C’est un numéro d’urgence connu de tous les Français, gratuit, accessible 24h/24 et 7 jours/7.
Il permet d’alerter immédiatement les services de police ou de gendarmerie en cas d’accident, de trouble à l’ordre public, d’agression… Le 17 police-secours est le lien privilégié entre la population et des unités de police et de gendarmerie qui viennent à son secours. Immersion au sein du 17 police-secours d’Amiens.
Toute personne composant le 17 voit son appel arriver au CIC ou au standard de police ou de gendarmerie de sa circonscription. Le CIC d’Amiens recouvre ainsi le secteur de la commune mais aussi celui d’Abbeville. Ils sont deux policiers, dont un chef de salle, en cet après-midi printanier à s’affairer derrière leurs moniteurs informatiques, combiné téléphonique vissé à l’oreille. Le responsable du CIC est également présent. Le rythme est soutenu, les téléphones ne cessent de sonner.
À Amiens, la plupart des appels au 17 concernent des accidents sur la voie publique, des bagarres, agressions, ou différends familiaux. « Le 17, c’est une ligne d’appel d’urgence, rappelle le major Patrick Monflier, responsable du CIC depuis 2013.
Il ne devrait servir qu’à l’urgence mais on s’aperçoit malheureusement que beaucoup trop d’appels sont abusifs. » Connaître la pharmacie de garde, demander un simple renseignement, trouver une oreille disponible à qui se confier, profiter de la gratuité du numéro pour improviser une blague, avertir d’une panne de courant…, près des deux-tiers des appels sont « pollués ».
L’opérateur doit alors expliquer à la personne que son appel entraîne de l’attente pour les vraies urgences et l’oriente vers le service adéquat pour libérer la ligne le plus vite possible. « Nous avons quatre lignes distinctes qui arrivent au CIC, explique Franck C., brigadier-chef et opérateur 17 police-secours. Nous devons répondre à tous les appels, ne pouvant savoir le niveau d’urgence ou d’importance d’un appel en attente sur notre standard. »
Premier interlocuteur d’une personne en état de choc, paniquée, apeurée, blessée, désespérée, menacée, ou encore traumatisée, l’opérateur 17 doit faire preuve du plus grand professionnalisme pour obtenir les informations indispensables aux unités intervenant sur le terrain. « L’énervement d’une personne génère une perte de l’information, continue Franck C.. Notre priorité est d’obtenir le lieu de l'événement, pour informer le plus vite et le plus précisément possible nos collègues, afin qu’ils sachent ce qui les attendra sur place. Nous pouvons estimer la nature de l'urgence au ton de la voix, l’anxiété exprimée par la personne, l’environnement que l’on entend derrière. Cela s’acquiert avec l’expérience. »
Une fois l’urgence effectivement authentifiée par l’opérateur, il peut alors immédiatement diriger une patrouille pour intervenir dans les plus brefs délais.
La propriétaire d’un commerce du centre-ville appelle le 17 police-secours. Un individu fortement alcoolisé a pris quartier dans sa boutique. Elle a peur et a besoin d’aide. Immédiatement, une des unités de la section de jour d’Amiens se rend sur place. Ils sont trois à composer l’équipe, dont Jean-Marc L., 42 ans, brigadier-chef et chef de la première section de jour depuis 2007. Arrivés sur place, les policiers constatent que l’homme est allongé sur la moquette du magasin, effectivement largement trop alcoolisé.
Jean-Marc décide de lui passer les menottes car « il représente un danger pour lui et pour les autres. On le connaît, c’est Willy. Ce n’est pas un mauvais bougre mais on sait ce dont il est capable sous l’emprise de l’alcool. » Il sera finalement emmené pour une consultation à l’hôpital, la troisième en quatre jours ! « Un médecin l’examinera et établira un CNH (certificat de non hospitalisation). Durant l’attente à l’hôpital et le temps de la consultation, une patrouille sera entièrement mobilisée sur ce cas. Une perte de temps importante, mais c’est aussi ça notre travail. »
À peine le temps de reprendre place dans le véhicule, que l’unité est de nouveau appelée, pour une agression au couteau. L’urgence est manifeste. Plusieurs véhicules de police et de pompiers se précipitent dans une rue pavillonnaire des environs d’Amiens. Les voisins, curieux, sont agglutinés sur le trottoir. Au final, les policiers sont confrontés à un individu visiblement nerveux, certes agité, mais aucunement agressif. Il sera pris en charge par des sapeurs-pompiers. « Nous intervenons très régulièrement pour des motifs ne concernant pas la police. Mais les gens savent qu’en appelant le 17 police-secours et en exagérant la situation, en disant qu’ils se font agresser ou menacer par un individu armé, « la cavalerie » arrivera plus vite… »
Depuis plus d’une heure, la radio n’a relayé aucun appel d’urgence. Quand elle n’est pas engagée sur du 17 police-secours, l’unité de Jean-Marc réalise des patrouilles de sécurisation, essentiellement orientées sur la lutte contre la délinquance et les contrôles routiers. « Travailler en police-secours représente pour moi l’essence même du métier de policier, poursuit Jean-Marc L.. Depuis treize ans à ce poste, j’éprouve toujours autant de plaisir à intervenir auprès de personnes en danger ou en détresse. Nous sommes bien sûr confrontés à des choses dures voire violentes, mais c’est tellement fort d’être témoin de beaux dénouements. »
Côté anecdotes, Jean-Marc est une véritable encyclopédie : sauver des enfants d’un incendie, retrouver une personne disparue, être braqué une arme sur la tempe, ou régler simplement des petits problèmes du quotidien…
« En école de police, nous apprenons les bases du métier. Mais ce n’est réellement que dans la pratique que nous devenons des policiers du 17. Pour moi, ce n’est qu’après trois ou quatre années de police-secours que l’on devient un bon policier. »
Les policiers croisent un véhicule avec une fillette assise sur le siège passager, sans rehausseur ni ceinture. Ils interviennent et dressent une amende de 90€ au père négligeant.
La radio sollicite l’unité pour des dégradations sur un véhicule. Un individu mal intentionné a brisé la vitre avant du véhicule d’une jeune fille. Après quelques questions, les policiers se rendent compte que l’individu est en réalité une connaissance de la jeune fille et que celle-ci l’a récemment éconduit. Lui expliquant la nécessité de porter plainte face au comportement inacceptable de l’homme, les policiers parviennent à la convaincre de se rendre au commissariat.
Retour au commissariat. Il s’agit maintenant d’écrire les rapports des dernières interventions avant la fin de service. Selon Jean-Marc, un bon policier du 17 doit « avoir le sens de l’initiative et être débrouillard. Nous sommes dans la plupart des cas les premiers représentants de la Police nationale à arriver sur les lieux, il nous faut donc connaître tous les gestes pour nous adapter à tous types de situations. »
L’officier de garde donne ses instructions aux 27 policiers composant les équipes de nuit, effectue un petit topo sur les dernières actualités du service, et répartit les équipages. Un briefing qui s’achève par le traditionnel « bonne nuit à tous ».
Trois équipes composées de trois policiers s’occuperont du 17. Cyril D., brigadier-chef et chef de la section de nuit, travaille depuis 2000 en brigade de nuit, « par goût, pour l’ambiance particulière. Les missions sont très variées, il n’existe aucune routine lorsque vous travaillez au service des gens. Nous avons également moins de contraintes la nuit, avec moins d’appels 17, ce qui nous permet d’être plus autonomes, de nous concentrer sur le flagrant délit. »
L’équipe de nuit composée de Dany, 40 ans, Mathieu, 37 ans, et Freddy, 52 ans, se dirige vers le centre-ville pour une bagarre entre jeunes. Arrivés sur place, les policiers constatent que l’incident est clos, personne ne souhaitant porter plainte. « Plus de 80 % de nos interventions ont lieu sur fond d’alcool, appuie Freddy. Il existe un fort taux de chômage dans la région, le contexte est difficile. Nous devons absolument prendre en compte ce contexte particulier lors de nos interventions. »
Une femme demande l’intervention du 17 police-secours. Un individu l’a suivie depuis la sortie de son travail et l’a agressée avec une bouteille. « Pourriez-vous le reconnaître ? Quelle est son apparence ? Sa corpulence ? » La requérante ne parvient à donner aucune précision. L’équipe décide de patrouiller dans le secteur au cas où l’individu serait toujours dans le quartier.
L’équipe met en place un contrôle d’alcoolémie sur un grand axe amiénois. Chacun connaît parfaitement son rôle : Mathieu intercepte les véhicules, Dany réalise les contrôles et Freddy rédige les contraventions. En l’espace de trois-quarts d’heure, une quarantaine de véhicules sont contrôlés, pour six contraventions et deux immobilisations de véhicules. Positifs à l’alcootest, deux hommes d'une cinquantaine et d'une trentaine d'années sont conduits au commissariat pour évaluer précisément leur taux d’alcoolémie. Avec plus d’un gramme chacun, ils passeront la nuit en garde à vue.
Le 17 est sollicité pour un accident sur la voie publique. Une voiture a foncé tout droit sur un camion en stationnement. De la tôle froissée pour le camion, l’avant-gauche de la voiture est entièrement détruit. Le conducteur avoue aux policiers s’être endormi et avoir consommé de l’alcool. Après un premier souffle dans l’alcootest qui se révèle positif, l’individu est à son tour conduit au commissariat pour vérification exacte du taux.
Dany et ses collègues se rendent chez des particuliers. Un différend verbal oppose un couple. Madame souhaite que Monsieur quitte le domicile familial. La situation se calme rapidement lorsque Freddy parvient à convaincre l’homme de dormir à l’extérieur. Le couple organise une explication plus calme pour le lendemain. « Être policier au 17, c’est également montrer à la population que la police intervient partout, à tout moment. Cela nous arrive parfois d’avoir des félicitations ou des simples mercis. Ça fait un bien fou au moral ! »
La patrouille circule dans un quartier sensible de la ville et remarque un cyclomoteur présentant toutes les caractéristiques d’un véhicule volé : neiman forcé, fils arrachés, calandre endommagée. Après vérifications par le biais du certificat d’assurance, le deux-roues se révèle bien volé. Les policiers contactent le garage de permanence qui prend en charge le véhicule.
L’unité est requise pour constatations de tags sur la vitrine d’un magasin. Arrivés sur place, les fonctionnaires constatent 6 pentacles sataniques dessinés au feutre noir. Pour constituer le dossier, l’identité judiciaire est appelée sur place et réalise une prise de vues. La directrice de l’enseigne va porter plainte. Les policiers du 17 rédigent un procès-verbal de renseignement.
Retour au CIC d’Amiens. Avant de quitter les lieux, le chef de salle nous adresse un clin d’oeil en montrant la devise du CIC affichée sur les murs du centre : « L’urgent est parti. L’impossible est en cours. Pour les miracles, un délai d’une heure est demandé. »
Les appels au 17
- Sur les 42 départements du territoire équipés d’un CIC avec le logiciel Pegase, on estime à près de 7 millions le nombre d’appels reçus sur le 17 police-secours en 2013.
- 5 millions d’entre eux ont été traités (décrochés par un opérateur police). Ce différentiel s’explique par le fait que lorsque les gens appellent et que les lignes sont occupées, ils sont mis en attente avec un message qui précise qu’ils appellent une ligne d’urgence. Par conséquent, en cas d’erreur ou si la personne ne souhaite pas attendre, elle raccroche.
- Pour les autres départements, non équipés de Pegase, le chiffre estimé oscille entre 4 et 5 millions d’appels reçus en 2013.
- Pour Paris et la petite couronne, 1 279 000 appels au 17 police-secours ont été enregistrés en 2013.
- La tendance nationale dans les départements équipés d’un CIC et de Pégase permet de constater que 25 % d’appels donnent en moyenne lieu à intervention.
L’avis de Dominique Nectoux, directeur départemental de la sécurité publique de la Somme.
« En sécurité publique, le 17 police-secours est à la base de tout. C’est un service qui se place au coeur du métier de policier, qui touche à tout, intervient en toutes circonstances et surtout est parfaitement visible de la population. J’ai coutume de dire que s’il y avait une épidémie et s’il ne nous restait que deux policiers, l’un décrocherait le 17 et le second partirait en intervention. On ne peut pas se passer de cette unité. Le fonctionnaire qui fait du police-secours s’appelle un gardien de la paix, et ce nom ne lui a pas été attribué par hasard. Il lui faut intervenir le plus rapidement possible, identifier les responsabilités, calmer le jeu dans des situations tendues… Je ne suis pas favorable à mettre des sorties d’école sur le 17. Je privilégie des profils expérimentés, capables de prendre du recul sur les événements. Il faut être prêt au pire mais il ne faut surtout pas le déclencher…
Quant à l’opérateur CIC, il ne prend pas simplement un appel pour envoyer sur place un véhicule. C’est un réseau dirigé. Quand l’homme du CIC donne des instructions aux hommes de terrain, c’est le chef, le DDSP, qui parle. C’est en mon nom qu’il agit. »
Richard Wawrzyniak