Un exercice simulant une attaque terroriste s'est joué dans une rame de TGV immobilisée en pleines voies dans le Pas-de-Calais. La gendarmerie et la SNCF ont élaboré ce scénario dans le cadre de la convention qui les lie, avec, pour enjeux de taille, la gestion de crise majeure en milieu ferroviaire et la prochaine tenue des Jeux olympiques à Londres.
Il est près de 3 heures du matin, ce 28 novembre 2011, quand les gendarmes de la force d'intervention du GIGN, leurs uniformes maculés de terre, sont de retour dans la salle municipale de Hénin-sur-Cojeul (Pas-de-Calais), suivis par des employés de la zone nord de la SNCF. Sur un écran placé au fond de la salle, les dernières lignes de la main courante précisent la fin du scénario qui vient de se jouer, et un bilan : vingt-huit otages libérés, deux décédés et quatre terroristes abattus.
Dans le cadre de la convention signée entre la gendarmerie et la SNCF, l'exercice s'inscrit dans un double objectif de gestion de crise sur le vecteur du transport ferroviaire et de la préparation des Jeux olympiques (JO) d'été de Londres 2012. La France compte en effet quelque 30 000 kilomètres de voies ferrées, dont 90 % en zone gendarmerie, comme ici, à Hénin-sur-Cojeul. "C'est le premier exercice de cette ampleur pour le GIGN. Son objectif est d'optimiser la relation entre la gendarmerie et la SNCF, d'apprendre comment l'autre fonctionne dans le cadre d'une crise majeure", présente le général Thierry Orosco, commandant le Groupe, jusqu'alors rôdé aux entraînements sur des trains à quai. Cette fois, la SNCF a mobilisé une rame complète, stoppée en pleines voies. "Il a fallu convaincre l'entreprise que la rame n'allait pas être endommagée, car après l'exercice elle reprendra aussitôt une activité commerciale", poursuit l'officier communication du GIGN. C'est donc également une première qui s'est jouée ce soir-là pour la SNCF et la trentaine d'employés de la zone nord de l'entreprise volontaires pour assurer le rôle d'otages.
Outre quelque soixante gendarmes du GIGN, le groupement de gendarmerie départementale du Pas-de-Calais a également participé à la manoeuvre en apportant son soutien au Groupe pour la préparation de l'exercice et la sécurisation de la zone. De plus, dix-huit gendarmes du peloton spécialisé de protection de la gendarmerie (PSPG) de Gravelines (Nord) et leur commandant, le capitaine Jean-François B., ont pris part à l'intervention. Comme dans un cadre réel, le PSPG constitue l'élément précurseur et apporte la première réponse d'intervention, tout en préparant la zone en vue de l'arrivée du GIGN dans les deux heures suivant l'alerte. "Cet exercice prolonge notre travail avec le GIGN, en renforçant l'interopérabilité entre nos deux unités aux actions complémentaires. Il nous permet également d'élaborer la manoeuvre d'intervention avec la force sécurité-protection", explique le capitaine B., au retour de l'exercice.
L'exercice s'est joué en deux temps. Le premier à Paris, au poste de commandement de la SNCF. "Un terroriste prend des voyageurs en otage dans un TGV peu après son départ de Londres pour Paris, vers 21 heures. L'alerte est donnée par un contrôleur au conducteur du train, qui répercute cette information à Paris, résume Serge O., chef du département défense et expertise de la SNCF. À l'instar des cabines de pilotage des avions, le poste de pilotage du train est verrouillé de l'intérieur. La situation est prise en compte immédiatement, entraînant la décision de détourner le train vers des voies d'évitement" , où se jouera la seconde partie du scénario avec l'intervention des forces de gendarmerie.
Les gendarmes départementaux sont les premiers à intervenir, suivis rapidement du PSPG. À l'arrivée du GIGN, "un plan d'assaut d'urgence est mis en place et les tireurs d'élite se positionnent autour de la rame. Puis, si la crise s'installe dans la durée, les négociateurs peuvent entrer en scène ou un plan d'assaut délibéré est établi. Ce dernier rassemble toutes les conditions possibles pour permettre une intervention dans des conditions de sécurité optimale, tant pour les gendarmes que pour les otages. Chaque étape de l'élaboration de ce plan, ou nouvel élément apporté, est validée par le préfet ; la décision de l'assaut relève du commandant du GIGN", précise l'officier communication du Groupe. Cet exercice a également permis de déployer l'équipe DAR (discrétion-action-renseignement), créée en 2000 au sein du GIGN. Constituée de gendarmes équipés plus légèrement, elle a pour tâche d'approcher en toute discrétion au plus près de la zone d'intervention, pour recueillir le maximum d'informations et confirmer ou infirmer celles déjà recueillies par les précurseurs. Chaque étape est retransmise sur un écran déporté, sur lequel le PC peut visionner en direct les images d'une caméra installée sur le casque de l'un des gendarmes du GIGN.
Dans la salle des fêtes d'Hénin-sur-Cojeul, le lieutenant-colonel Jérôme B., commandant le GGD 62, a suivi la montée en puissance de l'exercice. "Ce soir a permis de rôder la procédure d'intervention du PSPG avec le GIGN, avec une recherche de l'interopérabilité et de procédure de travail conjoint. Le rôle du GGD est de recueillir le renseignement initial et de situation pendant toute la durée de l'intervention, d'accueillir le GIGN et d'élaborer un périmètre de sécurité. Dans un cas réel, après le temps de l'intervention, les gendarmes départementaux conduiraient l'enquête judiciaire."
Pour l'heure, cet exercice a permis de démontrer le savoir-faire de la gendarmerie et de la SNCF dans le cadre d'une crise en milieu ferroviaire, "un contexte stratégique dans le domaine de la lutte contre le terrorisme et de la préparation des prochains JO", conclut le général Orosco.