Un peu d'histoire

31 mai 2017

La laïcité de l’État est le fruit de l’histoire politique de la France et du processus de sécularisation des sociétés occidentales.


Plusieurs étapes marquent l’histoire de la laïcité. 

De Clovis à la Révolution française (498-1789) : le gallicanisme de l’Ancien Régime

Clovis est baptisé avec son armée par Saint Rémi, à Reims en 498. C’est le début de la « France chrétienne ». L’adoption de la foi chrétienne est un geste politique décisif car il lui permet de rallier la Gaule. Cette période voit naître les racines de la « chrétienté », où le politique et le religieux se confondent. L’Église devient omniprésente dans la société française.

Avec le règne des Carolingiens, notamment de Charlemagne, débute la monarchie de droit divin. Charlemagne est sacré empereur par le pape à Rome et en échange l’empereur soutient l’Église, avec sa participation financière et militaire.

Ce compromis entre le pouvoir royal et le pouvoir religieux durera de longs siècles malgré de nombreux conflits entre papes et souverains. Les rois continueront à défendre l’église et ils recevront toujours bénédiction voire l’investiture de l’église.

Lorsque le pouvoir de l’État éclate après la mort de Charlemagne en 814, les habitants se regroupent autour des seigneurs locaux. C’est la période féodale pendant laquelle l’Église représente la seule force organisée en place. Le pouvoir spirituel devient plus important que le pouvoir temporel.

En réaction, la monarchie française encourage ensuite l’autonomie de l’Église de France face au pape. Un pape français est installé en Avignon en 1309 par Philippe le Bel. Pendant cette période, le pluralisme religieux n’existe pas.
La Révolution française vient bouleverser la « France catholique romaine ». 

La période de la Révolution française (1789-1799)

La Révolution française coupe avec la monarchie de droit divin qui faisait du catholicisme la religion d’État. C’est la première étape de laïcisation de la France. La Déclaration des droits de l’homme du 26 août 1789 établit que la religion est une affaire de conscience et proclame la liberté religieuse : « Nul homme ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses (…) ».

Ce texte fondateur entame la sécularisation de la France. Les droits civils des protestants sont reconnus, les juifs émancipés deviennent des citoyens comme les autres, les membres du clergé catholique prêtent serment à la constitution civile qui nationalise le catholicisme français. Cette constitution civile du clergé est condamnée par le pape.  Cela conduit à une séparation entre partisans du pape et ceux de Révolution. La France est divisée.

Le divorce civil est introduit et certains délits religieux sont supprimés (blasphème, sorcellerie, hérésie, etc.) et le calendrier révolutionnaire est adopté. L’état civil (naissance, mariage et décès) est retiré des registres paroissiaux et confié aux officiers publics.

En 1795, sous le régime du Directoire, la séparation de l’Église et de l’État est proclamée pour la première fois en France, selon des modalités proches de la loi de 1905. 

La période du concordat (1801-1905)

Avec Napoléon, s’ouvre la période du concordat signé en 1801 avec le pape. C’est un traité qui fixe les relations entre l’État français et le Saint-Siège. L’église catholique ne retrouve pas son statut d’église officielle d’avant la Révolution. Elle est l’« église de la grande majorité des français ». Les prêtres sont salariés par l’État et soumis aux autorités françaises. Le régime instauré par le concordat s’étend au protestantisme puis au judaïsme. Les religions reconnues sont organisées comme un service public.

A l’exception de la parenthèse de la Restauration (1814-1848) pendant laquelle le catholicisme redevient, comme sous l’Ancien Régime, la religion de l’État., le concordat traverse les différents régimes politiques du XIXème siècle.

En 1848, ce sont autour des questions d’enseignement que les enjeux de la séparation de l’Église et de l’État vont se concentrer.

En 1850, la loi Falloux donne aux ministres des cultes un droit de surveillance et de direction sur les écoles primaires. L’Église participe officiellement à l’enseignement public. En réaction, les républicains vont durcir les positions anticléricales.

Durant le Second Empire, c’est une période d’entente cordiale entre le gouvernement et le clergé catholique.
 
De 1879 à 1905, la France franchit une deuxième étape de laïcisation, sous l’impulsion en particulier de Jules Ferry, ministre de l’instruction publique. Pendant son mandat, l’école publique primaire devient gratuite (1881), puis obligatoire pour tous les enfants de 6 à 13 ans et elle échappe au contrôle de l’église (1882). Chaque département a une école de formation d’instituteurs. Les lycées et les collèges s’ouvrent aux jeunes filles. Le personnel enseignant est laïcisé (loi Goblet de 1886). L’enseignement religieux est exclu des heures de classe. Il a désormais lieu le jour de congé hebdomadaire du jeudi. L’enseignement de la morale civique devient obligatoire.

Sous la IIIème République, c’est toute la société qui se laïcise : abrogation de l’interdiction du travail le dimanche, suppression des prières à l’ouverture des sessions parlementaires, retrait des crucifix dans les écoles publiques et les tribunaux.

Au début du XXème siècle, les congrégations religieuses non autorisées n’ont plus le droit d’enseigner et sont expulsées. Des milliers d’écoles catholiques ferment (30 000).

En 1904, les relations diplomatiques entre la France et le Vatican sont rompues. 

De la loi de 1905 à nos jours

La loi du 9 décembre 1905 met un terme au concordat et institue la séparation des églises et de l’État. Elle traite de la question des lieux du culte, des associations cultuelles et de la police des cultes. Cette loi devient le pilier des institutions laïques.
Aucun culte n’est plus reconnu en France, encore moins privilégié ou subventionné. Le budget des cultes est supprimé, à l’exception de celui relatif aux aumôneries.

Plus de 30 000 édifices religieux, églises, temples et synagogues, sont mis gratuitement à la disposition des cultes. L’Église catholique refuse de participer à la gestion des cultes par le biais des associations cultuelles créées par la loi car ce type de structure ne reconnaît pas l’autorité de l’évêque. En 1923, un compromis est trouvé et l’église catholique créée des associations diocésaines qui respectent l’autorité hiérarchique de l’évêque. Les congrégations rentrent en France.

Chaque culte organise et finance ses activités et ses édifices sans l’aide de l’État. Un nouvel équilibre s’instaure entre les mouvements religieux et l’État.

Intégré au pacte républicain, le principe de laïcité a été inscrit dans la Constitution de la Vème République du 4 octobre 1958 à l’article premier.

Malgré les évolutions de la société française depuis un siècle, cette loi de 1905 n’a pas été adaptée car elle permet de répondre à la plupart des situations qui se posent. 

Source : Direction des libertés publiques et des affaires juridiques du ministère de l'Intérieur