Hommage funèbre au major de Gendarmerie Hocine Rebiha

Hommage funèbre au major de Gendarmerie Hocine Rebiha Photo SG-Dicom E.Delelis
24 février 2016

Discours de M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur à Amiens le 24 février 2016 à l’occasion de l'hommage funèbre au major de Gendarmerie Hocine Rebiha


(Seul le prononcé fait foi)

Mesdames les Ministres,
Monsieur le Préfet,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Madame la Maire,
Mesdames et Messieurs les élus,
Monsieur le Directeur général de la Gendarmerie nationale, Mon Général,
Colonels,
Monsieur le Directeur départemental de la Sécurité publique,
Mesdames et Messieurs les chefs des services de l’Etat,
Mesdames et Messieurs,
Chers Yamina et Maâmar REBIHA,
Chère Emmanuelle DEQUIDT,
Chers Camélia, Hanane, Hafida et Hassan,
 
Il y a un peu plus d’une semaine, partout en France, la Gendarmerie nationale se recueillait en mémoire des gendarmes tombés au cours de l’année 2015 alors qu’ils accomplissaient leur devoir au service de la France et des Français.

J’étais alors moi-même aux Invalides pour rendre un hommage solennel à ces femmes et à ces hommes d’un courage exceptionnel, qui ont sacrifié leur vie au nom de la République.

Comme chacun le sait, cette émouvante cérémonie eut lieu le 16 février dernier.

Quatre jours après, nous apprenions la terrible nouvelle : un nouveau gendarme venait de perdre la vie en mission, dans des circonstances tragiques.

Ce gendarme, c’était le major Hocine REBIHA.
*

Aujourd’hui, en cet instant où la Nation honore la mémoire de l'un de ses enfants tombés à son service, sachez que toutes mes pensées sont pour sa famille, pour ses proches et ses amis, pour ses camarades, pour toutes celles et ceux qui l’entouraient de leur respect et de leur affection.

Je pense à vous, chère Emmanuelle, qui perdez votre compagnon, rencontré bien loin d’ici, de l’autre côté de l’Océan, sur l’île de la Martinique où Hocine avait servi pendant quatre années.
Je pense à vous, chers Yamina et Maâmar, qui venez de perdre un fils, et je n’ose imaginer la douleur qui est la vôtre, car aucun parent ne devrait avoir à enterrer son enfant.
Je pense à vous, Camélia, Hanane, Hafida et Hassan, vous qui avez perdu un frère tant aimé.
Et puis, je me tourne vers ses amis, vers ses camarades de la brigade fluviale de Noyon et du groupement de gendarmerie de l'Oise, vers toutes celles et ceux qui, pour une raison ou pour une autre, ont un jour eu la chance de croiser son chemin. A tous, je veux dire ceci : malgré le deuil et la douleur de l’absence, soyez heureux d’avoir eu le privilège de connaître Hocine ou de le rencontrer.

Il continuera de vivre dans le cœur de chacun d’entre vous. Car tel est le réconfort que nous procurent celles et ceux dont nous avons eu l’amour et l’amitié et qui, même après nous avoir quittés, demeurent pour nous présents à jamais.
Ma présence parmi vous, ce matin, est un témoignage de la profonde compassion qui est la mienne et du soutien que je tenais à vous apporter dans cette terrible épreuve.
Mais elle témoigne également du deuil que porte toute une institution. Car, à chaque fois qu’un gendarme ou un policier tombe en mission, c’est bien l’ensemble des forces de l’ordre qui sont éprouvées. A chaque fois qu’un gendarme ou un policier disparaît en accomplissant son noble devoir, c’est l’ensemble du ministère de l’Intérieur qui est en deuil.
*
Le 1er septembre dernier, nous nous retrouvions déjà sur cette même place d’armes pour rendre hommage au major Laurent PRUVOST, tué alors qu’il tentait courageusement de neutraliser un forcené qui venait de décimer une famille, le 25 août 2015, à Roye.
Près de six mois après, nous voici à nouveau unis par un semblable chagrin.
Les événements se succèdent, avec leur lot de tragédies, et c'est toujours la même émotion. La "Marche funèbre" de Chopin au moment où s'éloignera le cercueil. Les larmes que nous retenons ou qu’au contraire, nous laissons couler. Une grande famille en deuil, comme à chaque fois que l'un des siens disparaît. Les mots qui tentent de rendre raison d’un tel drame et d'apaiser un peu le chagrin.
Comme tant d’autres avant lui, Hocine REBIHA est mort parce qu’il croyait en la nécessité de faire respecter les lois de la République et de protéger nos concitoyens contre toutes les violences susceptibles de les atteindre.
Le major REBIHA est mort parce que, jusqu’au bout, en dépit des risques encourus, il entendait accomplir son devoir de gendarme. Tout simplement, parce que telle était sa mission, et telle était la vie qu’il avait choisie de mener.
Le major Hocine REBIHA est mort alors qu’il participait à une enquête judiciaire aux côtés des policiers d’Amiens pour retrouver un jeune étudiant qui avait disparu quelques jours auparavant, en pleine nuit, la voiture dans laquelle il se trouvait avec deux amis ayant quitté la route avant de plonger dans la Somme.
Sollicité par les policiers chargés de l’enquête en raison de ses grandes compétences techniques, le major REBIHA a perdu la vie en plongeant pour retrouver le corps du disparu. Happé par un tourbillon d'eau à proximité d’une écluse, il n’a malheureusement pas survécu à ses graves blessures, et, en dépit des soins prodigués, il nous a quittés le lendemain à l’hôpital d’Amiens où il avait été transporté.
Sa mort tragique nous rappelle le prix des sacrifices que les femmes et les hommes qui appartiennent aux forces de l’ordre consentent au nom du bien commun, la gravité des risques qu’ils prennent pour accomplir leurs missions. Chacun doit bien comprendre que l’intérêt général n’est point une vaine notion dès lors qu’en son nom, des femmes et des hommes sont prêts à risquer leur vie.
La mort du major REBIHA nous rappelle également les grandes vertus de courage et d’abnégation qu’il est nécessaire de porter en soi pour se montrer à la hauteur de telles exigences.
Ces qualités-là, Hocine les avait chevillées au corps et au cœur. Et c’est la raison pour laquelle, jusqu’au bout, jusqu’à sa disparition, il fut un professionnel d’exception. En grand gendarme il vécut, et c’est aussi en grand gendarme qu’il nous a quittés.
Toujours, il fit preuve d’un engagement et d’un dévouement exemplaires au service de la France et des Français, toute sa brillante carrière en atteste, depuis le moment où il fit le choix, en 2002, d’entrer dans la Gendarmerie nationale.
Au cours des quatre années d’abord passées au sein de l’escadron de gendarmerie mobile de Roanne, il participa ainsi à de nombreuses opérations, certaines particulièrement délicates, y compris des missions de maintien de l’ordre outre-mer, en Nouvelle-Calédonie, ainsi que des missions à l’étranger, en Algérie, à la garde des antennes diplomatiques françaises.
Passionné depuis l’enfance par les sports nautiques, le major REBIHA s’est destiné très tôt à servir comme plongeur spécialisé au sein de la Gendarmerie. Après avoir passé les qualifications nécessaires, c’est ainsi tout naturellement qu'il a rejoint, en 2007, la brigade nautique d’Evian-les-Bains, en Haute-Savoie, puis celle d’Aix-les-Bains, en Savoie.
Tenace, travailleur, ne reculant devant aucun obstacle, déterminé à toujours à aller plus loin dans l’excellence, il devient, trois ans plus tard, officiellement enquêteur subaquatique, ce qui lui permet dès lors de participer à des missions de police techniques et scientifique en plongée.
C’est ainsi qu’Hocine REBIHA est parvenu à mettre sa passion au service de son pays.
En 2011, il rejoint la brigade nautique de Fort-de-France, puis celle du Marin, en Martinique.
Homme d’une grande bravoure, il s’illustra à de nombreuses reprises tout au long de sa carrière trop tôt interrompue. Ainsi, le 22 décembre 2011, au large de Sainte-Lucie et alors que la mer était particulièrement démontée, il sauva la vie de quinze personnes réfugiées tant bien que mal sur un catamaran en perdition. Pendant près de cinq heures, atteignant les limites de la résistance physique, il resta dans l’eau, au bord de l’épuisement. Sans jamais flancher, sans jamais faillir, il resta auprès des naufragés pour les aider à s’hélitreuiller. Dans un ultime effort, après être resté deux heures de plus auprès de la dernière victime, il aida cette dernière à monter sur une embarcation de secours.
Pour cet acte d’héroïsme hors du commun, d’une abnégation et d’une générosité absolues, il fut cité à l’ordre de la Division et reçut la médaille d’or de la Défense nationale.
Oui, Hocine REBIHA était un véritable héros.
Après quatre années passées là-bas, aux Antilles, il venait tout juste de retrouver la métropole et d’être affecté au sein de la brigade fluviale de Noyon. Affecté en août dernier, il s'était rapidement intégré à sa nouvelle unité. Tous ses camarades louaient son calme, sa grande gentillesse, sa disponibilité à l’égard d’autrui, son sens de la camaraderie et son pragmatisme à toute épreuve.
Je sais combien il était apprécié et respecté aussi bien par ses camarades que par ses supérieurs. Plongeur-enquêteur particulièrement talentueux, expérimenté et rigoureux, le major REBIHA était, en quelques mois, devenu un véritable pilier de la brigade. Sa disparition constitue une grande perte pour votre unité. Comme elle constitue une perte irrémédiable pour chacune et chacun d’entre vous ici présent.
*
Les gendarmes et les policiers veillent sur nos vies, ils veillent sur la vie des Français. A ce titre, ils sont l’honneur de la République.

Le major Hocine REBIHA était l’un de ces hommes à qui la République doit un respect éternel pour la grandeur des sacrifices qu’ils accomplissent chaque jour pour nous – et d'abord celui d'une vie paisible, et trop souvent, malheureusement, celui de la vie tout court. Car le courage est leur métier.
C’est la raison pour laquelle, en hommage à sa carrière exceptionnelle, il sera décoré dans un instant de la Médaille militaire.
N’oublions jamais ces femmes et ces hommes qui sont tombés pour que nos lois, nos valeurs et nos libertés ne restent point lettre morte.
Le major Hocine REBIHA était un fils de France, et il est mort pour elle.

Ne l’oublions jamais.