Déclaration de M. Bernard CAZENEUVE, Ministre de l’Intérieur à Hôtel de Beauvau, le 19 novembre 2015 suite à l'annonce du décès du terroriste Abdelhamid ABAAOUD.
- Seul le prononcé fait foi -
Mesdames et Messieurs,
Le Procureur de la République François MOLINS vient d’annoncer qu’Abdelhamid ABAAOUD est bien l’un des terroristes tués hier matin dans l’opération de police qui s’est déroulée à Saint-Denis.
Comme le Président de la République s’y est engagé devant le Parlement réuni en Congrès à Versailles, la République met tout en œuvre pour détruire le terrorisme.
J’adresse mes plus chaleureuses félicitations aux enquêteurs qui, depuis vendredi soir, conduisent sous l’autorité de la Justice les investigations minutieuses qui ont permis de localiser ABAAOUD et de déclencher l’opération de police de Saint-Denis. Je veux redire ma gratitude aux policiers du RAID, qui ont conduit avec ceux de la BRI cette opération avec force, ainsi qu’à l’ensemble des policiers, sapeurs-pompiers, secouristes mobilisés, en saluant à nouveau le sang-froid des habitants de Saint-Denis et de leurs élus.
Les enquêteurs de la Sous-Direction Anti-Terroriste de la Direction Centrale de la Police judiciaire, de la Section anti-terroriste de la Préfecture de Police et de la Direction Générale de la Sécurité Intérieure sont entièrement mobilisés pour faire toute la lumière sur les circonstances précises et sur tous les individus impliqués dans les attentats terribles qui ont frappé Paris le 13 novembre.
Abdelhamid ABAAOUD a joué d’évidence un rôle déterminant dans ces attaques. L’enquête établira avec précision l’implication de ce ressortissant belgo-marocain. Elle permettra également de reconstituer le parcours de ce terroriste, originaire de Molenbeeck en Belgique, qui avait rejoint la Syrie depuis ce pays en 2014.
Aucune information émanant de pays européens dans lequel il aurait pu transiter avant d’arriver en France ne nous a été communiquée, suggérant qu’il ait pu arriver en Europe et cheminer jusqu’à la France. Ce n’est que le 16 novembre dernier, postérieurement aux attentats de Paris, qu’un service de renseignement d’un pays hors d’Europe nous a signalé avoir eu connaissance de sa présence en Grèce. La coopération dans la lutte anti-terroriste est cruciale. C’est la raison pour laquelle j’ai demandé la réunion exceptionnelle d’un conseil justice et affaires intérieures demain à Bruxelles, pour que toutes les questions soient de nouveau abordées dans un cadre européen.
Abdelhamid ABAAOUD faisait l’objet d’un mandat d’arrêt européen et international émis par la Belgique, où il a été condamné par défaut à 20 ans de réclusion. Depuis plusieurs mois, ce sont les services de renseignement français qui avaient établi sa responsabilité dans plusieurs tentatives d’attentat contre la France, ainsi que le rôle qu’il jouait au sein de l’EI. Son implication avait été établie dans la tentative d’attentat de Sid Ahmed GHLAM, contre des églises à Villejuif au mois d’avril dernier, qui avait fait une victime, Aurélie CHATELAIN, à laquelle nous pensons aujourd’hui. Un lien avait également pu être établi entre ABAAOUD et un djihadiste interpelé par la DGSI à son retour de Turquie en juin 2015. Les investigations là encore se poursuivent, pour évaluer son éventuelle implication dans la tentative d’attentat contre le Thalys Amsterdam-Paris le 21 août dernier. Il en va de même concernant un autre djihadiste interpellé à Istanbul, au mois de juillet dernier, alors qu’il s’apprêtait à embarquer pour Prague avec un faux passeport suédois, chargé de commettre un acte terroriste. Enfin, au mois d’août dernier, la DGSI avait interpellé un nouveau djihadiste. Au cours de son audition celui-ci confirmait avoir été formé puis missionné par ABAAOUD pour perpétrer une action violente en France ou dans un autre pays européen. Parmi les six attentats évités ou déjoués par les services de renseignement français depuis le printemps 2015, ABAAOUD semble ainsi avoir été impliqué dans 4 d’entre eux.
Ces éléments semblent signer le même mode opératoire : la programmation, depuis l’étranger, d’actions violentes perpétrés par des djihadistes issus de nos pays européens, formés au maniement des armes, puis renvoyés sur nos territoires pour perpétrer des attentats.
Bien entendu l’enquête se poursuit et encore une fois il appartient au Procureur François Molins d’en donner les avancées.
Dans le même temps, chacun doit comprendre qu’il est urgent que l’Europe se reprenne, s’organise et se défende contre la menace terroriste. Je participerai demain aux côtés de Christiane TAUBIRA au conseil Justice Affaires Intérieures qui réunira à Bruxelles à ma demande l’ensemble des ministres de l’Intérieur et de la Justice de l’Union européenne.
Il est urgent que l’Union européenne se dote avant la fin de l’année d’un accord pour la mise en place d’un PNR européen, d’un renforcement conséquent du contrôle de ses frontières extérieures, et d’une coordination renforcée contre le trafic des armes.
Ces mesures, la France les réclame avec force et constance depuis plus d’un an et demi. Des progrès ont été accomplis et un projet de PNR fait l’objet de discussions entre le Conseil européen, la Commission et le Parlement.
Mais tout cela ne va pas assez vite. Tout cela ne va pas assez loin.
J’appelle donc, depuis Paris où l’un des plus graves attentats jamais commis sur le sol européen vient de se produire, à une prise de conscience collective de tous les ministres et parlementaires européens concernés.
Il faut aller vite et fort. L’Europe doit le faire en pensant à toutes les victimes du terrorisme et à leurs proches. Comme le Président de la République l’a dit devant le Parlement réuni en Congrès à Versailles, la République met tout en œuvre pour détruire le terrorisme. L’Europe, celle que nous aimons et que nous avons construite, doit également tout mettre en œuvre pour vaincre le terrorisme.
C’est le message que je porterai fermement à Bruxelles demain.
Je vous remercie.
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