Hommage funèbre rendu au major Laurent Pruvot

Hommage funèbre rendu au major Laurent Pruvot
1 septembre 2015

Le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve et 300 gendarmes picards ont rendu hommage mardi lors d'une cérémonie à la caserne d'Amiens au gendarme mort dans la fusillade survenue une semaine plus tôt dans un camp de gens du voyage à Roye (Somme), qui a tué trois autres personnes.


Laurent Pruvot était intervenu mardi dernier avec un collègue dans un camp tout proche de la gendarmerie du peloton autoroutier auquel il appartenait, à Roye. 

Il avait été gravement blessé par l'auteur présumé de la fusillade, qui avait tué au fusil de chasse, quelques minutes plus tôt, trois membres d'une même famille. Le gendarme avait succombé à ses blessures au CHU d'Amiens dans la soirée.

Quelque 300 gendarmes de la région, ainsi qu'une vingtaine de policiers, ont participé à la cérémonie, à laquelle assistait, outre le ministre, la secrétaire chargée des Droits des femmes et députée de la Somme, Pascale Boistard, ainsi que la maire d'Amiens (UDI), Brigitte Fouré.

Dans un discours, M. Cazeneuve a rendu hommage à Laurent Pruvot, un "homme de courage et d'engagement", "qui s'est porté au devant du danger sans faillir".

"Ce courage n'effacera pas le chagrin de la perte, ni la souffrance de l'absence", a souligné le ministre, déplorant la mort de trois gendarmes depuis le début de l'année.

Laurent Pruvot a ensuite été fait, à titre posthume, chevalier de la Légion d'honneur, et décoré de la médaille militaire.

Discours du ministre

Madame la Ministre,
Mon Général,
Madame la Préfète,
Messieurs les Parlementaires,
Monsieur le Président du Conseil départemental,
Madame la Maire d’Amiens,
Monsieur le Maire de Roye,
Mesdames et Messieurs les élus,
Monsieur le Procureur de la République,
Mon Colonel,
Mesdames et Messieurs les chefs des services de l’Etat,
Chère Aurore LEROUX,
Chère Laurence BAZIN,
Chers Florian et Clément,
Chers Madame et Monsieur PRUVOT,
Vous tous ici présents,
Nous sommes aujourd’hui rassemblés, dans la peine et le chagrin, pour rendre hommage au major Laurent PRUVOT, tombé mardi dernier sous les balles d’un forcené.
Laurent PRUVOT était un homme de courage et d'engagement, un homme qui servait la République avec passion, et qui, pour cette raison même, n’hésitait pas à risquer sa vie pour protéger celle des autres. C’est ce qu’il fit à Roye, le 25 août dernier : cette fois, malheureusement, il la risqua au point de la perdre.

Laurent PRUVOT est mort en accomplissant son devoir de protection des Français. Il est un exemple pour nous tous – un exemple de bravoure et de dévouement. Un exemple que nous n’oublierons jamais, comme jamais nous n’oublierons les circonstances tragiques dans lesquelles il a sacrifié sa vie.
En effet, il y a exactement une semaine, la famille BAUMGARTNER – une mère et son bébé de six mois, ainsi que le grand-père – était décimée par un forcené. Un autre enfant, âgé de trois ans, était grièvement blessé.
Le major PRUVOT et ses camarades entendirent les coups de feu, depuis les locaux de la gendarmerie de Roye, située à proximité de l’aire d’accueil où eut lieu la tragédie, tandis qu’un témoin accourait pour les prévenir. N’écoutant que leur courage et rejoints par les policiers municipaux, ils se précipitèrent immédiatement sur les lieux du drame pour porter secours aux victimes et neutraliser le criminel.

Car telle est la mission des gendarmes, des policiers et des policiers municipaux, ces serviteurs de la République et nos héros du quotidien, qui, souvent au péril de leur propre vie, s’engagent à combattre toutes les violences, en toutes circonstances et sur l’ensemble du territoire national. Où que nous vivions en France, ces femmes et ces hommes veillent sur nous. Et parfois, meurent pour nous. Le major Laurent PRUVOT était l’un de ces héros.
Avec ses camarades, il s’est porté au-devant du danger, sans hésiter, sans reculer, sans faiblir ni faillir : en effet, le forcené, lorsqu’il les vit arriver sur la scène du drame, leur tira dessus à plusieurs reprises. Laurent PRUVOT est alors grièvement touché. Le gendarme Johan LEFEVRE, à qui nous pensons aussi aujourd’hui et à qui nous adressons tous nos vœux de rétablissement, est lui aussi blessé. Leurs camarades ripostent et parviennent à neutraliser le tireur.
Immédiatement secouru par les pompiers, le major PRUVOT a lutté, il s’est accroché à la vie avec la force et l’énergie qu’on lui connaissait. Il a malheureusement succombé à ses blessures le soir même, malgré les soins et malgré la détermination de l’équipe médicale de l’hôpital d’Amiens.

Je sais que le courage de son sacrifice n’effacera pas le chagrin de la perte ni la souffrance de l’absence. A Aurore, à Florence, à Florian et Clément – ses chers enfants –, à ses parents, à toute sa famille et à ses proches, je veux dire que toutes nos pensées les accompagnent en cet instant.
Je pense également aux camarades du major PRUVOT et au chagrin de toute une unité.
Vous tous qui aimiez Laurent, vous tous qui êtes présents aujourd’hui, vous avez perdu un compagnon, un père, un fils, un ami, un camarade. Sachez que, dans cette terrible épreuve, vous avez, et vous aurez toujours, tout mon soutien. Votre chagrin est aujourd’hui le nôtre, et il est le mien.

La carrière du major Laurent PRUVOT fut en tous points remarquable, et il est mort comme il a vécu : en brave et en homme d’honneur. Il était en effet un grand professionnel, passionné par son métier.
Le choix de s’engager dans la Gendarmerie, il le fit très jeune, à 22 ans, animé par la volonté de servir. C’est ainsi qu’en février 1994 il rejoignit l'école de Châtellerault, dont il sortit brillamment un an plus tard pour intégrer l'escadron de gendarmerie mobile de Maisons-Alfort, unité où ses grandes compétences et son goût pour l'action firent rapidement merveille lors de nombreuses missions de maintien de l'ordre.
Après avoir exercé en métropole, Laurent PRUVOT eut très rapidement l'occasion de prouver sa grande valeur et son sang-froid lors d'une mission en Polynésie française, puis en Guyane, en Guadeloupe, en Nouvelle-Calédonie et sur l’Ile de la Réunion, autant de territoires auxquels il sut s’adapter et dans lesquels il accomplit ses missions à la fois avec rigueur, empathie et un grand sens du contact.

Car le major PRUVOT était un gendarme qui non seulement faisait respecter la loi, mais qui avait aussi à cœur de rendre service à la population. Sa hiérarchie et ses camarades, en métropole comme outre-mer, ont d’ailleurs toujours apprécié la grande générosité avec laquelle il exerçait son métier.
Après six années passées dans la gendarmerie mobile, Laurent PRUVOT choisit, en 2001, de retrouver sa terre natale, la Picardie. C’est alors qu’il fut affecté au peloton d'autoroute de Roye, où il ne tarda pas à s'imposer comme une référence pour les plus jeunes d’entre ses camarades, qui n’hésitaient jamais à prendre conseil auprès de lui. Il faisait en effet partie de ces personnes que l'on prend plaisir à côtoyer au quotidien. Depuis 2011, il faisait profiter la Brigade rapide d'intervention de Roye de ses grandes qualités humaines et professionnelles.
Mardi dernier, 23 années passées au service de la France et de la République ont été ainsi tragiquement interrompues. Laurent PRUVOT est tombé en gendarme, fidèle à ses valeurs, fidèle aux valeurs de la Gendarmerie, fidèle aux valeurs de la République.
Un tel drame nous rappelle une fois de plus ce que nous devons aux femmes et aux hommes qui s’engagent dans les forces de l’ordre. Au nom de la République, ils accomplissent la plus noble des missions : protéger et servir, au quotidien comme dans les circonstances les plus graves. Grâce à eux, nos lois, nos valeurs et nos libertés ne restent point lettre morte. Ils sont humains, bien sûr, et comme tous les humains il leur arrive de commettre des erreurs. Mais celles-ci ne recouvriront jamais la grandeur des sacrifices qu'ils accomplissent pour nous – et d'abord celui d'une vie paisible, et trop souvent, malheureusement, celui de la vie tout court. Le courage est leur métier. C’est la raison pour laquelle jamais je n’accepterai que quiconque puisse remettre en cause, sans raison aucune, l’engagement de ces femmes et de ces hommes qui, pour nous protéger, s’exposent eux-mêmes au danger. Ils ont droit à notre estime, à notre profonde gratitude et à notre admiration.

Et c’est aussi la raison pour laquelle les violences commises à leur encontre, quelles qu’elles soient, ne doivent pas rester impunies. La justice doit ainsi faire son œuvre avec la plus grande sévérité. Tous ceux qui s’en prennent aux représentants de la loi et de l’ordre, tous ceux qui défient l’autorité légitime de l’Etat, doivent savoir que la République sera intraitable avec eux.

Depuis le début de l'année, trois gendarmes ont perdu la vie alors qu’ils accomplissaient leur mission. L’année dernière, plus de 7 000 policiers et gendarmes ont été blessés en service : soit près de vingt victimes par jour. Je souhaite que tous nos concitoyens en prennent conscience, comme nous nous en avons conscience, au sein du ministère de l’Intérieur.
Dans notre mémoire, le major Laurent PRUVOT repose désormais aux côtés de celles et ceux qui, martyrs du devoir, à l’intérieur comme à l’extérieur de nos frontières, ont versé leur sang pour défendre les principes sur lesquels repose notre démocratie : la liberté, l’égalité et la fraternité. Ce sont les seuls principes qui donnent sens à notre action et à leur sacrifice.

Contre tout ce qui menace la communauté nationale, les gendarmes et les policiers sont les gardiens de nos valeurs et de nos libertés fondamentales, les garants de la paix civile et du respect de la loi républicaine – de la loi que nul n’est censé ignorer et devant laquelle tous les citoyens sont égaux.
Face à la violence, à la délinquance et à la criminalité, face aux crises, aux peurs et aux drames de toutes sortes qui traversent notre société, les gendarmes et les policiers sont en première ligne. Et les Français peuvent être fiers de pouvoir compter sur des femmes et des hommes qui ne connaissent que le courage et l’engagement.

Aujourd’hui, la Gendarmerie nationale est en deuil, plus que jamais solidaire comme à chaque fois que tombe l’un des siens.
Le Gouvernement s’incline respectueusement devant le corps de Laurent PRUVOT, tombé en service. En reconnaissance de l’Etat pour les services rendus et en hommage à sa brillante carrière, Laurent PRUVOT a été promu au grade de major, et a été cité à l’Ordre de la Gendarmerie et à l’Ordre de la Nation. Dans un instant, il sera élevé à  titre posthume au grade de chevalier de l’Ordre de la Légion d’Honneur et sera décoré de la Médaille militaire.
A tous ceux qui se lamentent et se plaisent à décrire une France qui serait en proie au déclin, je veux dire ceci : tant que certains d’entre nous – les plus braves – seront prêts à donner leur vie pour elle, la France vivra. Tant qu’il y aura des Laurent PRUVOT, la France vivra.
Voilà pourquoi, aujourd’hui, par ma voix, c’est toute la Nation qui adresse sa profonde gratitude et sa reconnaissance à toutes celles et ceux qui l’ont servie jusqu’au bout. Laurent PRUVOT était l’un d’entre eux. Honneur à lui. Honneur à tous ceux qui, comme lui, sont tombés. Honneur à toutes celles et ceux qui chaque jour poursuivent leur combat et sont fidèles à leur sacrifice.