Expert des affaires européennes, Nicolas Quillet, préfet du Cher, a publié l'ouvrage "L'Europe de la sécurité ?".
Il y évoque la mondialisation de la criminalité et les moyens mis en place par l'Union européenne pour y faire face.
Civique : Vous intitulez votre livre "Une Europe de la Sécurité ?", pourquoi cette forme interrogative ?
Nicolas Quillet : Je considère que ce sujet est toujours en chemin et qu'on ne peut le considérer comme acquis. L'Europe de la sécurité se construit en permanence. L'interrogation maintient la "pression" et pousse le lecteur à s'interroger sur le contenu du livre. Je comprends ceux qui peuvent nourrir certaines réticences à l'égard de l'Europe pour des raisons économiques, sociales ou autres, mais en matière de sécurité, aucun Français ne peut regretter que l'on puisse arrêter plus facilement par-delà nos frontières un délinquant ou un criminel alors même que ces derniers ignorent les frontières européennes depuis longtemps. Cette interrogation ne veut pas dire que l'Europe de la sécurité n'existe pas. Au contraire, depuis Schengen, nous avons accompli beaucoup de progrès.
Civique : Comment parvenir à cette Europe de la sécurité tout en prenant compte la disparité des différents membres qui composent l'UE ?
Nicolas Quillet : C'est toute la difficulté, d'autant plus que le nombre d'États membres a considérablement augmenté. Pour y parvenir, nous utilisons la manière "normative", en adoptant des textes ou en intégrant de manière progressive des accords qui liaient un certain nombre d'États mais qui n'étaient pas des accords de l'Union à l'origine. De plus, nous avons développé lors de la présidence française de l'UE en 2008 la convergence des systèmes de sécurité des États membres en promouvant les formations communes, les échanges, les matériels et les référentiels communs.
Civique : Vous écrivez que "la nécessaire protection du renseignement en matière de lutte contre le terrorisme soulève une question qui jalonne l'histoire de la construction européenne : les rapports entre les “grands” et les “petits”". Comment dresser alors une réponse européenne unifi ée face à cette menace terroriste ?
Nicolas Quillet : Cela représente toute la difficulté de l'Europe, et en particulier de l'Europe de la sécurité. Même si tous les États membres ont égale dignité, ils ont des systèmes de sécurité aux tailles et aux structures d'organisation très variées. S'agissant du terrorisme, certains États sont plus performants que d'autres, ne serait-ce que parce qu'ils ont connu le terrorisme sur leur sol. Ce sont des États où une habitude de lutte contre le terrorisme s'est instaurée, ce qui fait qu'ils sont plus avancés que d'autres. Cette disparité peut être atténuée car l'Europe est, avec ses bases de données, ses plans de lutte contre le terrorisme, son coordinateur anti-terroriste, une structure de soutien qui met à disposition un certain nombre d'outils très utiles pour les uns et les autres. Le défi très important qui se présente à l'Europe est le problème de la frontière commune. Ce qui renvoie au travail de Frontex et à la création d'une police européenne des frontières qui est évoquée depuis plusieurs années. Le but de mon livre est aussi de faire que le citoyen français soit convaincu de la pertinence du projet européen, pas dans une optique égoïste qui ferait de l'Europe un ensemble à part, coupé du monde, mais un ensemble cohérent qui sache se faire respecter.