Négocier avec un preneur d'otages ou un individu retranché est le domaine réservé de gendarmes et de policiers spécialisés au sein du GIGN, du RAID, des GIPN ou de la BRI PP. Une mission délicate qui se fonde sur des techniques réfléchies et travaillées.
Lorsqu'une prise d'otages est en cours sur le territoire national, l'information est relayée au ministère de l'Intérieur par le commissariat de police ou la gendarmerie locale. Il est alors décidé qui du GIGN, du RAID, d'un GIPN ou de la BRI PP va intervenir, selon la disponibilité des différentes équipes, mais aussi du lieu et de la nature de l'événement.
Arrivé sur place, le négociateur cherche avant tout à prendre un maximum de renseignements sur l'individu incriminé à partir du travail réalisé par la sécurité publique, les négociateurs régionaux formés par le GIGN ou les gendarmes locaux. Il entre ensuite en contact avec la famille de la personne concernée, si elle est présente sur les lieux, pour tenter de dresser la genèse de l'incident expliquant ses motivations et parfaire son profil. L'objectif est d'obtenir un éventuel levier pour asseoir la négociation. Une fois le dispositif du groupe d'intervention en place, le chef de service donne le feu vert au négociateur pour entrer en action. Vient alors la délicate étape de la prise de contact. Plusieurs vecteurs sont utilisables selon les circonstances. Le plus utilisé est le téléphone, qui permet de s'entretenir dans le calme et d'enregistrer la conversation. Le plus dégradé est le mégaphone, qui se révèle trop peu précis pour retranscrire des émotions. Il arrive parfois au négociateur de mener la discussion de vive voix, derrière le bouclier d'un membre du groupe d'intervention ou derrière une porte, une méthode intéressante lorsqu'il s'agit de créer un lien de proximité. Pour Fabrice C., chef de la cellule négociation du RAID, l'idéal est de négocier en face à face : « Un moyen délicat mais très intéressan t. Plus de 70 % du dialogue passe par la gestuelle du corps. On peut alors voir les réactions, les émotions, les tensions. Mais quel que soit le moyen, le plus important est de demeurer le plus authentique possible, de ne pas s'inventer, de ne pas s'impliquer émotionnellement. Il faut respecter l'individu, par exemple en le vouvoyant dès le départ. La prise de contact est cruciale car elle détermine la suite des événements. Il faut caler un ton, parler volontairement très bas pour que la personne baisse de ton à son tour. Une technique parmi d'autres pour faire rapidement baisser la tension. »
Parfois la négociation se révèle improductive face à des individus fermés ; elle n'en demeure pas moins utile à d'autres fins. « Si l'on ne parvient pas à obtenir la libération des otages ou la reddition de l'auteur, la négociation va permettre d'acquérir du renseignement, de gagner du temps pour élaborer un schéma tactique, ou de faire diversion, soutient Laurent F., adjoint au chef de la force d'intervention du GIGN et officier en charge de la négociation. Le négociateur connaît les attentes des équipiers et des chefs d'intervention si un assaut doit avoir lieu. Nous adaptons alors notre négociation pour permettre de les satisfaire. »
Certains individus se sentent valorisés de parlementer avec des hommes du GIGN ou du RAID, mais les choses sont très vite mises au clair : le négociateur est le dernier recours pacifique. « Dans ce genre de situations, il existe un conflit. Deux personnes, un négociateur et un preneur d'otages, en discutent pour trouver un terrain d'entente, continue Laurent F. Mais le preneur d'otages sait pertinemment qu'il y aura un assaut en cas d'échec. Certains jusqu'au-boutistes, malades mentaux ou terroristes cherchent cet assaut pour aller à la confrontation . On tentera néanmoins de négocier car quoi qu'il arrive, ce temps servira pour la suite. »
Si un rapport positif s'établit, le négociateur va tenter d'influencer la personne en lui laissant une porte de sortie. Dans le cas contraire, certains signes font dire que la négociation doit cesser : un silence trop prolongé, une absence de réponses, un comportement inadapté. Le négociateur va alors tenter son va-tout en se lançant dans un monologue, va parler de la situation, de l'individu, pour rétablir le contact, d'où la nécessité d'amasser un maximum de renseignements en amont de la phase de négociation.
Le chef de la cellule négociation du RAID de conclure : « Le négociateur ne doit surtout pas se mettre trop de pression sur les épaules. La négociation est un outil comme d'autres pour parvenir à la sortie de crise. Ce n'est absolument pas une science exacte, mais répond à des techniques et à des étapes importantes. Il ne faut pas vouloir coûte que coûte sortir la personne par ce biais car tous les cas sont différents. Les approches sont forcément variables entre un forcené et un suicidaire, entre un preneur d'otages et un malade mental. Dans tous les cas, nous faisons le maximum avec les outils en notre possession. Après, advienne que pourra... »