse.
« Notre département a pour objectif de traiter l'ensemble des indices d'origine naturelle prélevés sur une scène d'infraction », conclut le capitaine D.. « Dans ce domaine, il y a encore beaucoup de disciplines à développer. Nous cherchons toujours à innover, à aller de l'avant ».
Céline Morin