Le trafic d'objets d'art religieux

Trafic d'objets d'art religieux - © MI/OCBC

L'office central de lutte contre le trafic de biens culturels mais aussi les commissariats de police et brigades de gendarmerie luttent contre le vol d'objets religieux.


Le nombre de vols de biens culturels en 2011 en France, dans les musées, châteaux, magasins ou galeries, a diminué de plus de 80 % en une décennie ! On compte néanmoins depuis quelques années un accroissement des vols dans les lieux de culte. Du fait de leur nombre et de la grande variété d'objets que l'on peut y trouver – et qui sont ceux qui intéressent le plus largement le marché –, ce sont essentiellement les églises catholiques qui sont touchées.

La Moselle, le Calvados, la Saône-et-Loire et le Morbihan ont été parmi les départements les plus concernés en 2011. Au total, près de deux communes du territoire ont été victimes de vols, qui ont porté, notamment, sur trente-sept mobiliers inscrits aux Monuments historiques dont la Vierge de Pitié de l'église de La Bastide-de-Sérou (Ariège), dérobée en novembre 2011, et la tête d'une sculpture de l'église d'Aigueperse (Puy-de-Dôme) représentant saint Jacques, soustraite en octobre 2011.

Les 245 vols recensés cette année-là ont visé principalement des sculptures et des objets d'orfèvrerie cultuelle sans valeur patrimoniale majeure. 92 ont été commis dans des cimetières. L'évolution du cours mondial des métaux (cuivre, plomb, or…) a en effet provoqué une évolution malheureuse vers le vol de biens métalliques : orfèvrerie, croix, candélabres… Les cloches, pourtant très lourdes, encombrantes et difficiles d'accès, n'ont pas échappé au processus, avec la disparition de trois d'entre elles.

La France dispose heureusement d'une législation très protectrice en matière de biens culturels, dont un article spécifique du code pénal prévoyant le vol d'un objet mobilier classé ou inscrit, ou celui d'un bien culturel dans un édifice affecté au culte.

Les vols s'effectuent en bande organisée ou en isolé. Certaines bandes se sont spécialisées dans le vol de reliquaires. Expérimentés, leurs membres connaissent à la fois la valeur des objets et les techniques d'effraction ou de vol par ruse. Ces malfaiteurs sont en lien avec des professionnels du marché de l'art, qui se chargent d'orienter les vols en fonction des possibilités d'écoulement du butin. Quant aux voleurs isolés, ils comptent des délinquants d'occasion, qui s'attaquent aux églises par facilité mais ne savent guère comment les écouler. Le risque est alors que, faute de pouvoir se débarrasser des objets, ils ne finissent par les détruire. Des statues en bois, volées en décembre 2006 en Bretagne, ont par exemple été retrouvées au domicile du voleur qui, n'étant parvenu à les écouler, avait commencé à les débiter pour les brûler. Cette année encore, les services de police et de gendarmerie et l'office central de lutte contre le trafic de biens culturels (OCBC) ont pu mettre fin à l'activité de quelques "réseaux locaux" et récupérer des objets, parfois quelques semaines seulement après leur vol. Avec le concours de la brigade de recherche de Reims, l'OCBC a ainsi pu retrouver chez un Rémois plusieurs statues volées provenant d'édifices de l'Oise, de la Marne et de l'Aisne.

Rattaché à la direction centrale de la Police judiciaire (DCPJ), l'OCBC permet à la France de disposer depuis trente ans d'un outil policier spécifique entièrement dédié à la lutte contre les atteintes au patrimoine. Placé sous le commandement du colonel de gendarmerie Stéphane G., il est composé de policiers et de gendarmes. Il entretient en outre un réseau de correspondants dans les sections de recherches de la gendarmerie et les directions interrégionales de la police judiciaire. L'OCBC coopère aussi activement avec Interpol, les Douanes et la sous-direction des monuments historiques et des espaces protégées du ministère de la Culture.

Quatre agents administratifs sont chargés de la gestion de la base Treima, qui contient principalement les photographies de biens culturels volés en France. "Un inventaire photographique et descriptif complet des biens par le propriétaire est une absolue nécessité pour détecter et identifier une pièce volée, non seulement pour pouvoir la restituer mais aussi comme élément de preuve pénale matérialisant le recel", explique Stéphane G.. L'office a d'ailleurs édité une plaquette en ce sens visible sur le site Internet du ministère de l'Intérieur.

Aujourd'hui, en effet, le dépeuplement des campagnes et la baisse de fréquentation des églises rendent celles-ci d'autant plus vulnérables aux vols que les communes, auxquelles incombe la responsabilité de l'entretien et de la sécurité des édifices religieux, n'ont pas toujours les moyens ni la volonté d'assurer une protection suffisante. Chaque perte est pourtant vécue localement comme un traumatisme et conduit peu à peu à un appauvrissement irréductible du patrimoine national.