Des nouvelles formes de prostitution en France

Des nouvelles formes de prostitution en France © DR

Parallèlement au développement d'Internet, des sites "de charme", paravent de la prostitution, ont émergé. Recrutées principalement en Amérique du Sud ou dans les pays d'Europe de l'Est, les femmes y sont soumises à un réseau de proxénétisme.


En un peu plus de cinquante années d'activité, l'office central pour la répression de la traite des êtres humains (OCRTEH) a été le témoin d'un certain nombre d'évolutions, pour ne pas dire de révolutions quant à la physionomie de la prostitution, cette activité non réglementée qui demeure légale tant qu'elle ne trouble pas l'ordre public. "Par sa capacité à centraliser l'ensemble des informations nationales ayant trait à la prostitution, cet office, dépendant de la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ), a développé une faculté d'analyse du phénomène lui permettant de réagir rapidement aux changements de modes opératoires ou à l'émergence de nouveaux pays sources, tant d'un point de vue opérationnel que stratégique", indique le chef de ce service, Yann S.

Depuis le début des années soixante, la France a constamment réaffirmé sa volonté de ne pas réglementer cette activité et de lutter contre toute forme d'exploitation sexuelle d'autrui, notamment au travers des textes réprimant la traite des êtres humains à des fins de prostitution. Mais par le jeu combiné des modifications géopolitiques et de la démocratisation des transports aériens, les pays d'Europe occidentale ont vu déferler plusieurs vagues de prostituées selon un double axe Est/Ouest et Sud/Nord. La France n'a pas échappé à ce phénomène et compte désormais 80 % de prostituées étrangères, essentiellement originaires d'Europe de l'Est (Roumanie et Bulgarie en tête), d'Afrique sub-saharienne (Nigéria) et d'Amérique du Sud (Brésil).

Il faut, dans un premier temps, différencier cette nouvelle forme d'activité sud-américaine de la prostitution brésilienne et équatorienne de voie publique, plus classique, qui se manifeste principalement en Île-de-France. Celle-ci,  raditionnellement le fait d'individus travestis, se concentre dans l'ouest parisien et plus particulièrement sur le secteur du Bois de Boulogne. Délaissant les trottoirs et les routes nationales, des jeunes femmes préfèrent désormais la discrétion d'Internet, offrant leurs charmes sur des sites d'annonces en ligne sous couvert d'offres de rencontre, de contact ou de massage. Dès lors, deux possibilités s'offrent à elles. Certaines voyagent à travers la France au gré de la demande et restent trois ou quatre jours dans une ville avant de déménager un peu plus loin, égrenant les établissements hôteliers de moyenne gamme. D'autres se fixent plus durablement au sein d'une zone géographique précise, notamment l'Îlede-France, et occupent à plusieurs un appartement où se déroulent les prestations sexuelles. Cette nouvelle pratique pourrait passer inaperçue et ne pas susciter l'intérêt des services spécialisés si elle n'était le fruit d'une organisation parfaitement rôdée et maîtrisée de bout en bout de la chaîne.

Recrutées au sein des milieux défavorisés du Brésil, de la Colombie ou de l'Équateur par des hommes de mains ou par des  prostituées expérimentées, les candidates au voyage vers l'Europe connaissent généralement l'activité qui leur sera imposée à leur arrivée, mais en ignorent les conditions. Sans aucune connaissance de la langue, de la géographie du pays de  destination, de la législation en matière de prostitution qui y prévaut, de l'organisation policière et judiciaire locale, elles n'ont d'autre solution que de se plier aux volontés du réseau qui les a fait venir et de s'appuyer sur lui pour l'organisation de leur "commerce".

Débarquées avec un visa de tourisme, elles se retrouvent en situation irrégulière à son expiration, sans possibilité de maintien sur notre territoire et dans une situation encore plus critique qu'à leur arrivée. L'organisation met alors en place un système de "secrétariat" qui assure la logistique des nouvelles arrivantes. Des "standardistes" se chargent de réceptionner les appels des clients et gèrent le planning quotidien de leurs rendez-vous, organisent les déplacements. Présenté aux victimes comme une garantie de sécurité, ce système permet de contrôler entièrement leur activité. Par ailleurs, chacune doit reverser aux responsables de l'organisation un minimum de cinquante pour cent de ses gains.

Largement exploitées, "ces victimes constituent également des proies idéales pour un type de criminalité qui se développe en marge de leur activité, telles que les agressions, les violences et même les viols de ces jeunes femmes, isolées et réticentes à déposer plainte en raison de leur situation administrative précaire et de leur méconnaissance de notre législation", note le commissaire divisionnaire S.