Sécurité civile : La base d’avions a 50 ans

La base d’avions a 50 ans © MI/DGSCGC/J.Bertrand

Le 25 juin 1963, deux Catalina se posaient sur le tarmac de Marignane. Cinquante ans plus tard, vingt-six avions combattent les feux de forêts aux côtés des sapeurs-pompiers. Retour sur un demi-siècle de lutte aérienne.


Lorsque la sirène retentit entre les hangars de la base d’avions de Marignane, le compte à rebours commence pour les équipages d’alerte de la Sécurité civile. Ils doivent décoller dans les trente minutes et rejoindre les soldats du feu. Ce rituel immuable perdure depuis un demi-siècle. Chaque année, il revient lorsque les amandiers de la montagne Sainte-Victoire sont en fleurs et se poursuit tout l’été quand l’appétit des flammes est sans limites, jusqu’à l’arrivée de l’automne. Cinquante ans après la naissance de la base d’avions de la Sécurité civile (BASC), ces pompiers du ciel et leurs bombardiers d’eau font partie du paysage.

De Nice à Perpignan, en passant par le Bordelais et la Corse, les pilotes et copilotes de la Sécurité civile sont devenus les meilleurs alliés des soldats du feu. Admirés par la population, ils constituent une vitrine de choix pour le ministère de l’Intérieur.

Cela n’a pas toujours été le cas. À la création de la base d’avions, le 24 juin 1963, les premiers pilotes et mécaniciens de la BASC doivent s’imposer auprès de leur direction et rassurer les sapeurs-pompiers, inquiets de l’arrivée de ces chevaliers du ciel. « Nous avions peu de moyens et il m’arrivait d’aller troquer une bouteille de Ricard contre des freins chez le casseur du coin, se souvient le mécanicien Claude Le Louarn, l’un des huit pionniers de la première heure. Mais nous étions soutenus par un homme hors du commun, Francis Arrighi. » Tenace et près de ses hommes, ce sous-préfet a l’idée de louer aux Canadiens deux hydravions Catalina pour combattre les incendies de forêts. « Certains le prenaient pour un fou et la plupart des gens ne croyaient pas en ce projet, en particulier les pompiers, sauf un capitaine de Gardanne, qui fut notre premier allié pour défendre le principe d’une lutte conjuguée et simultanée pour combattre les flammes. »

La première année, le système D fait merveille et Francis Arrighi n’hésite pas à traverser la France pour porter son projet auprès des décideurs parisiens. « Son entêtement a fini par payer. Nous avons acheté deux avions l’année suivante, et six ans plus tard, les premiers Canadair CL-215 sont arrivés. Ils étaient fabriqués spécialement pour combattre les feux de forêts. » Dès lors, la flotte aérienne des bombardiers d’eau de la Sécurité civile ne va cesser de s’étoffer avec l’arrivée des Tracker en 1982 et de gros-porteurs DC.6 B, remplacés par des C130 A Hercules de location dans les années quatre-vingt-dix et par le Dash 8 Q400 MR en 2009. « Nous avons un avion de commandement et trois types de bombardiers d’eau. Cette flotte diversifiée est très complémentaire, assure Francis Piot, pilote et président de l’Amicale des pompiers du ciel. Le Dash et le Tracker travaillent plutôt en périphérie du feu et établissent des lignes de retardant pour réduire sa progression, alors que le Canadair est un avion d’attaque capable de larguer six mille tonnes d’eau toutes les six minutes. » Mais ces moyens ont leurs limites quand le vent s’en mêle : « Si on se fait secouer par des turbulences, la charge est moins précise et le feu peut s’embraser plus facilement. »

Depuis les années soixante, les pilotes et les soldats du feu ont appris à se connaître et à travailler ensemble. « Nous participons à toutes les formations sur les feux de forêts. Quand on arrive sur un incendie, on reconnaît les gens à la radio. » En cinquante ans de lutte, la donne a bien changé et les surfaces brûlées ont considérablement diminué en France. « La prévention a beaucoup joué, avec la création d’équipes de forestiers qui entretiennent la forêt à longueur d’année ; et à la fin des années quatre-vingt, lorsque la Sécurité civile a mis en place une politique d’attaque des feux naissants en pré-positionnant des avions en l’air et des hommes en forêt, les jours à risques. » Plus récemment, la mise en place de binômes de gendarmes et de sapeurs-pompiers sur les recherches des causes des incendies a contribué à une meilleure prise de conscience collective.

Alors que les forêts de nos voisins d’Europe du Sud sont régulièrement la proie des flammes, la France est plutôt épargnée depuis dix ans. « C’est bien, mais en même temps la vigilance baisse. » L’habitude est le pire ennemi des secours, et les pilotes de bombardiers d’eau ont payé un lourd tribut depuis la naissance de la BASC. Trente et un pilotes et mécaniciens ne sont jamais revenus se poser sur le tarmac de Marignane. « Nous avons conscience de la dangerosité de notre métier et nous savons que les accidents sont liés aux facteurs humains. À partir de là, nous avons la possibilité d’exercer notre droit de retrait, comme les sapeurs-pompiers. Pas une forêt ne mérite qu’on sacrifie une vie humaine. »

Depuis plusieurs années, les pilotes de la Sécurité civile volent en équipage avec des jeunes copilotes contractuels. « Ils sont bardés de diplômes et maîtrisent les nouvelles technologies. Leur arrivée nous a donné un bon coup de fouet. Ils nous apportent leur compétence et nous leur faisons partager notre expérience du feu. C’est très enrichissant ». En cinquante ans, les avions ont beaucoup évolué. Ils sont plus puissants, plus rapides et plus fiables. L’évolution de ces capacités a permis une progression constante dans le domaine de la lutte contre les feux de forêts. Les pilotes sont en grande majorité issus des rangs des unités les plus prestigieuses de l’armée de l’air et de l’aéronautique navale et bénéficient de l’expérience transmise par les anciens. « Nous rejoignons tous la Sécurité civile par amour du pilotage. En dehors de l’armée, c’est le seul endroit où un professionnel peut prendre du plaisir ».