Dès l'arrivée des premiers vendangeurs, la région de gendarmerie de Champagne-Ardenne a lancé son "plan Champagne". Signé en janvier 2012, ce protocole instaure un partenariat opérationnel entre la gendarmerie et tous les acteurs du monde viticole, afin d'améliorer la sécurité économique de cette filière.
Synonyme de luxe et d'élégance à la française, l'appellation Champagne est protégée, une référence territoriale unique au monde. Image de marque d'une région, il contribue aussi à la croissance économique du pays. Le revers de cette médaille est que le secteur viticole champenois est la cible de nombreuses convoitises, notamment d'une délinquance d'appropriation sous diverses formes : les vols de matière brute, les cambriolages dans les chais, les vols de fret, les escroqueries sur Internet, la contrefaçon, etc. En 2011, 45 % des cambriolages de résidences principales de toute la région sont concentrés dans les seuls secteurs de Reims, d'Épernay et de Bar-sur-Aube.
La région de gendarmerie de Champagne-Ardenne (RGCA) et les professionnels du secteur, situés en grande partie en zone de compétence de la gendarmerie nationale, ont décidé d'agir afin de donner un véritable "label de sécurité" à cette activité viticole. La RGCA a initié une réflexion en profondeur, en interne et en inter-services, en liaison étroite avec le monde du Champagne (le Comité interprofessionnel des vins de Champagne (CIVC), le Syndicat général des vignerons (SGV) et l'Union des maisons de champagne (UMC).
Le 23 janvier 2012, le "plan Champagne" est signé sous l'autorité du préfet de région, préfet de la Marne, Michel Guillot, entre les différents partenaires du monde viticole et le colonel Didier Bolot, alors commandant de la région de gendarmerie (aujourd'hui général, Didier Bolot est désormais chef du Sirpa gendarmerie).
Ancré dans le champ de la prévention, ce plan opérationnel vise à améliorer la sécurité économique de la filière viticole champenoise dans une approche régionale et transverse. Il s'inscrit dans une logique de réappropriation du territoire pour mieux lutter contre la délinquance. La gendarmerie intensifie sa présence et sa visibilité dans certaines périodes sensibles, comme c'est le cas pendant les vendanges. Le plan s'appuie sur la qualité des relations existantes entre la gendarmerie, la population et les réseaux professionnels du secteur viticole. Chacun affine sa connaissance des contraintes et des modes d'action propres.
La compréhension des réseaux humains qui structurent la vie de la région, des attentes de la population, des vulnérabilités de la filière, des flux matériels et immatériels, permet à la gendarmerie de s'impliquer plus fortement et de jouer pleinement le rôle de partenaire de la vie locale et de la cohésion sociale. "C'est grâce à la connaissance de cet environnement qu'à partir des atteintes constatées et du travailjudiciaire réalisé, notamment par la brigade de recherches d'Épernay, que nous avons résolu plusieurs affaires", témoigne le chef d'escadron Franck B., commandant la compagnie de gendarmerie départementale d'Épernay (Marne).
Ce Plan participe d'une véritable démarche d'intelligence économique territoriale, avec la présence de correspondants I.E./sûreté, dans les unités de la région, à l'image du major Jean-Marc C., affecté à la brigade de Dizy. Ce dernier réalise des diagnostics de sécurité à la demande des coopératives, des maisons de négoce, des viticulteurs mais aussi de tous les autres commerçants. Sa mission : identifier les vulnérabilités de l'entreprise et les failles éventuelles de son système.
"Pour la gendarmerie, le "plan Champagne", c'est aussi s'adapter au biorythme du territoire, en renforçant sa capacité d'intervention en période sensible grâce, notamment, à sa réserve opérationnelle, à l'arrivée de cavaliers de la Garde républicaine ou à l'emploi d'hélicoptère", explique le CEN B.. Au plus fort des vendanges, la Champagne-Ardenne accueille en effet plus de 200000 travailleurs saisonniers, dont 70000 sur le seul ressort de la compagnie d'Épernay. Avec un cours du raisin qui atteint les 6,50 euros du kilo cette année, les viticulteurs craignent l'augmentation des vols de cet or en grappe. Les gendarmes départementaux multiplient les patrouilles à pied, à cheval ou en VTT, dans les vignobles entre 16 heures et 19 heures, une "tranche horaire à risque" précise le CEN B..
La surveillance se poursuit également sur la toile, car avec le développement du e-commerce, les délinquants ont diversifié leurs activités. Toujours avec la collaboration des professionnels du secteur viticole qui assurent une veille de leur produit mais aussi du secteur bancaire, la gendarmerie lutte contre la cybercriminalité avec l'appui d'autres militaires spécialement formés : les enquêteurs spécialisés dans les nouvelles technologies (N'Tech) ou la délinquance financière (Défi). Un travail qui paye puisque "des bouteilles volées ont été retrouvées sur des sites Internet de vente en ligne ou d'enchères. Nous avons également identifié des bouteilles de contrefaçon de grande marque", conclut le CEN B..
Source : SIRPA/Gendarmerie - Suzanne Ferret