Police et gendarmerie roue dans la roue

Police et gendarmerie roue dans la roue
6 septembre 2020

Le premier, Joël Scherer, est lieutenant-colonel et officier de liaison pour la gendarmerie auprès de l’organisateur ASO, tandis que le second, Christophe Urien, commissaire, est chef de la mission police sur le Tour de France. Ils échangent tous deux sur leurs missions au cœur de la Grande Boucle et sur cette édition particulière.


Interview croisée - Mission police et gendarmerie au Tour de France 2020

Le Tour de France 2020 est parti de Nice le 29 août dernier, le début d’une mission unique pour tous les deux au sein de cet événement sportif…

Joël Scherer : Effectivement, d’autant plus au sein d’une édition particulière. La course a démarré cette année à la rentrée alors qu’habituellement elle se tient à un moment où la France se met en veille. Un certain nombre de contraintes vient donc s’ajouter à cette édition, avec bien sûr la contrainte sanitaire liée au Covid et qui impose le port du masque, le respect des gestes barrières et qui apporte de nouvelles restrictions, notamment l’accès aux cols pour certaines étapes.

Christophe Urien : Le Tour de France représente tous les ans de nombreux enjeux majeurs de sécurité et cette année d’autant plus avec la rentrée scolaire et le contexte lié au virus. Il est donc indispensable que tous les services de l’État et du ministère de l’Intérieur, la Police et la Gendarmerie nationales en tête, travaillent étroitement ensemble pour faire de cet événement une réussite malgré la situation sanitaire.

Pouvez-vous expliquer votre mission ?

Interview croisée - Mission police et gendarmerie au Tour de France 2020
Interview croisée - Mission police et gendarmerie au Tour de France 2020

J.S. : La mission principale est de contribuer à sécuriser le Tour de France. C’est en quelque sorte un énorme stade qui se déplace dans un tunnel, personne ne doit entrer dans ce tunnel et le stade doit sans cesse avancer. C’est donc une mission de sécurité publique, de sécurité routière aussi. C’est ce qui représente le principal danger, notamment lors du passage de la caravane durant lequel les spectateurs se précipitent pour ramasser des objets, avec des enfants qui sont dans l’euphorie. C’est le danger principal. La bulle course doit progresser sans encombre, et la gendarmerie y contribue en première ligne avec la présence des « Anges bleus », les motocyclistes de la Garde républicaine.

C.U. : C’est tout à fait ça ! La sécurité du Tour dépend d’un équilibre permanent. Cette image du stade qui se déplace est la bonne, sauf qu’un stade de football par exemple est beaucoup plus facile à contenir pour les forces de l’ordre. On en contrôle l’entrée, l’accès, c’est payant. La magie du Tour est que ce stade est gratuit, ouvert et en plus il se véhicule. Alors les gendarmes, les policiers nationaux ou les policiers municipaux, chacun à un rond-point ou une montée de col, en ville comme en campagne, essaient de contenir ce public qui vient en masse en période normale et qui sera toujours présent, même masqué cette année. Il faut accompagner avant tout cette ferveur populaire.

Pour accompagner cette ferveur, il faut obligatoirement collaborer et se coordonner tout au long du chemin du Tour avec les forces locales...

Interview croisée - Mission police et gendarmerie au Tour de France 2020

C.U. : Effectivement, il faut tenir des points d’intersection, des traversées de villes, comme ce fut le cas à Nice. Le Tour a traversé Nice de part en part, avec plusieurs boucles dans le milieu urbain, vous multipliez donc autant de points à contrôler. On a pu observer sur le parcours de ces premières étapes des gendarmes présents dans les cols, des policiers municipaux dans la ville, la participation et l’engagement des forces de sécurité intérieure est totale et essentielle.

J.S. : Il y a 170 personnels de la Gendarmerie nationale détachée sur le Tour et chaque composante a son importance. L’étroite collaboration avec nos collègues policiers permet de sécuriser parfaitement cette grande boucle qui draine chaque année des millions de spectateurs sur le bord des routes.

Il existe aussi des outils pour accomplir cette mission de coordination avec les forces locales...

J.S. : Il y a en effet un haut fonctionnaire du ministère de l’Intérieur qui est à nos côtés. Il a en charge la coordination des forces de sécurité au sein du CCTDF, dans lequel un représentant de chaque institution, notamment notre collègue de la sécurité civile qui a un rôle majeur du fait du cisaillement pour permettre l’intervention des forces de secours. Ce n’est pas parce que le Tour de France passe dans une région ou un département que la vie de la cité cesse. Il faut donc une étroite collaboration entre les CRS, les gendarmes mobiles, les gendarmes départementaux, les polices municipales, la sécurité publique, car chacun a un rôle clé et complémentaire à jouer.

C.U. : Le CCTDF est la tour de contrôle. C’est là où tout se voit, tout s’entend. Ce centre a à sa disposition des retours caméra, son rôle est donc essentiel. Des décisions majeures y sont rapidement prises et il fait un relais avec l’autorité préfectorale, qui demeure dans chaque département le niveau de décision en cas de problématique majeure. C’est une entité indispensable sur le Tour. Et pour appuyer les propos de mon collègue gendarme, les effectifs locaux sont présents pour assurer cette sécurisation, mais comme dans la gendarmerie, nous mettons en place dans la police des effectifs dédiés, d’où la mission police qui vient tous les ans sur le Tour. C’est une équipe réduite, de douze policiers, qui accompagne le Tour du départ à l’arrivée, et s’y ajoutent les 250 CRS dédiés au Tour qui assurent un rôle de sécurisation et peuvent intervenir face à toute menace majeure. En fidélisant ces fonctionnaires, on les professionnalise, et ils connaissent ainsi parfaitement leur rôle, ce qui améliore notre efficacité.

Quelles sont selon vous les clés du succès ?

J.S. : Il faut sécuriser le public mais permettre aussi à la vie de la cité de se poursuivre. Le Tour a débuté en pleine semaine de rentrée scolaire, il y a donc une dimension supplémentaire qui s’y ajoute. Les écoles ne sont pas fermées le jour du passage du Tour, il faut donc concilier tout cela. Le secret c’est une préparation millimétrée. Et d’autant plus cette année, avec une intervention très précise de l’organisateur qui permettra au final, je l’espère, une édition qui arrivera à Paris sans problème majeur.

C.U. : Le terme d’équilibre est un mot qui revient inévitablement quand on évoque le Tour de France. Il faut être en mesure de tout concilier : la course sportive, la fête populaire, le dérangement des personnes qui doivent continuer à vivre et le contexte de la rentrée.

Il existe des enjeux sécuritaires et sanitaires sur ce Tour. Quel regard portez-vous sur ces problématiques ?

J.S. : Cette année, l’enjeu sanitaire s’ajoute aux enjeux de sécurité habituels. Tous les gendarmes portent évidemment le masque. L’intégralité des membres de la mission gendarmerie sur le Tour a dû présenter un test Covid négatif pour pouvoir y travailler. Le Tour, qui est une des premières épreuves sportives internationales depuis le début de la pandémie, est observé à la loupe et peut éventuellement servir d’exemple pour les manifestations futures. C’est un réel enjeu. Policiers et gendarmes ont l’envie d’arriver le 20 septembre sur les Champs-Elysées et tous en bonne santé.

C.U. : Le Tour de France représente plus qu’une course cycliste, il fait partie du patrimoine français. Après la période de confinement, il faut aujourd’hui que la vie reprenne, mais pas n’importe comment. Des mesures sanitaires ont été mises en place et doivent être respectées. Chaque préfet a pris des arrêtés obligeant le port du masque. Les spectateurs doivent donc venir sur le Tour de France, masqués, respectueux des gestes barrières et de la distanciation sociale. On peut venir sur le Tour, participer à cette grande fête populaire, tout en se montrant responsable.

Vos missions sur ce Tour sont atypiques dans la police et la gendarmerie...

C.U. : Cette mission est tout simplement formidable. Nous sommes tous volontaires pour y participer. Sur la mission police on recrute des collègues qui viennent des quatre coins du pays. C’est d’ailleurs un vrai tour de France quand on les recrute car ils viennent de Niort, de Carcassonne, de Lille et d’ailleurs. C’est une grande fierté de participer et de jouer un rôle dans cette compétition qui fait partie du patrimoine français.

J.S. : Comme mon collègue policier, c’est une immense fierté, d’autant plus que c’est ma première cette année. Je pense que c’est un des seuls événements qui réunit l’ensemble des composantes de la gendarmerie : la gendarmerie départementale, la gendarmerie mobile, la réserve opérationnelle et nos camarades de la Garde républicaine. Si un événement est particulièrement rassembleur pour la gendarmerie c’est bien celui-ci !