Mission diplomatique en gilet pare-balles

Mission diplomatique en gilet pare-balles

Après les États-Unis et la Chine, la France possède le troisième plus important réseau diplomatique au monde, avec notamment 182 ambassades et 89 consulats et consulats généraux.


Après les États-Unis et la Chine, la France possède le troisième plus important réseau diplomatique au monde, avec notamment 182 ambassades et 89 consulats et consulats généraux. À Bagdad, l’ambassadeur de France en Irak doit assurer sa mission dans un contexte particulièrement dangereux, marqué par des attentats quotidiens. Pour assurer sa protection rapprochée et la sécurité de l’implantation diplomatique, un dispositif de la Gendarmerie nationale, piloté par le GIGN, y est présent depuis 2004.

Après treize ans de rupture des relations diplomatiques, décidée par Bagdad le 8 février 1991 dans le contexte de la première guerre du Golfe, la France et l’Irak ont rétabli leurs liens le 29 juillet 2004, jour de l’installation du nouvel ambassadeur de France en Irak de l’époque, Bernard B. La France a choisi d’installer sa délégation à quelques encablures du Tigre, mais en dehors de la « zone verte » de Bagdad, enclave sanctuarisée, surprotégée, abritant notamment l’ambassade américaine et les ministères du nouveau Gouvernement irakien. Ce choix, guidé par la volonté de rester au contact de la population, expose cependant davantage les effectifs de l’ambassade.

Sécurité implantation diplomatique

Dès 2004, des experts de l’escadron parachutiste d’intervention de la Gendarmerie nationale (EPIGN), puis, en 2007, de la force sécurité protection (FSP) du GIGN suite à la réforme du groupe, ont été envoyés sur place avec une double mission : assurer la protection rapprochée de l’ambassadeur et la sécurité de l’ambassade. Depuis cette date, la présence permanente des gendarmes mobilise en moyenne huit personnels de la FSP, relayés tous les trois mois. Ils sont renforcés sur place par huit techniciens d’escorte d’autorité et de sécurisation de site (TEASS) pour les escortes diplomatiques, en dehors de l’ambassadeur, et par dix gendarmes mobiles pour la sécurité permanente du site.

« En 2004, les premiers membres du GIGN envoyés en Irak ont pris beaucoup plus de risques que nous aujourd’hui, explique Alexandre, chef de la FSP. Ils n’avaient aucune information sur la sécurité de tel ou tel site et devaient systématiquement aller voir sur place, avec tous les risques qui en découlent et dans un contexte qui était beaucoup plus tendu à l’époque. Il y avait tout à construire. » Pour installer une mission dans un pays en crise, le GIGN envoie des spécialistes en vidéoprotection, explosifs, moyens spéciaux... pour réaliser un audit précis et complet de la situation et ainsi proportionner le dispositif de sécurisation.

Sécuriser l’ambassade dans un pays en guerre est déjà un défi en soi, mais protéger l’ambassadeur lors de ses déplacements dans ce contexte se révèle être une gageure : « Nous sommes un outil au service de l’État. La mission de l’ambassadeur est d’assurer la représentation de la France en Irak, continue le chef de la FSP. Nous devons donc tout faire pour qu’il assure sa mission en lui facilitant les choses. Il y a une réelle relation de confiance qui s’est établie entre le GIGN et les différents ambassadeurs avec qui nous avons déjà pu travailler. Généralement, on arrive à se faire entendre pour interdire ou déconseiller un lieu. Quand on donne une limite de temps sur un rendez-vous, l’ambassadeur sait que ce n’est pas pour rien... »

Analyse sortie de l'ambassadeur

Chaque sortie de l’ambassadeur est scrupuleusement analysée par les hommes de la FSP au moins deux jours à l’avance pour recueillir des renseignements sur la sensibilité du site, voire pour organiser une mission de reconnaissance sur le terrain permettant d’établir une description fine du site, des photos prises sur place... « C’est au quotidien un savant équilibre des choses, souligne Cédric, chef d’équipe au sein de la FSP et fort d’une dizaine de missions similaires en Irak. Les contraintes de sécurité ne doivent surtout pas aller à l’encontre des intérêts français en Irak. »

Dans le dispositif de protection rapprochée de l’ambassadeur, Cédric se place généralement comme « l’épaule », au contact permanent de la personnalité. « C’est un interlocuteur privilégié pour l’ambassadeur, car il saura immédiatement vers qui se tourner en cas de danger ou de besoin. Une réelle complicité peut se créer. J’ai déjà aidé un ambassadeur qui voulait sortir prématurément de réunion : il m’a envoyé un texto en me demandant de venir taper à la porte et d’avancer des raisons de sécurité pour quitter les lieux rapidement.

La protection rapprochée ce n’est pas uniquement tenir une arme, ouvrir des portières et suivre des techniques apprises, c’est aussi mettre l’autorité dans les meilleures conditions pour qu’elle accomplisse son travail. Qu’elle sache que nous sommes présents, mais que de notre côté nous soyons les plus discrets possibles. » Et Julien, équipier au sein de la FSP et de retour d’Irak depuis deux mois, de poursuivre : « Effectivement, le contexte irakien est particulier, néanmoins nous sommes entraînés et formés pour faire face. Nous sommes totalement autonomes sur place, il faut donc savoir être polyvalents et indépendants pour affronter tous types de situations. »

À l’évocation du contexte irakien et l’éventuelle montée du stress, voire de la peur, Cédric interrompt : « À Bagdad, nous allons forcément monter le curseur en termes de concentration lorsque le risque est avéré. La nécessité de bien faire son travail va prendre le dessus sur une éventuelle forme de stress ou de peur qui peuvent apparaître. Il y a différents genres de stress : le positif et le négatif. Généralement, le stress négatif est très vite identifié chez les gendarmes qui postulent au GIGN lors de la phase de sélection. Nous avons la capacité de transformer ce climat en stress positif. Ce qui fait que les gens ont conscience du danger, mais connaissent les techniques pour y répondre et vont les mettre en pratique de manière encore plus professionnelle. »

Force sécurité protection du GIGN

Les points de vigilance pour assurer la sécurité de l’ambassadeur sont nombreux face à une menace potentielle, mais un élément est déterminant dans l’approche du GIGN : l’utilisation ou non d’explosifs. « Si l’ennemi a une kalachnikov, on peut utiliser un véhicule blindé muni de vitres blindées, on peut aussi s’abriter derrière un mur, souligne le chef de la FSP. Mais à partir du moment où nous sommes confrontés à un adversaire qui maîtrise les explosifs, ce n’est plus du tout la même problématique. Se prémunir face à des tirs, c’est de la protection passive et nous appliquons nos procédures. Si vous avez quelqu’un qui manie bien l’explosif, qui est capable d’utiliser un kilo comme une tonne, cela devient plus compliqué. On n’arrivera jamais à 100 % de protection dans ce cas-là. On essaie alors de compenser par les procédures, les formations, les entraînements, les recueils d’informations... pour éviter de se retrouver dans de telles situations. »

Sur le travail réalisé par le GIGN, l’ambassadeur de France en Irak, Marc Baréty , ne tarit pas d’éloges : « Je peux effectivement être une cible symbolique pour Daesh, mais j’ai la chance d’être protégé par le GIGN, dont c’est le métier. C’est ce que je me dis quand je circule dans Bagdad, dans le véhicule blindé, avec une escorte, des gendarmes devant, d’autres derrière, qui ont tout ce qu’il faut pour se défendre, et que je vois par la fenêtre les Bagdadis, qui se promènent à pied, pour faire leurs courses, ou tout simplement vivre. Eux courent un risque considérable, bien plus important que moi. Le terrorisme vise et touche tout le monde aujourd’hui en Irak, toutes les confessions religieuses, toutes les nationalités, dans notre chair, dans nos vies, dans nos intérêts, dans nos valeurs, dans notre histoire. C’est pour cela que la présence de la France dans ce pays est primordiale. »

La FSP sur tous les fronts

Une quarantaine de personnels du GIGN forme actuellement la force sécurité-protection. Intervenant essentiellement sur des théâtres extérieurs, dans des pays en guerre ou en crise, ils sont chargés de la protection rapprochée de hautes personnalités également sur le territoire national. Ainsi, le chef d’état-major des Armées et les autorités militaires étrangères en visite en France sont protégés par les hommes de la force. Cette unité peut également être amenée à protéger des équipes sportives, comme lors du récent Euro 2016, ou des personnalités impliquées dans des dossiers confidentiels. La FSP peut aussi être sollicitée pour évacuer des ressortissants français à l’étranger, voire de ressortissants de pays amis, dans un contexte particulièrement dangereux, comme ce fut le cas en Libye en 2014. Formés à l’intervention comme tous les membres du GIGN avant de se spécialiser ensuite dans la sécurité-protection, les hommes de la FSP ont été impliqués dans l’assaut du GIGN contre l’imprimerie de Dammartin-en-Goële dans laquelle s’étaient retranchés les frères Kouachi, auteurs de la tuerie de Charlie Hebdo.

Un dossier de Richard Wawrzyniak
Photos : Mika (GIGN)


Un commissaire au cœur de la coopération

Le jeune État irakien est en pleine reconstruction, notamment sur le plan de la sécurité intérieure. En poste à Bagdad depuis l’été 2015, le commissaire Philippe G., attaché de sécurité intérieure en Irak, y joue un rôle prépondérant dans le développement de la coopération entre les deux pays.