Figure phare de la Résistance lors de la Seconde Guerre mondiale, Jean Moulin est le plus jeune préfet de France en 1937. Il s’opposa à l’occupant allemand dès 1940 et créa, sous l’égide du général de Gaulle, le Conseil National de la Résistance. Torturé par la Gestapo, il meurt le 8 juillet 1943 dans le train qui le conduit en Allemagne.
Jean Moulin, né le 20 juin 1899 à Béziers, fait ses études de droit à l’université de Montpellier. À la fin de la Première Guerre mondiale, il entre dans l’administration préfectorale, pour laquelle il deviendra un exemple, avant d’en devenir le drapeau. Comblé de dons, lettré, peintre de talent, administrateur prestigieux, il fait preuve d’une aisance souveraine dans tous les domaines de l’esprit et sait se faire aimer de ceux qui l’approchent, par sa simplicité, sa courtoisie, et son idéalisme passionné.
À l’heure du combat, cet intellectuel rafiné et sensible sait aussi témoigner d’une énergie implacable et d’une ardeur qui ne fléchit pas jusqu’à la mort.
Sous-préfet d’Albertville en 1925, affecté successivement à Châteaulin, Thonon et Montargis, puis dans la Somme, il entre en 1936 au ministère de l’Air comme chef de cabinet du ministre Pierre Cot et est, dans les conflits sociaux qui agitent la France à cette époque, un arbitre impartial et un conciliateur écouté. Son nom reste attaché au développement de l’aviation populaire et à la création d’Air France.
Il est nommé préfet de l’Aveyron, à Rodez, en janvier 1937, puis muté en Eure-et-Loir, à Chartres, quelques mois avant la déclaration de la guerre. En septembre 1939, il s’engage comme sergent-mitrailleur dans l’armée de l’air, mais doit regagner sa préfecture sur l’ordre du ministre de l’Intérieur.
Dans l’exode général qui suit la percée du front en juin 1940, il reste seul à son poste, et, le 17 juin, en grande tenue, accompagné d’un représentant de l’évêque revêtu de ses habits sacerdotaux et d’un conseiller municipal ceint de l’écharpe de maire, il attend les troupes ennemies dans la cour de la préfecture. Alors qu’il s’apprête à défendre les droits de la population, les Allemands veulent l’obliger à signer un protocole qui accuse les troupes françaises en retraite d’avoir massacré des civils. Il refuse. Ils le traînent alors devant les cadavres déchiquetés des prétendues victimes et le torturent jusqu’à l’épuisement de ses forces mais n’en viennent pas à bout.
Aucune autre voix que la sienne ne peut dire aujourd’hui son supplice, faire après lui l’atroce récit du martyre qu’il a vécu : « C’est une effroyable mise en scène. II ne faut pas être grand clerc pour voir que ces malheureux, dont le corps est criblé d’éclats, sont simplement des victimes du bombardement. Hélas, j’ai trop parlé, trop bien découvert leur jeu macabre. Alors, avec des regards chargés de tout ce qu’un être humain peut contenir de haine, ils se jettent sur moi, et, à plusieurs reprises, leurs poings s’abattent sur ma tête, sur mes épaules, sur ma poitrine. […] Dans l’obscurité du réduit, avec cette odeur fade de cadavre qui me prend aux narines, j’ai comme un frisson de fièvre. Alors, je sens que je ne pourrai pas résister ».
Ramené à Chartres, il est enfermé dans la conciergerie de l’hôpital, averti qu’il serait conduit, à nouveau, le lendemain, sur le lieu de son supplice. Et, pour ne pas céder, pour sauver son honneur et l’honneur de l’armée française, il se coupe la gorge avec un débris de verre. Retrouvé le lendemain au milieu d’une mare de sang et transporté à la préfecture, il échappe à la mort par miracle.
Le 2 novembre 1940, le gouvernement de l’État français le relève de ses fonctions. II se réfugie en zone sud et, sous l’identité de Joseph Mercier, professeur de droit dans une université américaine, il prend contact avec les premiers mouvements de Résistance qui se forment dans le Sud-Est, puis il s’échappe de France en août 1941, rejoint Londres par l’Espagne et le Portugal, et prend immédiatement contact avec le général de Gaulle.
Ses qualités, son énergie et sa farouche résolution l’imposent entre tous les volontaires de la France libre pour les missions les plus importantes et les plus périlleuses.
Chargé de reprendre contact avec les réseaux métropolitains, il est parachuté au-dessus des Alpilles le 1er janvier 1942. Après quelques mois, il repart pour Londres en avion, et, sous l’identité du caporal Mercier, il y est fait Compagnon de la Libération avec la citation suivante : « Chef de mission d’un courage et d’un esprit de sacrifice exemplaires. A, en personne, établi la liaison entre les zones françaises combattantes et les mouvements de résistance en France, déployant, pour y arriver, une ardeur exceptionnelle. »
Nommé délégué général en France du général de Gaulle, Jean Moulin repart alors de Londres par avion pour réaliser sa tâche considérable de faire l’unité de cette Résistance française qu’il a déjà ralliée à la France libre et dont il est maintenant le chef. Il réussit contre tout espoir à unifier les groupes épars dans le pays, à intégrer tous les partis politiques, tous les organes syndicaux, à leur donner une organisation et à les plier à une commune discipline.
Le 27 mai 1943, il préside à Paris, au 48 de la rue du Four, la première réunion du Conseil national de la Résistance, qu’il avait créé. II y a rang de ministre du Comité de Libération nationale d’Alger sous le nom de Monsieur X. Un mois plus tard, le 21 juin, il est arrêté par la Gestapo à Caluire, près de Lyon, où il s’est rendu sous le nom de Jacques Martel pour répartir aux chefs militaires les commandements de l’Armée secrète.
Interné au fort Montluc, il subit son second martyre. Ses camarades le voient passer un jour défiguré.