Alpes-de-Haute-Provence : Les jeunes sous vigilance

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Un groupe de "vigilance" pour les 12-25 ans a été mis en place en 2011 dans les Alpes-de-Haute-Provence. Réunissant tous les services de l'État concernés par la jeunesse, il permet un partage d'informations et de connaissances pour établir des mesures ciblées et adaptées.


Le département des Alpes-de-Haute-Provence a lancé une initiative en avril 2011 pour comprendre, analyser et agir sur le phénomène des jeunes. Rassemblés autour du préfet du département, différents services de l'État partagent ainsi régulièrement toute information relative à des faits de turbulence, d'incivilité, voire de délinquance, commis ou subis par les 12-25 ans.

"Au lieu d'avoir des systèmes et des services qui se côtoyaient mais n'abordaient pas de cas concrets, nous avons aujourd'hui des rencontres mensuelles et des relais entre services pour agir selon les priorités du terrain, explique Jean Delimard, directeur départemental de la cohésion sociale et de la protection des populations (DDCSPP). L'objectif est d'échanger nos connaissances respectives sur le phénomène des jeunes pour nous caler à leur univers, leurs difficultés, leurs préoccupations, leurs centres d'intérêts…, afin de mieux les comprendre et les aider en cas de besoin."

Ainsi, l'interministérialité est de rigueur dans le groupe, piloté par trois services : la DDCSPP, l'inspection d'académie et la directrice de la sécurité et des services du cabinet de la préfecture. Ses membres sont issus de services traitant directement avec les jeunes du département : les services jeunesse, sports, vie associative et politique de la ville de la DDCSPP ; la déléguée du préfet à la politique de la ville ; la direction départementale de la sécurité publique ; le groupement de gendarmerie départemental ; et la direction territoriale de la protection judiciaire de la jeunesse. D'autres partenaires locaux peuvent, le cas échéant, y être associés : la maison des adolescents, les collectivités territoriales ou encore la mission locale.

"Lors de ces rendez-vous, nous échangeons de manière confidentielle sur un problème rencontré, et nous désignons un service qui s'en chargera, souligne-t-on à la préfecture de Digne-les-Bains. Soit nous avons affaire à un épiphénomène que l'on règle rapidement, soit c'est un problème qui peut prendre de l'ampleur et gangrènera le reste du département. Nous mettons alors en place des actions spécifiques."

Au cours de l'année écoulée, le groupe "vigilance jeunes" a étudié un large panel de problématiques liées à la jeunesse : incivilités commises sur le parcours domicile-école, actes de délinquance impliquant des groupes de jeunes, sentiment d'insécurité rapporté par des habitants, problématique des élèves en rupture avec le système scolaire, turbulences sur la voie publique, tensions repérées par les élus, problèmes liés à la drogue… Lors de leurs échanges, ses membres ont constaté l'accroissement des cas liés à l'usage d'Internet et des téléphones portables : nombreuses plaintes portant sur la protection de la confidentialité, escroqueries, atteintes aux mineurs, usurpation d'identité, happy slapping (ou vidéolynchage, est une pratique consistant à filmer l'agression physique d'une personne à l'aide d'un téléphone portable)…

En réaction, le groupe "vigilance" a lancé, début janvier 2012, une formation spécifique sur cette thématique pour sensibiliser les professionnels en contact permanent avec la jeunesse. "Cette formation nous a semblé importante, car l'informatique est devenue un espace où l'adulte n'est plus en mesure de fixer des repères aux plus jeunes, souligne Alain Miller, DDSP des Alpes-de-Haute-Provence. Dorénavant, ce sont souvent les enfants qui ont la connaissance technique de cet outil, mais pas la connaissance légale, le côté moral de ce qu'ils peuvent être amenés à voir ou à faire. Et comme il n'existe plus de notions de frontière ou de distance géographique sur le Net, les jeunes du département peuvent être menacés par un proche mais aussi par des délinquants du monde entier."

Cette première formation proposée par le groupe "vigilance" a été animée par Anne Pieters, investigatrice cybercriminalité de la Police nationale, à destination d'un large public de professionnels de la jeunesse : animateurs sociaux, chefs d'établissement, conseillers d'éducation, enseignants, éducateurs, assistantes sociales, infirmières scolaires, documentalistes… "Nous avons récemment enregistré de nombreuses plaintes autour des nouvelles technologies, avec des violences verbales, des menaces, du harcèlement, des insultes répétées sur Facebook… Les conséquences pouvant être très graves, allant parfois jusqu'au suicide de jeunes, événement trop souvent dénoncé dans les récentes actualités. Il est donc de notre responsabilité, nous adultes, de protéger les plus jeunes et donc de former tous les acteurs concernés. Une personne bien informée sera en mesure d'agir efficacement face à un problème", conclut Anne Pieters.