Signature du Contrat d’objectifs et de performance de l’OFPRA pour la période 2016-2018

Signature du Contrat d’objectifs et de performance de l’OFPRA
12 janvier 2017

Discours de Bruno Le Roux, Ministre de l’Intérieur, prononcé à l'occasion de la signature du Contrat d’objectifs et de performance de l’OFPRA pour la période 2016-2018, à Fontenay-sous-Bois, le 12 janvier 2017.


- Seul le prononcé fait foi -

Monsieur le Préfet,
Mesdames et Messieurs les parlementaires, Mesdames et Messieurs les élus,
Monsieur le Directeur général des étrangers en France, cher Pierre-Antoine Molina,
Monsieur le Directeur général de l’OFPRA, cher Pascal Brice,
Monsieur le Président du Conseil d’administration de l’OFPRA, cher Jean Gaeremynk,
Mesdames et Messieurs,

Je veux tout d’abord vous remercier de m’avoir invité à m’exprimer devant vous aujourd’hui. J’en profite d’ailleurs pour vous adresser tous mes vœux pour l’année 2017. C’est la deuxième fois que je viens à votre rencontre en tant que ministre de l’Intérieur, et je me réjouis que ce soit à l’occasion d’un événement aussi important que la signature de votre nouveau Contrat d’objectifs et de performance, qui orientera l’action de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) jusqu’en 2018.

Important, cet événement l’est bien sûr, comme vient de le rappeler Pascal BRICE, pour la politique de l’asile en France. Il l’est pour chacun d’entre vous qui en êtes des acteurs décisifs, pour l’ensemble des agents de l’OFPRA. Il l’est aussi, il faut le dire, pour toutes les personnes étrangères qui sont en besoin de protection et qui demandent à la France de les accueillir, de les protéger, de garantir leur sécurité sur notre sol, conformément à nos engagements internationaux.

A cet égard, je veux rappeler la force des conventions internationales qui consacrent le droit à l’asile, le droit à la protection subsidiaire, mais aussi – je pense aux fameuses Conventions des Nations-Unies de 1954 et 1961 – qui consacrent le droit à l’apatridie.

Nous agissons donc dans le respect de ce cadre international, mais aussi – mais aussi, j’y insiste – dans le respect de nos propres principes fondamentaux, énoncés dans notre Constitution, dans le respect de nos valeurs, de notre histoire et de notre tradition d’accueil.

Depuis plus de deux siècles, la France offre l’asile aux opprimés et aux persécutés de tous horizons, dès lors qu’ils nous en font la demande. Comme Bernard CAZENEUVE l’a souvent rappelé lorsqu’il occupait les fonctions qui sont aujourd’hui les miennes, ce sont les révolutionnaires de 1789 et 1793 qui ont donné au droit d’asile, bien avant la Convention de Genève de 1951, la forme et l’ambition que nous lui connaissons aujourd’hui. C’est dire combien l’asile est constitutif de l’identité républicaine de notre pays.

Le droit d’asile, c’est la République.

C’est là l’une de nos traditions les plus nobles, qui nous conduit, encore aujourd’hui, à tendre la main aux femmes et aux hommes qui ont fui la guerre, la violence ou l’oppression dans leur pays d’origine, qui sont persécutés en raison de leurs opinions ou de leurs convictions, de leurs croyances ou bien de leur orientation sexuelle.
Ces femmes, ces hommes nous font confiance pour les protéger, et c’est notamment grâce à vous, grâce à l’OFPRA, que nous sommes en mesure de leur accorder cette protection dont ils ont tant besoin.

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Je veux donc profiter de l’occasion qui nous réunit pour réitérer mon soutien et ma gratitude à l’égard de l’OFPRA et de ses agents, dont je tiens à saluer le savoir-faire, mais aussi à rappeler l’indépendance, consacrée par la loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme de l’asile. Cette indépendance est précieuse – et je sais que vous y êtes attachés, à juste titre – car elle vous confère une plus grande latitude pour agir avec toute l’efficacité et la rigueur qui vous caractérisent.

Je sais, Mesdames et Messieurs, la très grande qualité dont vous faites preuve dans l’accomplissement de vos missions, qu’il s’agisse de statuer sur les demandes d’asile ou de prendre en charge l’état civil des personnes qui bénéficient de notre protection. Je connais les compétences qui sont les vôtres, des compétences bien spécifiques et par là même indispensables, d’ailleurs reconnues comme telles.

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Depuis 2012-2013, l’OFPRA a engagé une profonde réforme de son cadre et de ses modalités d’action – je veux, là aussi, rendre hommage à votre Directeur général, Pascal BRICE, qui a su conduire cette modernisation de façon éclairée.

Je pense notamment à la mise en œuvre du Plan d’action pour la réforme interne de l’OFPRA, approuvé dès le mois de mai 2013, qui a permis d’améliorer nettement les résultats obtenus, ainsi que les conditions de travail des agents. Je pense aussi aux efforts que vous avez réalisés pour ouvrir l’OFPRA, renforcer la communication, valoriser le travail des agents dans les médias et auprès de l’opinion publique – c’était là aussi une nécessité, car nous vivons dans une société où l’exigence de transparence concernant les politiques publiques est forte, et il faut en tenir compte.

Bien sûr, le Gouvernement vous a apporté tout son soutien dans cette démarche, et il continuera de le faire.

Avec la loi du 29 juillet 2015, nous avons ainsi réformé, et par là même sauvegardé, notre dispositif d’asile, afin de pouvoir continuer à accueillir sur le territoire de la République les personnes qui en ont besoin, et ce dans des conditions dignes, tout simplement, à la hauteur de la tradition d’asile qui est celle de la France.

J’ai entendu, hier, le candidat de la droite à l’élection présidentielle affirmer que, s’il était élu, les demandeurs d’asile, en tant qu’ils sont demandeurs d’asile, seraient placés – je le cite – « en rétention administrative pendant l’examen de leur demande », pour une durée maximale qui serait portée « de 45 à 180 jours ».

Eh bien, voilà, il y a, au fond, deux philosophies différentes, deux façons de concevoir l’asile.

D’un côté, il y a ceux pour qui l’asile est un droit et un devoir, lequel nous oblige, car il est le symbole de ce que nous sommes : une République qui est fière de ses principes universels et qui, par là même, prend ses responsabilités face au monde.

Et puis, il y a ceux qui considèrent que l’asile est un mal, une ruse ou un fardeau. Ou bien peut-être un luxe. Ceux qui oublient que personne ne s’exile par plaisir. Et qui, au nom de cette conception, entendent appliquer aux demandeurs d’asile une véritable loi des suspects, au mépris de nos engagements internationaux, au mépris de la République, au mépris même de notre histoire et de notre identité.

Il y a ceux qui accueillent les chrétiens d’Orient persécutés. Et puis, il y a ceux qui les placent en rétention administrative.

Je remarque d’ailleurs que ceux qui, aujourd’hui, veulent remettre en cause le droit d’asile sont ceux-là mêmes qui, pendant des années, ont laissé notre système dériver et s’affaiblir pour mieux le critiquer. Sans doute tout cela est-il cohérent…

Cette fragilisation de l’asile, Mesdames et Messieurs, ce n’est pas notre politique, ce n’est pas le choix que nous avons fait, ni la conviction qui nous anime.

Au contraire, notre politique a consisté à vous donner les moyens humains et juridiques de vos missions.

Grâce à la loi du 29 juillet 2015, nous avons raccourci la durée de traitement des demandes d’asile, et nous avons consolidé les droits et les garanties offerts aux demandeurs d’asile.

Nous avons aussi augmenté, de façon significative, les effectifs de l’OFPRA, qui ont été presque multipliés par deux au cours du quinquennat (270 ETP supplémentaires rien qu’entre 2015 et 2017). En 2012, vous étiez 450 ; aujourd’hui, vous êtes 800.

Parallèlement, nous avons doublé, en cinq ans, le nombre de places en CADA pour accueillir les demandeurs d’asile. Nous sommes passés de 20 000 places en 2012 à 40 000 places en 2017. Alors qu’entre 2007 et 2012, seulement 2 000 places avaient été créées.

Votre action, nos réformes ont porté leurs fruits. J’en veux pour preuve l’augmentation du taux de protection de l’OFPRA, qui est passé de 9% en 2012 à 28% en 2016. Certes, c’est lié à la hausse de la demande d’asile, mais c’est aussi lié à la modernisation des procédures et des méthodes d’instruction des demandes.

Surtout, la part prise par l’OFPRA dans les décisions de protection – le nombre de demandes d’asile acceptées – a considérablement augmenté au cours de ces dernières années, par rapport à celle de la Cour nationale du Droit d’asile (CNDA). L’année dernière, trois quarts des décisions ont été prises dès l’examen de la demande par l’OFPRA, et non plus en recours devant la CNDA – pour un taux global d’acceptation de 37% en 2016, ce qui nous rapproche de la moyenne européenne.

Bref, ce sont là des résultats très encourageants, qui témoignent de la qualité et de l’efficacité de votre travail, de la rigueur que vous mettez dans le traitement des demandes.

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Votre engagement est d’autant plus remarquable que vous l’avez accompli dans un contexte de crise migratoire particulièrement intense, qui a entraîné, en Europe et dans la zone méditerranéenne, des mouvements de populations d’une ampleur sans précédent depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Il nous a ainsi fallu gérer les conséquences de cette crise sur notre sol, et d’abord l’augmentation de la demande d’asile, certes dans des proportions acceptables.

La crise a certes mis notre système à l’épreuve, mais, en dépit des difficultés, celui-ci a tenu bon, comme je l’ai souligné en rappelant les résultats obtenus. Vous avez également poursuivi, et même amplifié, vos missions d’instruction « hors les murs », si j’ose dire.

Je pense évidemment tout d’abord à l’action déterminante que vous avez menée à Calais, aux côtés des associations et des autres services de l’Etat. Dans le cadre des maraudes humanitaires, vous avez réalisé un important travail de fond auprès des migrants, en mettant votre expertise à leur service, pour les informer de leurs droits et des possibilités d’asile en France. C’est grâce à cela que nous avons pu conduire sans dommage l’opération humanitaire de démantèlement du campement, afin de mettre à l’abri, dans les CAO, les personnes qui jusqu’alors vivaient sur la Lande dans des conditions de précarité inacceptables.

Je pense aussi à vos missions dans d’autres départements, notamment en outre-mer. Je pense enfin aux missions à l’étranger, en Grèce, en Italie, au Proche-Orient, dans le cadre du Bureau européen d’appui à l’asile et dans celui des programmes de relocalisation et de réinstallation. Je rappelle qu’à ce titre, nous avons d’ores et déjà accueilli 5 700 personnes fuyant la barbarie de DAESH et la guerre civile en Syrie : environ 2 700 personnes depuis la Grèce et l’Italie, dans le cadre des relocalisations, ce qui représente plus de 30% de l’effort européen en la matière ; et un peu plus de 3 000 Syriens, en lien avec le HCR, depuis le Liban, la Jordanie et la Turquie.

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Aujourd’hui, parce que nous savons que la crise migratoire n’est pas finie, l’OFPRA doit continuer de s’adapter et de monter en puissance, pour faire face à l’augmentation de la demande d’asile et aux évolutions que cela entraîne dans votre organisation et votre fonctionnement.

Telle est la raison d’être de ce nouveau Contrat d’objectifs et de performance.

Comme l’a rappelé Pascal BRICE, ce Contrat vous fixe quatre grands objectifs, chacun d’entre eux est important si nous voulons continuer à nous montrer à la hauteur de la situation. Vous devrez ainsi poursuivre le renforcement de vos capacités, notamment en formant et en intégrant les effectifs supplémentaires en cours de recrutement, mais aussi en maintenant vos efforts de réorganisation interne. Améliorer le service rendu aux usagers, notamment en développant le numérique, ou encore adapter votre gestion et votre politique de gestion des ressources humaines à la nouvelle dimension de l’OFPRA, ce sont là aussi des objectifs qui doivent vous mobiliser.

Bien sûr, vous devrez veiller à gagner encore davantage en efficacité et en réactivité, en continuant de réduire les délais de traitement des demandes à chaque étape de la procédure, pour éviter tout risque d’embolisation de l’OFPRA, et par extension de notre dispositif d’asile.

Pour ce faire, il est indispensable que vous utilisiez pleinement les moyens que vous a apportés la loi de juillet 2015. C’est ainsi que nous résorberons les difficultés qui peuvent subsister, en donnant leur puissance aux outils dont nous disposons désormais. Je pense notamment aux procédures concernant les demandes d’asile provenant d’Haïti et d’Albanie, dont les niveaux de protection sont faibles.

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Beaucoup a déjà été fait, je l’ai dit, et, encore une fois, je vous en remercie très chaleureusement. Mais il y a encore de nombreux défis à relever. Nous devons maintenir notre cap, approfondir nos efforts, avec rigueur et conviction. Je crois que ce nouveau Contrat d’objectifs et de performance va y contribuer puissamment, en vous fixant une feuille de route claire, à la fois réaliste et ambitieuse. C’est ainsi, j’en suis convaincu, que la France continuera à se montrer fidèle à sa tradition républicaine d’asile et d’accueil des réfugiés. Je vous remercie.