La police de la boucherie à Paris sous l’Ancien Régime et le Consulat

La police de la boucherie à Paris sous l’Ancien Régime et le Consulat

Le contrôle sanitaire de la viande à Paris par les autorités publiques a fait l’objet sous l’Ancien Régime de règlements de police. Libéralisée sous le Directoire, la boucherie parisienne s’est vue réorganisée par Bonaparte.


La sécurité alimentaire et sanitaire est inscrite depuis des siècles dans les intérêts vitaux de la population et de l’Etat. Les crises sanitaires récentes rappellent d’ailleurs l’importance de la surveillance de la filière viande en France par les pouvoirs publics.

Déjà sous l’Ancien Régime, Nicolas Delamare (1639-1723), conseiller-commissaire du roi au Châtelet de Paris, relève dans son Traité de la Police en quatre volumes, édité entre 1705 et 1738, l’importance de la viande de boucherie, qui fait l’objet de l’un des chapitres consacré à la police des vivres. Il écrit : « La viande de boucherie est la nourriture la plus ordinaire après le pain & conséquemment celle qui peut davantage & le plus souvent intéresser la santé. Toutes les précautions que l’on peut prendre à cet égard consistent en ces quatre points : que les bestiaux soient sains ; qu’ils soient tués & non pas morts d’eux-mêmes, de maladie ou étouffés ; que l’apprêt des chairs s’en fasse proprement ; qu’elles soient débitées dans des temps convenables, ni trop tôt parce qu’elles nuisent à la santé lorsqu’elles sont nouvellement tuées, ni corrompues pour avoir été trop gardées ». Il ajoute : « Les bouchers qui en font le débit sont encore à juste titre compris entre les personnes auxquelles il est permis de travailler & de faire commerce les Dimanches & les Fêtes... elle [la viande] est dangereuse pour la santé [...] ainsi la Police des Bouchers à cet égard, demande beaucoup plus de circonscription ». Une des fraudes les plus fréquentes est alors de faire passer de la viande de vache pour du bœuf et la langue de chaque porc est soupçonnée de transmettre la lèpre.

Depuis la fin du XVIIe siècle, l’approvisionnement en bestiaux de boucherie de Paris est soumis à un système de marchés obligatoires assez contraignant. Les autorités publiques centralisent le négoce des bestiaux en des lieux et des jours déterminés pour assurer les conditions idéales du marché, c’est-à-dire favoriser la rencontre du maximum d’acheteurs et de vendeurs. Ce système des marchés obligatoires permet de connaître facilement l’évolution des prix et d’effectuer les contrôles sanitaires nécessaires sous la surveillance des agents du lieutenant-général de police, avant d’autoriser l’entrée des bêtes dans la capitale. Les bouchers ne peuvent acheter du bétail hors des marchés de Sceaux et de Poissy dans un rayon de 20 lieues (80 km) autour de Paris. Ce système de marché obligatoire sera aboli en 1791 par l’Assemblée constituante sous la pression des bouchers. Mais la déréglementation du métier entraîne une inflation rapide du nombre des étaux, une augmentation du colportage et des fraudes sanitaires. Un arrêté du 9 germinal an VIII constatait que l’on exposait journellement en vente des viandes « qui compromettaient la santé des citoyens ».

Un arrêté du 8 vendémiaire an XI (30 septembre 1802) organise à nouveau la profession des bouchers à Paris. Il précise qu’il « ne pourra être vendu de bestiaux pour l'approvisionnement de Paris ailleurs que dans les marchés de Sceaux, Poissy et de la Place-aux-Veaux. Tout étal qui cessera d'être garni de viande pendant trois jours consécutifs sera fermé pendant six mois. Le commerce et la vente des viandes de boucherie continueront d'être permi, deux jours de la semaine seulement, dans les marchés publics, sous la surveillance de la police ». Trente bouchers sont nommés par le préfet de police. Cinq grands abattoirs publics obligatoires et surveillés sont ouverts en outre à la périphérie de Paris.

Joël Beck