L'opération Brennus attaque de front les trafics de stupéfiants et d'armes sur Marseille et ses environs. Quatre mois après son lancement, les résultats sont à la mesure des moyens déployés. Police, gendarmerie, douanes, parquet, l'état-major de sécurité départementale agit tous azimuts.
Le 19 novembre dernier, la cité phocéenne était le cadre d'un événement dramatique. Sur fond de règlement de comptes, un jeune de 16 ans était assassiné, dans la cité du Clos la Rose, de sept balles de kalachnikov par un commando d'une demi-douzaine d'hommes cagoulés, et un second de 11 ans était grièvement blessé. Cette fusillade, qui s'inscrivait dans une série de règlements de comptes violents, a particulièrement ému l'opinion publique. Depuis janvier 2009, 26 règlements de compte ont été recensés, avec un triste bilan de 19 personnes tuées et de 16 autres blessées dans la seule ville de Marseille.
Le 21 novembre, le ministre de l'Intérieur annonçait à Marseille des mesures exceptionnelles pour densifier la lutte contre les trafics d'armes et de stupéfiants, avec le lancement de l'opération Brennus. Outre l'engagement de plusieurs milliers de policiers locaux de la sécurité publique et des CRS, des renforts conséquents ont été débloqués : deux unités de CRS (soit 150 effectifs) sanctuarisées au quotidien, renfort de cinq policiers au sein de la cellule "dérives urbaines" du service départemental d'information générale de la sécurité publique, création d'une cellule "armes" de la police judiciaire, affectation de 117 adjoints de sécurité – 83 d'entre eux ont été exceptionnellement incorporés en école en décembre 2010 et sont opérationnels depuis mars –, et un investissement important du GIR dans la lutte contre l'économie souterraine.
Ce dispositif d'envergure vise à traquer en priorité les trafics d'armes à travers une multiplicité, une imprévisibilité et une répétitivité des contrôles routiers d'envergure sur les grands axes de fuite et des visites massives dans les cités. Du 21 novembre au 13 février 2011, pas moins de 190 opérations ont été organisées au titre de Brennus, soit plus de deux opérations par jour. Ces opérations "coup-de-poing" visent à contrôler les quartiers sensibles et à vérifier les armes à feu.
Durant cette période, 4 157 halls, caves et toits d'immeubles ont ainsi été visités par les forces de l'ordre, 23 905 véhicules (dont 59 signalés volés) et 31 152 personnes contrôlés (dont 539 interpellées).
En termes de résultats, les chiffres sont tout aussi parlants : 100 armes (dont 56 à feu), 63,5 kg de cannabis et 3,5 kg de cocaïne ont été saisis.
Les chiffres sont spectaculaires, analyse Roland G., directeur interrégional de la police judiciaire (DIPJ). Avec cette opération, nous dérangeons clairement les délinquants. Depuis les événements du Clos la Rose, nous n'avons plus connu d'assassinat par arme à feu sur Marseille.
L'état-major de sécurité départementale des Bouches-du-Rhône se réunit chaque semaine pour dresser un bilan des opérations effectuées et fixer les priorités à venir. Il réunit, autour du préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, le procureur de la République, le préfet délégué à la sécurité et à la défense, le commandant du groupement de gendarmerie, le directeur zonal des CRS Sud, le directeur zonal du renseignement intérieur et le directeur des services douaniers. L'objectif avoué est de mobiliser tous les acteurs de la chaîne sécurité du département.
Côté Justice,
il y a un affermissement de la réponse pénale et la volonté d'aller vite par cette réponse, souligne Jacques Dallest, procureur de la République du tribunal de grande instance de Marseille. Toute personne trouvée en possession d'une certaine quantité de stupéfiants ou qui semble se livrer à la revente de stupéfiants, comme les personnes en possession d'armes à feu, est déférée devant le tribunal, avec l'idée de muscler cette réponse par un déferrement et un jugement en comparution immédiate. Ainsi, on limite, on cantonne, on affaiblit la délinquance et on montre à la population que les choses évoluent positivement.
Lors des contrôles réalisés dans le cadre de l'opération Brennus, le parquet délivre des réquisitions pour procéder à des contrôles d'identité et à l'ouverture des coffres des véhicules, conformément à l'article 78-2-2 de la loi du 18 mars 2003. Ces réquisitions sont ponctuelles dans le temps et ne peuvent excéder vingt-quatre heures.
En termes de suites judiciaires, 209 personnes ont été placées en garde à vue, 14 déférées, 11 écrouées et 122 ont reçu un rappel à la loi.
La direction régionale des douanes de Marseille est également sur le qui-vive en multipliant les contrôles. Au cours de l'un d'entre eux, début février, les services douaniers saisissaient au péage autoroutier d'Arles unvéritable arsenal dans le coffre d'un véhicule avec plus de 4 000 munitions et 14 armes, dont des pistolets automatiques et des fusils à pompe.
Plus de trois mois après son lancement et bien que l'action des forces de police soit observée et analysée par les organisations criminelles, l'opération Brennus porte quotidiennement des coups à la délinquance locale.
Brennus repose sur des actions ciblées et limitées dans le temps. L'objectif clairement affiché est la recherche d'armes à feu avec pour but de stopper leur détention, leur échange et leur circulation. Marseille se trouvait dans un climat de surabondance d'armes, avec une série de meurtres, de cambriolages réalisés en plein jour et à l'arme lourde. Ce n'est pas une opération "coup de poing" ponctuelle, qui est organisée, mais une à deux opérations par jour, et ce depuis le lancement de ce dispositif en novembre. Des opérations massives d'investissement des cités sont organisées, ainsi que des contrôles routiers dans la périphérie des cités et sur les grands axes, sous réquisition du procureur de la République, qui donne toutes les autorisations d'ouverture de coffres et de contrôles d'identité.
L'utilisation de la police ne peut pas à elle seule résoudre tous les problèmes qui ont conduit au règlement de comptes de novembre dernier pour des raisons de trafic de stupéfiants. C'est pourquoi à côté de Brennus, nous avons créé ce que l'on peut appeler "Brennus +" avec l'organisation de groupes de pilotage et de suivi (GPS). Ce sont des groupes de terrain qui travaillent à l'échelle d'un quartier, visité par la police, et qui se composent de policiers référents, d'éducateurs, de membres de l'inspection académique et de délégués du procureur de la République. Cela permet de s'intéresser au plus près à la vie quotidienne des habitants des quartiers sensibles sur des problèmes de sécurité mais aussi de propreté, de dégradations de l'habitat, d'aide aux familles en difficulté sociale ou éducative. On se doit de revenir dans ces quartiers avec des modi operandi un peu plus interministériels, en y associant les collectivités territoriales pour essayer de faire ce que l'on réalise en matière de politique de la ville mais en le concentrant à un microquartier, avec un lien direct avec les décideurs. Il faut totalement réinvestir les cités en question, que les partenaires osent le faire, notamment les bailleurs sociaux.
Le ministre a été clair : cette opération durera le temps nécessaire. On adresse un signal non moins clair : avec l'opération Brennus, la circulation d'armes et de stups est beaucoup plus risquée qu'auparavant. D'où la nécessité de l'étendre en zone gendarmerie et en zone police plus éloignée. C'est donc une opération qui se poursuivra tant que l'on pourra engranger des résultats.