Halte aux garimpeiros - Les responsables de l'embuscade de Dorlin interpellés

Halte aux garimpeiros - © MI/DGGN/GIGN

Dorlin, Guyane, 27 juin. Une opération de lutte contre l'orpaillage tourne mal. Deux militaires français sont tués dans une embuscade, quatre gendarmes sont blessés. Le 27 juillet, la longue traque aboutit à l'interpellation du chef d'une bande armée et de son lieutenant.


Le 27 juin, alors qu'il participe à une opération de lutte contre l'orpaillage illégal sur le site de Dorlin, un EC 145 de la section aérienne de gendarmerie de Cayenne essuie plusieurs tirs à l'arme lourde. Un des militaires du groupe des pelotons d'intervention de Cayenne est blessé à la cuisse. L'hélicoptère est sérieusement endommagé, mais le pilote parvient à l'extraire. Un détachement de trente-six gendarmes et commandos de recherche et d'action en jungle est immédiatement déployé afin de retrouver les auteurs de cette attaque. Vers 13 heures, les militaires tombent dans une embuscade. Deux militaires sont tués. Trois autres gendarmes sont blessés.

Dès le 28 juin, dix membres du groupe d'intervention de la Gendarmerie nationale, deux spécialistes en balistique et un médecin légiste de l'institut de recherche criminelle de la Gendarmerie nationale, trois officiers du centre de planification et de gestion de crise et du bureau de veille opérationnelle ainsi qu'une psychologue de la gendarmerie sont dépêchés sur place. "Notre mandat était double : la reprise du site de Dorlin et l'arrestation du principal suspect", relate le capitaine G.P., du GIGN.

"En coopération étroite avec les autorités surinamaises, nous avons dans un premier temps fait en sorte d'empêcher les fugitifs de s'exfiltrer vers le Suriname", précise le colonel Didier L., commandant la gendarmerie de la Guyane. Les gendarmes suivent la piste d'une bande armée de chercheurs d'or d'origine brésilienne dirigée par Manoel Ferreira  Moura, dit Manoelzinho. Patrouilles et points de contrôle se multiplient, mobilisant plus de 150 gendarmes.

Le 6 juillet, le détachement du GIGN monte en puissance avec l'arrivée de douze autres militaires. "Ce rapport de force positif nous permettait de monter des embuscades sur plusieurs points stratégiques, en ayant un dispositif assez conséquent et une puissance de feu importante, notamment de nuit, tout en conservant une qualité de tir en raison de la présence potentielle d'otages", poursuit l'officier du groupe. Dans l'impossibilité de s'exfiltrer vers le Suriname, les fugitifs prennent la direction du Brésil. La gendarmerie bascule alors son dispositif. Les malfaiteurs se terrent au coeur de la jungle.

Les gendarmes et les militaires des forces armées de Guyane mettent à profit cette période "d'attente" pour sécuriser le site de Dorlin. Le 11 juillet, l'assaut est lancé. Trois Puma, appuyés par deux hélicoptères légers, déposent trente commandos chargés de reconnaître les zones les plus sensibles. En deuxième vague, les gendarmes mobiles de l'escadron de Mayenne, les gardes républicains détachés en Guyane et les militaires du 9e RIMa ont pour mission de tenir les lieux pour que la section de recherche puisse mener les opérations de PJ.

Dès la fin de l'opération à Dorlin, le dispositif d'intervention, se fiant à un renseignement, bascule vers Régina. L'escadron de gendarmerie mobile habituellement présent est renforcé. Près de 150 gendarmes sont mobilisés pour empêcher les fugitifs, désormais estimés à six, de gagner le Brésil. Il s'agit également de rechercher et recueillir des renseignements sur leur localisation et enfin, par un contrôle soutenu de la zone, d'empêcher les garimpeiros de "travailler" et de les pousser à fournir des informations. Des opérations d'interception ciblées sont organisées, généralement de nuit. Elles nécessitent des progressions de plusieurs heures dans la forêt amazonienne à pied ou en pirogue. La température ambiante de 35 °C, le taux d'humidité frisant les 90 %, avec parfois une pluie battante, et l'équipement de protection lourd rendent ces engagements très éprouvants.

Une opération majeure permet d'interpeller un des hommes et d'apprendre que la bande s'est scindée en deux. "Parallèlement, notre objectif était d'assurer la sécurité des personnes présentes dans le secteur. Nous avons notamment fait évacuer les camps de vacances afin d'éviter les prises d'otages. Des contrôles routiers supplémentaires ont été mis en place sur la RN2, seule route reliant le Brésil à Cayenne via Saint-Georges", explique le commandant du Comgend Guyane.

Manoelzinho et son lieutenant, Ronaldo Silva Lima, dit Brabo, parviennent malgré tout à gagner le Brésil. Fort des renseignements français, le bataillon des opérations spéciales de police brésilien les localise et les interpelle le 27 juillet à Macapa. Lors de leur audition, les deux hommes reconnaîtront leur participation dans le meurtre des deux militaires français un mois plus tôt.

"Il y a eu une excellente coopération policière transfrontalière avec le Suriname et le Brésil. Sur la base de nos renseignements, trois des individus en fuite ont été interpellés et incarcérés au Suriname et cinq autres y sont activement recherchés. Les opérations menées en Guyane ont ralenti la progression de la bande et nous ont donné le temps de mener des enquêtes, de rassembler des preuves et des indices et d'effectuer des recoupements, afin de permettre aux polices du Brésil et du Suriname de les arrêter", souligne le colonel L..

Le 16, puis le 25 août, deux autres fugitifs seront interpellés en Guyane. Le 29 août, un membre important de la bande sera à son tour arrêté au Suriname et remis aux autorités françaises. Au total, dix membres de la bande ont été interpellés en Guyane, au Brésil, où deux individus dont le chef de bande sont incarcérés, et au Suriname, où deux suspects sont toujours détenus. Sept personnes sont encore activement recherchées, dont une en Guyane.