Devenir gardien de la paix...

Devenir gardien de la paix...

Après les coulisses du concours exceptionnel de gardien de la paix et la première semaine d’incorporation des lauréats au sein de l’école de police de Sens, Civique a suivi durant neuf mois les grandes étapes de la scolarité de ces futurs policiers. Quels sont les leviers utilisés pour transmettre savoir-faire et savoir-être ? Quelles sont les attentes à l’égard des élèves ? Comment se déroulent les premières affectations en service ? Des premières mises en situation à l’amphithéâtre de choix de poste, immersion dans une riche année de scolarité...

Un reportage de Richard Wawrzyniak

Photos : J. Rocha et P. Chabaud


Janvier-février 2017

En à peine deux mois de formation depuis leur entrée à l’école de police de Sens début janvier, les 105 élèves de la 244e promotion ne se sentent déjà plus tout à fait les mêmes. « J’ai l’impression d’avoir évolué, de devenir chaque jour un peu plus gardien de la paix », s’enthousiasme Ludivine, 24 ans. Ces premières semaines ont été consacrées aux « fondamentaux » du métier : « Ils sont clairement entrés dans le vif du sujet avec la découverte de l’institution, la déontologie ou encore les bases de la procédure pénale, explique Nicolas, formateur généraliste d’une des trois sections de la promotion. Ils ont dû assimiler un nombre important d’apprentissages et de connaissances. Nous avons en quelque sorte posé le socle sur lequel ils s’appuieront durant toute leur scolarité, mais surtout durant toute leur carrière. »

Ces débuts sont ponctués par la première grande évaluation écrite sur les fondamentaux, notée 100 points sur un total de 1 500 alloués sur l’ensemble de la scolarité. Le premier exercice de l’examen aborde la connaissance de l’institution et son organisation : « Citez trois grades du corps de conception et de direction », « Citez en toutes lettres, six directions et services actifs, dont les activités sont dirigées exclusivement par le DGPN », « Quel est le but de la fouille intégrale ? », ou encore « Quels sont précisément les individus concernés par le registre d’écrou ? » Le deuxième exercice est une étude de cas permettant d’énoncer les conditions de la légitime défense, alors que le dernier aborde la déontologie et l’armement à travers une série de questions : « Citez les cinq étapes à respecter lors du déroulement de l’entretien avec une personne en détresse ? » ou « Quelle pièce permet au percuteur de reprendre sa position initiale après une percussion ? »

« Avec cet examen, le niveau de chacun va apparaître, ou plutôt confirmera nos premières impressions sur chaque élève, souligne Laurence Paepegay, chef d’unité pédagogique. Nous détecterons ainsi les forts potentiels, ceux qui travaillent régulièrement et ceux qui seraient éventuellement en difficulté. Ce qui nous permettra de très vite mettre en place une organisation pour les aider avec un soutien personnalisé obligatoire. 105 élèves sont entrés il y a deux mois, nous voulons que 105 gardiens de la paix sortent en septembre... »

« L’arme fait partie du métier du policier »

Cours d'armement

À peine les stylos posés, les élèves de la « 244e  » se réunissent en salle pour un cours d’armement.
Tous munis d’un livret sur la thématique, ils sont à l’écoute des conseils de Lionel, conseiller technique régional adjoint et responsable du pool des formateurs en techniques de sécurité en intervention, qui détaille le mécanisme précis du Sig Sauer SP22. « L’arme fait partie du métier du policier, appuie-t-il. Il est donc important de comprendre pourquoi on effectue certaines procédures d’emploi, l’incidence mécanique de telle ou telle manipulation. La gymnastique intellectuelle pour expliquer le fonctionnement d’une arme est un excellent entraînement à la rédaction d’un rapport. Si vous n’êtes pas capables d’expliquer le mécanisme d’une arme, comment arriverez-vous à décrire dans un procès-verbal une intervention complexe avec des victimes ou des collègues blessés ? À vous d’apprendre ces termes, les intégrer et surtout les comprendre pour les réutiliser le cas échéant... »

Les élèves ne semblent aucunement impressionnés, demeurant attentifs et concentrés. Le fonctionnement d’une arme étant pour la plupart une découverte, les anciens militaires et les anciens adjoints de sécurité partagent volontiers leur expérience en la matière. Culasse, canon, chambre, cartouche, gâchette, levier de désarmement... c’est tout un vocabulaire à s’approprier rapidement avant le passage à la pratique, arme à la main. Ils seront également amenés durant la scolarité à manipuler plusieurs types d’armes et à décrocher l’habilitation à leur usage : Sig Sauer SP22, pistolet mitrailleur, lanceur de grenades, grenades à main, fusil à pompe, Taser, flashball...

Mars-avril-mai 2017

En ce matin pluvieux de début mars, notre promotion est passée à la deuxième grande étape de la formation avec le « séquencier 2 » qui permet d’alterner les cours théoriques avec les mises en situation sur différents scénarios pratiques composant le quotidien du gardien de la paix. Franck, Morgan et David sont les trois premiers du groupe à se mettre dans la peau de policiers qui prennent leur service. Ils reçoivent les consignes, avant de partir en patrouille. « C’est une découverte pour eux, ils commettront forcément des erreurs, annonce Sylvain, formateur généraliste. Mais c’est ce que nous recherchons pour mettre le doigt sur ce qui ne va pas, pour échanger à ce propos. Il y a des règles à appliquer mais on les laisse chercher par eux-mêmes pour ensuite théoriser à ce sujet. » Les trois élèves entrent dans le local faisant office de commissariat et se lancent. Ils énumèrent leurs nom-prénom matricule-numéro de section-numéro de promotion. « A vos ordres chef ! » Les sourires sont difficilement contenus: pas évident de se mettre dans la peau d’un policier lorsque c’est la première fois, même fictivement. Des sourires masquant peut-être une forme de stress, sous les yeux de leurs camarades qui ne se privent pas d’émettre des petits commentaires...

Ils récupèrent ensuite leurs armes de service qu’ils mettent en sécurité en respectant point par point les consignes enseignées. Idem pour la prise en compte du véhicule. Chaque détail est minutieusement scruté et décortiqué par les deux formateurs encadrant l’exercice.

Dans la foulée, un deuxième cas pratique est immédiatement proposé à trois autres élèves : intervenir sur un individu en ivresse publique et manifeste (IPM). « Un cas d’école », sourit Sylvain. Un élève se met dans la peau du fameux IPM et se montre particulièrement agité. Les rires de ses collègues agacent les formateurs, « bien que ces mises en situation soient primordiales, il est difficile de recréer au plus près des conditions réelles de terrain, commente Peggy, formatrice en techniques de sécurité en intervention (TSI). La plupart du temps les élèves se font piéger par l’environnement de l’école, dans un lieu qu’ils connaissent, avec des plastrons joués par des camarades. C’est pourquoi il est important d’expliquer chaque détail, de prendre le temps de débriefer, de mettre l’accent sur les erreurs et les points positifs ».

« Soyez irréprochables, on vous regarde, on vous observe ! »

Peggy revient sur chaque étape de l’exercice pendant que les élèves prennent minutieusement des notes. « Je suis restée attentive à vos manipulations d’arme car, lors du contrôle national, les procédures d’emploi seront aussi notées. Donc pas de manipulation hasardeuse ! Par contre lorsque vous avez joué le retour au service, ça a été le drame ! Je mets un coup de gyrophare et je monte sur le trottoir ! Est-ce que c’est écrit quelque part dans le code de déontologie du policier ? Est-ce une bonne attitude ? Faites attention ! Soyez irréprochables, on vous regarde, on vous observe ! »

Une fois le cas pratique achevé, direction la salle de cours pour un enseignement théorique sur l’ivresse publique et manifeste. « C’est la méthode du « séquencier 2 » : se confronter à différentes problématiques lors des mises en situation puis les travailler ensemble en classe », explique Sylvain. Le développement du cours sur l’IPM permet à la fois d’aborder le cadre légal, en soulignant les articles de loi l’encadrant, mais aussi d’offrir quelques clés aux élèves. « Comment peut-on caractériser un état d’ivresse ? », lance Sylvain à l’assemblée. Les réponses fusent de toute part : « Une haleine sentant fortement l’alcool, un défaut d’équilibre, une élocution bégayante, un comportement anormal et une incohérence dans les propos tenus ».

« Ce passage à la pratique nous fait monter d’un niveau, témoigne Morgan, ancien gendarme adjoint volontaire. Rien de tel pour apprendre le discernement, pour agir en fonction du comportement des gens et des situations. C’est important aussi de voir dans la pratique les autres facettes de la police. Aller au contact de la population, l’aider, l’écouter, montrer qu’avec des gestes et des paroles il est possible d’atténuer une situation délicate. »

L’heure est venue pour les élèves de s’armer du protège-dents, du short et des gants pour un cours de combat. Une fois de plus, la disparité des profils représente un véritable défi pour l’équipe pédagogique, en l’occurrence pour David, formateur TSI. « À leur arrivée, je leur ai fait passer un test pour connaître le niveau physique de chacun. J’ai ensuite décliné mes séances pour évaluer leur résistance, leur endurance et leur capacité musculaire. Avec un groupe de 35 personnes, j’essaie au maximum de personnaliser avec des groupes de niveau. L’objectif est de tirer chacun vers le haut. La performance est une chose mais ce que je recherche avant tout c’est un état d’esprit, une mentalité, apprendre à faire l’effort, à ne jamais baisser les bras face à la première difficulté. Cela apporte à la fois de la condition physique individuelle et de la solidarité collective. »

Alors que certains sont de véritables combattants à leur arrivée, d’autres n’ont jamais mis un coup de poing. Les formateurs TSI fournissent donc la base du combat : avoir une attitude et savoir se protéger. « C’est le b.a-ba. On les amène ensuite à acquérir des compétences individuelles pour pouvoir se débrouiller seul, mais, surtout, que l’on intégrera ensuite dans un groupe, pour que chacun puisse se positionner, se coordonner avec ses collègues, comme lorsqu’ils seront en patrouille dans quelque temps. Petit à petit, je les mettrai dans des situations de plus en plus inconfortables, qui dégénèrent, pour les mettre en difficulté, observer leurs réactions et surtout leur enseigner la bonne attitude. »

Manipulation arme

S’agissant de l’arme, la méthode d’enseignement se fait également crescendo. « L’approche est lente et progressive, continue David. Il faut huit heures obligatoires de manipulation en salle de classe avant de passer à une première séance durant laquelle ils n’auront que cinq cartouches à tirer. Nous accélérons ensuite les choses. Pour certains, cela se fait naturellement, ils ne se posent aucune question. Par contre, d’autres peuvent ressentir une crainte. On les accompagne pour les aider à apprivoiser leur peur. Ils peuvent être amenés à se confronter à des situations très difficiles à gérer, où ils devront agir rapidement avec du stress, des mouvements de panique. Nous leur faisons donc prendre conscience de l’importance de maîtriser leur arme. »

Cette méthode d’enseignement, alternant cours théoriques, cas pratiques et cours de TSI, rythmera les journées des élèves jusqu’à la fin du mois de mai. « On sent bien que certains ont plus d’expérience que d’autres, témoigne Laurence P. Pour certains, le bac était hier, pour d’autres ce n’est pas du tout évident de se remettre dans un mode
scolaire qu’ils ont quitté depuis de nombreuses années. Mais attention, les bons policiers ne seront pas forcément ceux qui décrocheront un 18 de moyenne générale. D’autres avec un 11 ou un 12/20 n’auront peut-être pas les bons mots pour formuler une idée mais auront les bons réflexes sur le terrain, sauront interpeller, connaîtront le cadre légal, la déontologie, le savoir-être... »

Juin 2017

La mauvaise nouvelle pour les élèves de la 244e est tombée à la mi-mai. Alors prévu en août, le contrôle judiciaire, soit la rédaction de deux procès-verbaux en intégralité, a été avancé au 1er juin, jour du contrôle national 2, notamment relatif au Code de la route. « Ça a été la douche froide ! commente Nicolas. Nous avons donc accéléré le rythme pour faire le point sur les différentes procédures. Ils en auront mangé des plaintes, des auditions, des interpellations... »

Un stage pour se projeter dans leur futur métier

Place au stage d’un mois en service. Les élèves se quittent pour rejoindre un service qu’ils ont eux-mêmes choisi. « Nous leur conseillons évidemment un lieu de stage  proche de leur domicile. Chaque stagiaire choisit donc son commissariat, la direction centralise toutes les demandes avant de les envoyer aux DDSP concernées, explique Laurence, la chef d’unité pédagogique. Cette étape est très importante dans la scolarité car ils découvrent alors le fonctionnement d’un commissariat, le rôle de chacun, leurs futures missions s’ils souhaitent intégrer tel ou tel service. Ils se projettent ainsi dans leur futur rôle de gardien de la paix. Certains ne feront que de la procédure alors que d’autres seront déjà amenés à toucher à tout. »

Direction le commissariat de Strasbourg pour Ludivine, qui retrouve ainsi son Bas-Rhin natal. « On m’y a présenté tous les services du commissariat : des geôles du tribunal au service du roulement, en passant par la prise de plaintes. J’y ai été confrontée au concret du quotidien d’un commissariat. En plus, les collègues m’y ont réservé un superbe accueil et j’ai été encadrée par des gens très compétents. Ce mois a été chargé mais m’a plus que jamais, confortée dans mon choix de devenir policier. »

Même retour d’expérience positif pour Franck, qui a pour sa part suivi son stage avec quatre autres élèves de la 244e au sein du commissariat d’Élancourt dans les Yvelines : « J’ai fait de la planque sur un trafic de stups ! C’était incroyable ! Ça m’a forcément attiré ! Le commandant voulait nous faire ressentir le terrain, nous montrer la réalité du travail des collègues, j’ai adoré cette expérience ! »

Août 2017

Alors que pour la majorité des Français le mois d’août est synonyme de congés estivaux, c’est l’heure de la concentration pour les élèves qui s’apprêtent à passer les dernières évaluations : tir, combat, mises en situation et parcours police.

Dernières évaluations

1 « Le parcours professionnel police est toujours une épreuve extrêmement redoutée par les élèves, explique David, formateur TSI. L’effort est intensif sur un temps relativement court. Il alterne un slalom, des haies, une poutre, un mur de deux  mètres à franchir, une chatière, une girafe (N.D.L.R. : obstacle en hauteur à franchir) et un mur d’escalade. » 2 et 3 Le parcours mêle du cardio, de l’endurance, de la volonté et de la résistance. « Plusieurs élèves s’étaient blessés sur ce parcours  au cours de la scolarité, le jour de l’évaluation était donc particulièrement redouté. Dans cette épreuve, seul le temps compte. Bien que l’épreuve ait été très difficile pour beaucoup, avec des trombes d’eau qui se déversaient, j’ai constaté l’écart   incroyable entre le premier test en janvier et cette évaluation. Ils ont tous progressé sur le physique et la technique. » 4 et 5 « Il n’y a aucune différence dans mon approche entre un homme et une femme. Ils doivent tous deux répondre immédiatement présents dans tous les cas. » 6 et 7 « Énormément de points ont été perdus au tir, certainement du fait du stress et d’un barème national élevé. Vous tirez dix cartouches au pistolet mitrailleur à 15 mètres puis à 12,5 mètres et il faut réaliser un 100 %. Si vous ratez une cartouche, ce sont cent points en moins. »

Septembre 2017

La dernière ligne droite plonge les élèves face à deux mises en situation particulièrement tendues : des violences urbaines et une tuerie de masse. Le but est de leur faire acquérir les réflexes face à de tels cas de figure, de privilégier leur sécurité, de comprendre la doctrine d’emploi des différents niveaux d’intervention, et d’être sensibilisés à la manière d’opérer. « Nous insistons énormément sur la notion de discernement pour réagir face à ce genre de situations, explique Gérard Cardaliaguet, directeur de l’école de police de Sens.

Nous nous sommes rendu compte que les jeunes sont particulièrement réceptifs, à l’écoute, et savent se comporter comme il le fallait pour faire face. Ces formations sont efficaces, adaptées à la réalité de la situation actuelle. »

À la mi-septembre, le moment tant attendu par certains, et redouté par d’autres, survient un vendredi en fin d’après-midi : l’annonce du classement final. Pour Marina, c’est lors du trajet du retour après une semaine d’école que la nouvelle est tombée : « Je me suis arrêtée sur le bord de la route pour consulter le classement. 55e sur 1 028 pour
le concours d’Île-de-France ! J’ai explosé de joie ! Tous les efforts consentis n’auront pas été vains. J’ai travaillé d’arrache-pied pour faire ce métier. Je vais maintenant attendre sereinement la suite ».

La sérénité n’est pas le qualificatif qui sied le mieux aux élèves réunis ce matin dans l’amphithéâtre de l’école. Le jour J est arrivé avec le choix des postes. Pour Laurence, la chef d’unité pédagogique, la mission est accomplie : « L’école de Sens présente dix élèves dans les trente premiers, dont le major de promotion. Nous sommes tous très fiers, c’est une sacrée promotion qui va nous quitter. Même le dernier de chez nous décroche un 13,36/20, qui le fait se placer à la 953e place sur 1 028 élèves de l’amphithéâtre Île-de-France*. » (La scolarité en école de police rassemble les lauréats du concours Île-de-France, qui seront affectés dans la région, et les lauréats du concours national, avec des affectations sur le reste du territoire national.)

Amphithéâtre affectations

Hommage au major de promotion

Après Sens, les écoles de Roubaix, puis Oissel, Périgueux, Toulouse et enfin Nîmes se connectent en conférence téléphonique, retransmise par haut-parleurs dans l’amphithéâtre de Sens. La Centrale, en l’occurrence le service du personnel de la préfecture de Police de Paris, est également en ligne pour jouer les chefs d’orchestre et enregistrer les choix de poste de chaque élève. Dans la salle, les élèves sont placés selon leur rang de classement. À mi-chemin entre l’Eurovision de la chanson et les oraux du bac, cette étape névralgique est crispante, les visages sont graves, tendus...

Le bal débute avec l’appel d’Antoine, 21 ans, major de la 244e promotion. Alors qu’il se dirige vers le bureau des formateurs pour annoncer son choix de poste, la salle explose de joie. Sous les vivats et les acclamations volontairement accentués pour bien se faire entendre des autres écoles et ainsi exprimer une satisfaction collective, Antoine annonce son choix de poste : la brigade de répression du banditisme de la Préfecture de police de Paris. Les sourires sur les visages des formateurs expriment à eux seuls leur fierté d’avoir formé le major de promotion, comme un gage de réussite de leur savoir-faire. Pour le directeur de l’école, cet élève est « un garçon très équilibré qui a fourni un énorme travail. Il fera un excellent policier ! » Sur le total des 1 500 points, le major en a récolté 1420, soit une moyenne de 18,93/20.

Chaque élève attend patiemment son tour de classement pour annoncer son choix de poste. Pour suivre les places restant disponibles sur les différents postes, Frédéric, du centre de documentation et d’information de l’école, a conçu un tableau Excel performant qui permet de visualiser l’évolution des choix en temps réel. Lorsqu’un poste est « clôturé », il est barré d’une ligne noire. Les premiers rangs de l’amphi se dégarnissent au fil des choix, alors que pour les élèves placés en fond de salle, les possibilités s’amenuisent à vitesse grand V. Quand certains sont penchés sur les plans du métro, des RER et des trains de banlieue pour calculer en quelques minutes le temps de trajet pour tel ou tel poste, d’autres sont vissés au téléphone. Comme cette trentenaire, en ligne avec son mari depuis le début de l’amphi. Ses premiers choix disparaissent les uns après les autres. Il faut s’adapter au plus vite, c’est une vie de famille qu’il faut repenser, réorganiser en une poignée de minutes. « Il ne m’en reste que deux ! », glisse-t-elle à son voisin alors qu’une vingtaine de candidats doivent encore la précéder dans leur sélection. Des collègues s’approchent pour la soutenir et la conseiller. Elle vacille. Son tour approche inexorablement, et son choix n’est toujours pas défini.

Finalement, elle demande l’avis de son formateur entre un commissariat de la petite couronne et un autre d’un arrondissement parisien. Elle tranche finalement pour le premier et sort épuisée de la salle. Les premières affectations à être « clôturées » se situent dans les départements autour de Paris, alors que des places particulièrement intéressantes restent disponibles dans la capitale. Quels sont alors les critères qui déterminent ces choix ? Pour Laurence, la responsable pédagogique, « les élèves privilégient en majorité la proximité géographique au contenu du poste. C’est assez logique car la moyenne d’âge de cette promotion est de 28 ans, beaucoup ayant une vie de famille, des enfants. Pour d’autres, c’est l’action qui prédomine, peu importe la ville ou le département ».

La vie d’une école de police, un éternel recommencement

Soulagement, satisfaction, frustration, déception, peu importe les émotions ressenties, les élèves de la 244e se réunissent le soir de l’amphi pour fêter ensemble cette fin de scolarité, bien que l’amphithéâtre national ait lieu le lendemain pour une trentaine d’élèves.

Le matin de l’amphi national, Henry S, chef du pôle conseil et programmation, confie : « Aujourd’hui est un jour un peu spécial pour l’école. Nous avons sous les yeux les deux extrémités de la chaîne de recrutement. D’un côté, ceux qui seront dans quelques jours dans leurs services respectifs ont choisi hier ou doivent choisir ce matin leur affectation, alors qu’à une dizaine de mètres de là, l’épreuve écrite du concours national de gardien de la paix a actuellement lieu. C’est cela la vie d’une école, c’est un éternel recommencement ! »

Alors que la cérémonie de sortie de la 244e vient de s’achever en ce vendredi après-midi, les différentes sections se rassemblent comme une mêlée de rugby autour de leurs formateurs respectifs. Un moment fort, chargé en émotions. « Evidemment que l’on s’attache à nos élèves ! lâche Nicolas, ému. Mais j’ai volontairement maintenu le vouvoiement jusqu’au lendemain des choix de postes. J’étais tout de même leur référent durant toute cette scolarité. Dorénavant, ce ne sont plus des élèves mais des collègues. Je les sens prêts.

Après ce week-end, j’aurai dès lundi matin 35 nouveaux élèves dans ma section, des nouvelles têtes, des nouveaux profi ls. C’est cela qui me plaît, je suis là pour ça, leur donner les clés pour faire face, pour se sortir de toute situation, pour travailler en sécurité. »

Quels sont en résumé les bons ingrédients pour former nos policiers ? Laurence, la responsable pédagogique propose une recette : « Il faut que le bon message soit délivré dès le départ, s’appuyer sur des formateurs motivés qui aiment leur métier et qui ont envie de le partager. Il faut également un bon cadre d’apprentissage, une bonne cantine. Avoir des élèves réceptifs aux enseignements est également indispensable. C’est ce qui s’est passé avec cette 244e promotion : des élèves volontaires, investis, qui ont répondu à toutes nos attentes ».


« Une nouvelle vie a commencé ici ! »

Entretien avec Antoine, 21 ans, major de la 244e promotion de gardiens de la paix.



« Permettre au futur policier d’être en capacité d’agir »

Entretien avec Philippe Lutz, directeur central du recrutement et de la formation de la Police nationale (DCRFPN).