Cent ans après son déclenchement, la Première Guerre mondiale laisse encore une trace profonde dans la mémoire collective des Français.
Guerre totale, elle a touché les populations civiles et militaires d’Europe et de la plupart des pays du globe, influant durablement sur la vie économique et sociale des nations, et laissant de grandes cicatrices tant dans les esprits que dans les paysages labourés par les bombardements et les tranchées.
De cette guerre, le grand public connaît essentiellement les grandes phases d’opérations et le quotidien des soldats, des « poilus » : le combattant est très souvent au cœur de l’histoire de la Grande Guerre. Pour autant, l’histoire s’intéresse aussi au devenir des civils pendant ces années de conflit mondial ainsi qu’à leur résistance face à la pression économique, sociale et morale de la guerre. À ce titre, l’exposition proposée à l’occasion des Journées Européennes du Patrimoine du 20 et 21 septembre 2014 vise à mettre en valeur l’action du ministère de l’Intérieur et de ses agents au début de la Grande Guerre, tant dans les départements occupés du front que dans les départements de l’arrière.
En 1914, le ministère de l’Intérieur doit assurer la sécurité du territoire à l’intérieur des frontières : entrent dans ses attributions la surveillance des frontières et des populations civiles, le recensement et la surveillance des potentiels ennemis sur le sol français, ainsi que les mesures de lutte contre l’espionnage et le sabotage. Il est aussi chargé d’assurer le bon fonctionnement de l’État en temps de guerre : il doit maintenir l’ordre public, la police administrative, protéger et secourir les civils dans le besoin et encadrer les déplacements de populations et l’accueil des réfugiés dans les différents départements concernés. Les femmes et les hommes qui travaillent pour le ministère de l’Intérieur font partie de différents corps, qui vont de l’échelon national (le ministère lui-même, situé Place Beauvau, à Paris) à l’échelon local (mairie, commissariat de police municipale, caserne de sapeurs-pompiers). On y trouve l’administration centrale, le corps préfectoral et son administration, la police d’État, les polices municipales, les sapeurs-pompiers, ainsi que la gendarmerie.
En 1914, le ministère de l’Intérieur possède un vaste champ d’attributions : outre la sécurité du territoire, la protection des civils et l’encadrement de la vie économique, il est aussi chargé de questions variées comme celles de santé et d’hygiène, d’immigration, d’accueil des aliénés et de gestion des établissements thermaux. Ces attributions sont renforcées avec l’entrée en guerre.
Le ministère de l’Intérieur est sur le pied de guerre dès le déclenchement des hostilités, le 3 août 1914 : il encadre la mobilisation des troupes ainsi que la réquisition des véhicules et des bêtes, organise la continuité de l’État dans les départements de l’arrière comme dans les départements du front, renseigne les civils sur les événements des combats, lutte contre l’insoumission, protège les populations et leur porte secours face aux difficultés liées à la guerre (bombardements, exode, pénurie des denrées). Il est de tous les combats de l’intérieur, de ceux qu’on oublie parfois face aux horreurs du front. De la déclaration de guerre du 3 août 1914 à la fin de la Grande Guerre (marquée d’abord par l’Armistice du 11 novembre 1918, puis par le Traité de Versailles, signé le 28 juin 1919), le ministère de l’Intérieur n’a de cesse de remplir ses missions courantes, mais aussi de répondre aux urgences et aux nécessités créées par le conflit.
Quel que soit le service dont ils font partie, les femmes et les hommes du ministère de l’Intérieur composent ainsi avec de nouvelles attributions du temps de guerre : le ravitaillement, le secours aux populations civiles, l’accueil des réfugiés sont des questions qui se posent dès le début de la guerre et auxquelles l’Intérieur doit trouver des solutions durables.
La diversité des territoires administrés demande des réponses adaptées à chaque besoin. Écrire l’histoire des agents du ministère de l’Intérieur au début de la Première Guerre mondiale, c’est s’intéresser aux multiples services qui s’imbriquent pour former ce ministère. De l’échelon municipal à l’échelon national, les femmes et les hommes du ministère de l’Intérieur se sont efforcés d’assurer la continuité non seulement de l’État, mais aussi de la vie sociale et économique en temps de guerre. Il s’agit donc, avec cette exposition, de rendre visible et palpable l’organisation minutieuse de l’administration territoriale dans une période de conflit armé qui bouleverse le quotidien.
Raconter l’histoire des agents du ministère de l’Intérieur au début de la Grande Guerre, c’est aussi se rappeler que certains agents du ministère, à l’échelon qui leur était propre, ont également agi de leur propre chef : on pense aux agents des préfectures présents dans des départements occupés, qui ont écouté leur devoir et sont restés en place, en s’efforçant de protéger les populations civiles sous leur responsabilité. D’autres ont considéré qu’ils réaliseraient mieux leur devoir en s’engageant dans l’Armée, sont partis au front, et sont parfois morts là-bas. À travers quelques portraits emblématiques, on cherche à rendre un visage humain à l’appareil d’État et à montrer que le personnel du ministère de l’Intérieur est un ensemble de femmes et d’hommes qui font preuve d’un dévouement et d’un courage sans faille dans les heures noires de l’histoire de France. On s’attachera à couvrir le plus de régions possibles, de façon à proposer un panel d’histoires assez vaste pour comprendre précisément ce qu’il se passait en France dansles premières années de la guerre et la façon dont le ministère de l’Intérieur a su faire face aux événements consécutifs au premier conflit mondial. D’août 1914 à l’année 1916, sur l’ensemble du territoire français, ce sont aussi des dispositifs administratifs qui se mettent (ou se remettent) en place, des difficultés rencontrées et surmontées, des combats et des bombardements qui s’intensifient, auxquels il faut toujours apporter une réponse plus efficace.
Nourrie par la littérature scientifique abondante sur la Première Guerre mondiale, cette exposition mêle aussi dans ses sources des documents d’archives et des photographies provenant des Archives Nationales, des archives départementales, préfectorales, et municipales, de la Préfecture de Police de Paris, de la Brigade des Sapeurs-Pompiers de Paris, des archives militaires conservées au SHD, de la BDIC, de l’ECPAD, ainsi que des autochromes provenant du Musée Albert Kahn. Cette diversification volontaire des sources permet ainsi de couvrir un champ géographique vaste, qui donne la possibilité d’appréhender avec précision les situations locales. Elle synthétise aussi les différentes histoires existantes sur les personnels du ministère de l’Intérieur pendant la Grande Guerre, généralement étudiés par corps d’appartenance : il existe des histoires du corps préfectoral, des histoires de la gendarmerie, des histoires de la police, des histoires des pompiers, mais rares ont été les histoires conjointes de tous ces corps. Si leurs attributions sont différentes, il s’agit dans cette exposition de les montrer travailler de concert vers un même but pendant un conflit mondial.
Pour faciliter la compréhension de cette exposition, on commencera par clarifier les origines de la Première Guerre mondiale en contextualisant les événements qui seront relatés par la suite, de manière à donner les bases à tous, familiers ou non de la Grande Guerre et de l’histoire du ministère de l’Intérieur. Puis, on entrera réellement dans la guerre en consacrant une partie entière à la mobilisation, période charnière où le monde militaire et le monde civil se croisent. Enfin, par souci de clarté, on divisera l’exposé entre le front d’une part, et l’arrière d’autre part. Les thématiques évoquées pourront se croiser (la protection des populations civiles est en effet au centre des attributions du ministère de l’Intérieur dans tous les départements français) mais le traitement qui y est apporté diffère souvent au niveau des services qui peuvent agir, selon les aires géographiques, justifiant dès lors ce traitement bipartite.
Cette évocation a pour but de rendre hommage aux femmes et aux hommes de tous corps et de tous grades qui se sont illustrés au cous de cette période.