Seul le prononcé fait foi
Madame la secrétaire d’État, chère Geneviève,
Monsieur le préfet de la région Ile de France,
Mesdames et messieurs les élus,
Mesdames et messieurs les représentants des cultes,
Monsieur le Recteur,
Mesdames et messieurs,
La Crimée. Le Mexique. Sedan.
La France n’était pas encore la République. Mais la Nation était en guerre.
Verdun.
L’enfer d’une bataille longue d’un an, où la mort rodait par le feu ennemi, les éclats d’obus ou la violence du froid.
Verdun.
L’enfer d’un combat décisif où la République et l’honneur ne cédèrent pas.
La Corse. La Provence.
Les débarquements des troupes alliées, des soldats de la libération. Le souffle de la vie retrouvée et de la Liberté rendue.
Mesdames et messieurs,
Les noms de ces batailles résonnent encore aujourd’hui. Ils sont des pages tragiques ou victorieuses de notre Histoire.
Ils sont des instants où la France s’est faite, des moments où la République s’est construite.
Ces noms aujourd’hui ne doivent pas être l’apanage des livres d’histoire.
Ils doivent s’inscrire dans nos mémoires. Ils doivent s’y ancrer comme autant de souvenirs de ce qu’est la guerre. Comme autant de marques de ce que signifie le service et le don de soi.
Au cours de toutes ces batailles, des soldats venus du Maghreb ou du sud du Sahara subissaient pour la France le feu ennemi.
Tirailleurs, goumiers, spahis, zouaves, ils portaient l’uniforme de la France et pour beaucoup puisaient leur foi dans les sourates du Coran.
Au cours de toutes ces batailles, le sang des soldats musulmans a coulé pour notre pays.
Au cours de ces combats, dans l’odeur âcre de la poudre et le sifflement des balles, le destin de ces hommes s’est indéfectiblement lié celui de la République.
Aujourd’hui, ensemble, nous rendons hommage à tous ces soldats de confession musulmane morts pour la France lors de la Première Guerre mondiale, mais bien au-delà, à tous ceux, qui, conflits après conflits, épreuves après épreuves, ont servi notre Nation et donné jusqu’à leur vie pour la protéger.
Mobilisés depuis les débuts de la guerre, ces soldats venus d’Afrique ont combattu avec la même force, avec le même courage.
Ils étaient dans la Marne, ils étaient dans la Somme. Ils étaient à Verdun, où 70 000 combattants musulmans ont perdu la vie. Et combien ont vu leurs destins brisés, leurs blessures rester, leurs gueules cassées ?
Ce sacrifice, chacun l’a compris. Personne ne doit l’oublier.
Nous lui devons la construction de cette Grande mosquée de Paris.
Nous lui devons la reconnaissance, pour toujours, de la République.
30 ans plus tard, pour sauver la Liberté et affronter le nazisme, les combattants venus d’Afrique, dont beaucoup de musulmans, ont répondu, une fois encore, à l’appel de la République.
Ils étaient plus de 70 000 en Corse puis en Provence, village par village, à aider la France à redevenir la France.
Si notre pays a pu retrouver son âme et que notre pays a pu briser les chaînes de la barbarie nazie, c’est aussi grâce à eux. Ne l’oublions jamais. Rappelons-le sans cesse. C’est cela, aussi, notre devoir de mémoire.
Aujourd’hui encore, dans nos Armées, dans les casernes, les ports et les bases ou déployés au travers le monde en opération, des militaires de confession musulmane portent l’uniforme de la France et servent sans compter, avec leurs camarades, pour la protection des Français.
Je souhaite à cet égard saluer la mobilisation et le professionnalisme des aumôniers militaires du culte musulman qui ont assis leur légitimité par le soutien qu'ils apportent au quotidien, depuis 15 ans, à nos soldats en métropole et en opérations extérieurs.
Depuis plus d’un siècle, plus de 100 000 soldats musulmans sont morts pour la France.
Soyons dignes de leur sacrifice. Rappelons-nous sans cesse de leur courage.
Mesdames et messieurs,
Si quelqu’un pouvait en douter, je retiens des récits de l’enfer des tranchées et de la dureté de la guerre, un enseignement. Un enseignement, comme une leçon républicaine : dans les rangs de nos Armées, face à l’ennemi et face à la mort, il n’y avait pas de chrétiens, de musulmans, de juifs ou d’athées. Il n’y avait que la bravoure et l’honneur. Il n’y avait que des frères d’armes, unis et déterminés.
Cette force, cette union qui nous transcende et nous dépasse, c’est la République, c’est la laïcité.
La laïcité qui protège chacun parce qu’elle n’en préfère aucun. La laïcité qui est le fondement de la liberté de croire et de ne pas croire, de la liberté de pratiquer et de ne pas pratiquer.
Chacun sera protégé, parce qu’il accepte et reconnaît les lois de la République et les valeurs de notre devise « Liberté, Egalité, Fraternité ».
Oui, notre laïcité est un équilibre, c’est pour cela qu’elle est forte et respectée.
Oui, l’Islam a toute sa place en France, comme chaque culte respectueux des principes républicains.
Pourtant, je le sais, les craintes aujourd’hui sont fortes. On les observe plus vivement peut-être mais elles couvent et apparaissent depuis des années.
Depuis trop longtemps, certains s’emparent des pires exactions pour faire les pires amalgames. Certains confondent des desseins politiques où la religion est un prétexte ; et la foi sincère, vécue par la grande majorité des musulmans français.
A tous les promoteurs de haine, je n’ai qu’un message à adresser : venez ici voir la réalité de l’engagement des soldats musulmans. Allez à Verdun vous recueillir sur les tombes, nombreuses, ornées d’un croissant de ceux qui sont tombés pour vous. Écoutez les paroles de Clemenceau face aux tirailleurs sénégalais. Rappelez-vous les mots de Foch et de Lyautey.
Ce message, je veux l’adresser, aussi, à tous les descendants de ces soldats. Je veux l’adresser à toute la jeunesse de France, en quête de héros et de repères. Soyez fiers. Vous tenez parmi ces combattants des modèles de service, de dévouement et de courage.
La haine, le rejet et les amalgames sont des insultes à la République, des insultes à notre Histoire, des insultes à la mémoire de tous ceux qui ont combattu pour notre pays.
Mesdames et messieurs,
Cet hommage est un rappel. Celui du combat mené par tous ceux qui servent notre pays. Celui de la force et du courage de milliers de soldats de confession musulmane qui se sont battus et sont tombés pour que vivent nos valeurs. Le sang versé par les soldats musulmans est rentré dans l’Histoire de la France. Nous ne l’oublierons jamais.
Vive la République !
Vive la France !