11.04.2007 - Ecole Nationale Supérieure de la Police Nationale - Saint-Cyr au Mont d'Or

11 avril 2007

Intervention de M. François BAROIN, Ministre de l'Intérieur et de l'Aménagement du Territoire à l'Ecole Nationale Supérieure de la Police Nationale - Saint-Cyr au Mont d'Or - Mercredi 11 avril 2007

Mesdames, Messieurs,

Avant de commencer mon propos, je veux vous faire part de ma profonde tristesse au regard des circonstances tragiques qui ont coûté la vie à un policier lundi soir à la foire du trône.
Reynald CARON était gardien de la paix affecté à la DOPC à Paris, il avait 31 ans et était papa d'une petite fille.
Je tiens à saluer sa mémoire et mes pensées vont vers ses proches.
Vous avez choisi de devenir commissaires de police, d'être au cœur de l'action et de la réflexion, d'agir au service de l'intérêt général.
Certains d'entre vous débutent leur carrière, d'autres poursuivent dans une voie qu'ils ont choisie il y a déjà quelques années.
Chacun sait qu'il va devoir assumer de lourdes responsabilités.
Je sais ce que signifie être policier. Je sais ce que veut dire choisir la fonction de commissaire.
Comme fils de commissaire de police – une de vos promotions porte le nom de mon père - et petit-fils de gardien de la païx, je connais les joies et les peines de votre métier. Je sais votre fierté d'appartenir à cette belle maison qu'est la police nationale.
Je veux aujourd'hui à travers vous, rendre hommage à tous ceux qui sont sur le terrain, ceux qui jour après jour protègent les Français.
Sans leur courage et leur sens du devoir, nous n'aurions pas pu faire reculer la délinquance en France.
Sans leur mobilisation, rien n'est possible.
Au centre de leur réussite, il y a un très grand professionnalisme.
C'est ce professionnalisme qui a permis de maîtriser l'explosion des violences urbaines de la fin de l'année 2005, sans que l'on ait à déplorer de mort de part et d'autre.
C'est ce professionnalisme qui permet de gérer des grandes manifestations en maintenant le fragile équilibre entre l'ordre indispensable et la liberté.
C'est ce professionnalisme qui, jour après jour, conduit à agir pour le bien commun en garantissant le droit à la sécurité.
Ce professionnalisme, ce n'est ni le fruit du hasard, ni un heureux concours de circonstances.
C'est le fruit d'une formation, le fruit d'une réflexion permanente sur les techniques d'intervention, le fruit d'un commandement moderne, le fruit enfin d'une compréhension de la société et de la nature humaine.

Toutes ces vertus se sont illustrées dimanche dernier, lorsque les hommes du GIPN de Lyon ont réussi à maîtriser un forcené retranché à son domicile et qui venait de tuer, au moyen d'une arme à feu, une de ses filles.
Je tiens à souligner le courage et les compétences des fonctionnaires de sécurité publique qui sont intervenus lors de cette opération.
Mesdames et Messieurs, votre haute fonction suppose que vous soyez exigeant avec vous-même.
Vous devrez continuellement consolider vos acquis grâce à la formation continue.
Vous aurez, au cours de votre carrière, la chance de découvrir des horizons nouveaux, la chance d'acquérir des expériences nouvelles, et d'en faire profiter les personnes que vous dirigez.

Il y a peu de métiers qui offrent un horizon aussi large. Peu de métiers qui vous placent au cœur de la chose publique et surtout peu de métiers qui offrent la possibilité de la faire évoluer.
La mobilité est inscrite dans votre statut et vous permettra d'aborder toutes les facettes de votre métier.
Dans cette démarche, je veux que vous soyez accompagnés. A ce titre, je ne peux que me réjouir que les premiers postes contractualisés aient vu le jour.

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Depuis 2002, beaucoup a été fait pour moderniser la sécurité intérieure. Vous êtes d'ores et déjà les représentants de la police du 21ème siècle.
Vous faites partie d'une promotion qui traduit une volonté claire : celle de faire de la police nationale un modèle de l'égalité des chances.
Chacun d'entre vous a subi une sélection rigoureuse. Il y a eu beaucoup de candidats et peu d'élus. Mais pour chacun, le choix s'est fait dans la transparence.
Certains d'entre vous ont passé les concours internes ou externes avec pour critère celui des connaissances scolaires et universitaires.
Je veux d'ailleurs dire à ce titre que c'est la vertu des classes préparatoires intégrées que de permettre à tous ceux qui le méritent de se présenter à cette difficile épreuve sans que l'origine sociale ne se transforme en handicap insurmontable.
D'autres sont issus du choix et voient ainsi reconnaître leur parcours professionnel.
Il y a enfin parmi vous, et pour la première fois, les candidats issus de la VAP (voie d'accès professionnel).
Cette diversité fait du corps des commissaires de police, un corps à l'image de notre société, un corps que tous ceux qui le méritent peuvent rejoindre.
L'égalité des chances est aujourd'hui une réalité pour tous les corps de la police nationale. C'est votre force et un atout pour les années à venir.
Je veux également saluer les auditeurs étrangers présents dans cette salle et qui nous ont fait l'honneur de venir se former en France.

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Pour chacun d'entre vous, la scolarité doit fournir des outils permettant de faire face aux responsabilités de demain.
Je sais que la qualité de l'enseignement qui vous est délivré va en ce sens.
Je sais qu'ici, à Saint-Cyr au Mont d'or, tout est fait et mis en place pour vous permettre de réussir dans votre première affectation.
Je tiens, à cette occasion, à saluer le directeur de l'école, Monsieur Patrick JOUBERT, ainsi que vos différents professeurs et moniteurs et toute l'équipe pédagogique, qui je le sais fournissent un travail remarquable.
Les défis qui vous attendent sont nombreux.
Beaucoup reste à faire pour obtenir un recul durable de la violence dans notre pays.
Beaucoup reste à faire pour dissuader les violences urbaines, qui minent la qualité de la vie de nos concitoyens les plus défavorisés et qui déstabilisent l'économie de quartiers entiers.
Beaucoup reste à faire pour désamorcer les violences contre les personnes qui constituent une atteinte intolérable au contrat social.
Beaucoup reste à faire pour les victimes. Je vous demande de leur accorder une attention particulière. C'est une condition indispensable pour leur permettre de surmonter les épreuves, mais aussi pour recueillir le plus d'éléments d'enquêtes possibles afin de déférer les coupables devant la justice.
Beaucoup reste à faire pour cibler et démanteler les mécanismes d'enrichissement rapide et illicite qui choquent profondément nos concitoyens.
Enfin, la lutte contre le terrorisme constitue un impératif majeur.
Je vous demande, quels que soient vos services d'affectation, d'être constamment mobilisés. Avec une vigilance de tous les instants, Avec une véritable culture du renseignement opérationnel.
La lutte contre le terrorisme, c'est un combat technique mais aussi un combat d'idées, d'affirmation des droits et des libertés.
Pour vous il y a un double enjeu.
Celui de la maîtrise des technologies car les terroristes utilisent les derniers outils et cherchent continuellement à contourner nos protections.
Celui de l'affirmation des valeurs républicaines car, détenteurs d'une parcelle de l'autorité de l'Etat, vous devez être exemplaires et éviter le piège de l'amalgame.
La police est garante de la cohésion sociale.
En tant que commissaires vous aurez un rôle essentiel à jouer dans chacun des domaines qui permettent à nos concitoyens de vivre ensemble.
Vous allez accompagner et souvent précéder les évolutions de notre société.
C'est vous qui allez être au cœur de l'essor des nouvelles technologies.
Etre efficace aujourd'hui signifie développer les outils de ciblage et de traçabilité. C'est savoir détecter les signaux faibles. C'est être en mesure d'identifier des individus à partir d'un réseau de vidéosurveillance intelligemment disposé.
C'est utiliser les ressources de la biométrie pour mieux protéger les sites ou les moyens de transport. C'est mettre en place la lecture automatisée des plaques d'immatriculation.
Cette recherche d'efficacité et de performance que chacun sait inéluctable doit être encadrée.
Elle doit nous conduire à définir le noyau dur de nos libertés, cette part incompressible que personne ne peut remettre en cause.
Là aussi, nous devons trouver le juste équilibre. Vous êtes des experts de la sécurité. Votre implication doit être totale car votre rôle est essentiel.
Il vous reviendra d'analyser en permanence l'évolution de la délinquance. En prenant davantage en compte les modes opératoires nouveaux, les heures de commission des délits et les secteurs géographiques. En faisant preuve d'initiative pour adapter les dispositifs de surveillance et d'interpellation.
Une autre condition essentielle de votre réussite sur le terrain sera votre capacité à exercer l'autorité : vous devrez assumer pleinement la direction des hommes et des femmes placés sous votre autorité.
On ne commande plus aujourd'hui comme autrefois.
Diriger c'est d'abord expliquer, faire preuve de pédagogie, associer ceux qui doivent l'être à la préparation puis à la mise en œuvre de vos décisions.
Diriger, c'est ensuite participer à la formation de ses collaborateurs, veiller à ce qu'ils soient sans cesse au meilleur niveau opérationnel.
Diriger, c'est aussi contrôler les étapes qui conduisent au succès, même si cela s'accompagne d'une remise en cause permanente. Pour réussir, toute organisation doit se fixer des objectifs, déterminer les moyens de les atteindre, analyser les causes des échecs pour mieux les surmonter, se doter d'indicateurs qui permettent l'évaluation.
Ce sont les principes même de la culture du résultat.
J'attends que vous en soyez les fers de lance et que vous la transmettiez au sein vos équipes.
Diriger, c'est enfin gérer vos personnels, les moyens mis à votre disposition, le matériel et les immeubles: le bien-être et la confiance de vos collaborateurs, leur engagement à vos côtés et leur efficacité en dépendant.
Vous devez placer l'Homme au centre de votre action. Rien n'a de sens si l'on oublie que le respect de la loi a pour objectif la garantie des libertés et l'affirmation des droits.
Pour le policier, l'exigence est haute. Confronté à la violence, exposé au danger, il doit en toutes circonstances être exemplaire. Je sais la valeur de votre formation. Je connais les qualités morales des policiers.
Je ne laisserai personne salir votre image et vous mettre injustement en cause, mais je ne tolérerai aucun écart.
La confiance des Français à l'endroit de leur police est à ce prix.
C'est aussi cela la grandeur et la difficulté du métier que vous avez choisi que de veiller continuellement au strict respect de la déontologie.
Je sais que chacun d'entre vous ressent l'importance de cette mission.
Vous allez diriger des hommes et des femmes intervenant dans des situations de tensions, des femmes et des hommes amenés à gérer des conflits. Je sais là aussi que chacun d'entre vous a la conviction que la qualité de son management dépend l'efficacité de votre service.
Mesdames et messieurs, vous allez vivre des années passionnantes. Je sais que je peux compter sur vous, parce que je connais les policiers. Je suis fier d'être le premier flic de France.