L’histoire de la gendarmerie en une visite !

L’histoire de la gendarmerie en une visite !

Installé à Melun dans un ancien bâtiment militaire réhabilité, le musée de la Gendarmerie nationale propose aux visiteurs une découverte originale de l’histoire de l’arme.


Plus de 2 000 pièces exposées témoignent de l’évolution de la gendarmerie, des tenues ou encore des équipements des origines à nos jours. Découverte d’un patrimoine historique unique...

Richard Wawrzyniak
Photos : Pierre Chabaud

Un symbole : la grenade

Elle trône, fière, à l’entrée du musée. Une grenade de 5,7 mètres de haut et de 400 kilos offre un fronton monumental à l’enceinte. Cette grenade enflammée, modélisée à partir d’une plaque de ceinturon de la gendarmerie d’élite du Premier Empire, est composée de TECU® GOLD  (alliage de cuivre et d’aluminium), matière identique à celle des pièces de 10 centimes d’euro. La grenade symbolise, pour les militaires, les troupes d’élite, en raison du caractère dangereux des premières grenades, bombes à main utilisées dès la fin du Moyen Âge. En 1667, chaque    compagnie d’infanterie est dotée de quatre grenadiers. Elle est devenue le symbole de la gendarmerie en 1795.

Un record : la plus grande vitrine suspendue d’Europe

Musée GN : vitrine suspendue

Elle est la colonne vertébrale du musée, la pierre angulaire de l’édifice. La plus grande vitrine suspendue d’Europe s’étend sur 18 mètres de long, 8,5 mètres de haut et 2 mètres de large, pour un poids total de 30,5 tonnes. Elle réunit 44 mannequins d’hommes et de femmes à travers les époques, 13 mannequins de chevaux, une moto et un vélo, pour offrir aux visiteurs une chronologie de référence et présenter l’évolution de l’équipement, de l’uniforme et de la monture, en lien avec le parcours de la visite.

Un défi : reconstituer l’histoire d’une institution

Musée GN : escadron mai 68

La Gendarmerie nationale est une des plus anciennes institutions françaises. Elle est l’héritière de la maréchaussée. Ce corps de militaires, créé en 1339, était chargé de la police et de la justice aux armées, puis est devenu progressivement une force de police compétente pour  l’ensemble de la population sur la quasi-totalité du territoire français. Elle conserve des attributions de justice extraordinaire - dite « prévôtale » - jusqu’à la Révolution. La loi du 16 février 1791 marque la véritable naissance de la gendarmerie telle qu’elle fonctionne actuellement. La   loi du 28 germinal an VI (17 avril 1798) précise que « le corps de la Gendarmerie nationale est une force instituée pour assurer dans l’intérieur de la République le maintien de l’ordre et l’exécution des lois ». De nombreux objets, documents, armes, uniformes ou autres peintures proposent de plonger dans les ressources historiques de la gendarmerie, bien avant même sa date de création officielle.

Un homme : Bon-Adrien Jeannot de Moncey

Musée GN : Le général Moncey

Le 9 décembre 1801, le général Moncey devient premier inspecteur général de la gendarmerie. Figure tutélaire de l’institution, il s’impose comme un grand chef soucieux de faire de la gendarmerie une arme efficace et disciplinée. Né en 1754 à Moncey (Doubs), Bon-Adrien Jeannot s’engage en 1769. Favorable à Bonaparte, il participe au coup d’État du 18 brumaire. Premier inspecteur général de la gendarmerie en 1801, Moncey parvient à créer un esprit de corps, grâce à l’ébauche d’une communication interne. Son ordre de prise de commandement résume son  action à la tête de la gendarmerie : « Contribuer avec vous à l’affermissement du calme intérieur de la République ». La gendarmerie devient, selon Napoléon, « la manière la plus efficace de maintenir la tranquillité ». Maréchal de France en 1804, duc de Conegliano en 1808, il refuse   en 1815 de présider le conseil chargé de juger le maréchal Ney au retour de Louis XVIII. Gouverneur de l’Hôtel des Invalides en 1833, il assiste au retour des cendres de Napoléon en 1840. Moncey décède à Paris en 1842, à l’âge de 88 ans. Il aura passé 72 ans de sa vie à servir dans la gendarmerie.

Un document : le texte de la loi de février 1791

Musée GN : texte de loi de février 1791

La loi du 16 février 1791 transforme le corps de la maréchaussée en Gendarmerie nationale, corps à la fois civil et militaire. Les « fonctions essentielles et ordinaires » de la gendarmerie étaient précisées dans la loi en 18 articles. Elle était essentiellement destinée à assurer la sûreté dans les campagnes. La gendarmerie était partagée en 28 divisions et 1 295 brigades, soit 7 250 hommes. Chaque brigade était composée de cinq hommes plus un maréchal des logis ou un brigadier.

Un clin d’œil : le gendarme, cible de la satire

Musée GN : Maître Pandore

« Maître Pandore », pastiche de la chanson de Nadaud, évoque l’allure d’un militaire qui en impose à la communauté sociale. La figure du gendarme fait partie de la mémoire collective et du symbolisme national. Le portrait du gendarme  n’échappe pas aux stéréotypes dessinant à grands traits un personnage, tantôt bon-enfant, tantôt redouté, ancré dans le monde rural et que l’on brocarde souvent. On le retrouve dans la chanson Pandore ou les deux gendarmes, composée en 1852, mais surtout dans le théâtre de Guignol, inventé par Laurent Mourguet (1769-1844), un ancien canut lyonnais converti dans le divertissement des marionnettes. Après avoir exercé plusieurs métiers, il crée le spectacle de Guignol vers 1810. Cette représentation met en scène des personnages en bois de peuplier, issus de la commedia dell’arte. Ce   spectacle d’enfant s’inscrit dans une sorte de rite d’inversion, puisque le soldat de la loi y est systématiquement rossé par les coups de bâton de Guignol, symbolisant le triomphe de l’esprit frondeur face à l’autorité. Le comique repose sur les répétitions, les quiproquos, les volte-face et l’interaction avec les spectateurs.

Un objet : le gendarme en faïence

Musée GN : gendarme en faïence

Particulièrement répandue à partir du règne de Louis XIV, la faïence se développe dans de nombreuses régions. Les décors imprimés des faïences de Creil, de Nevers ou de Sarreguemines, par exemple, représentent volontiers le gendarme, présent sur une infinité de supports, comme les vases, les cendriers, les pots de chambre et autres ustensiles domestiques. Ce personnage n’échappe pas aux stéréotypes de l’époque, campant ce soldat dans un cadre rural et s’exprimant dans une langue approximative. Les sujets, souvent à caractère humoristique, le mettent  en relation avec les villageois, les notables des petites villes et les malfaiteurs. Les objets présentent fréquemment des scènes de la vie quotidienne et notamment l’inévitable rencontre du gendarme et du voleur ou encore la confrontation avec les vagabonds, les  braconniers ou les marginaux. 74 assiettes sont ainsi exposées au musée de la Gendarmerie, comprenant rébus, blagues, devinettes ou autres chansons.

Un trésor : le revolver du garde Cesses

Musée GN : le revolver du garde Cesses

Au moment de la Commune en 1871, le garde Alexandre Cesses est incarcéré à la prison de la Roquette, à Paris, pendant 68 jours. Durant la totalité de sa captivité, il va cacher ce revolver dans sa botte gauche et quarante cartouches dans sa botte droite. Libéré, il décide de transformer son revolver en objet souvenir. Il va graver directement sur l’objet pas moins de 226 noms, 43 portraits et 10 monuments parisiens incendiés ou détruits. Sur le socle en bois figure une attestation de plusieurs codétenus ayant vu le garde Cesses avec son arme et ses   munitions. Sept années de travaux ont été nécessaires pour créer cette pièce unique en son genre.

Une exposition : les sciences du crime

Musée GN : les sciences du crime

Après « La Grande Guerre des gendarmes », qui mettait en lumière le rôle souvent méconnu des gendarmes pendant le premier conflit mondial, le musée de la Gendarmerie propose sa deuxième exposition, depuis le 7 octobre dernier jusqu’au 17 avril 2017, sur « Les sciences du crime ». Muni de son livret d’investigations, le visiteur pourra tour à tour se glisser dans la peau d’un expert scientifique et d’un enquêteur pour conduire une enquête. Environnement de la victime, observation d’une scène de crime, analyse des différentes expertises, c’est une véritable immersion dans le travail des experts de la police technique et scientifique qui est proposée. La prochaine exposition du musée sera consacrée aux gendarmeries du monde.

3 questions à Elinor Boularand, capitaine et directrice du musée de la Gendarmerie nationale

Civique : Un an après l’ouverture du musée, quel bilan pouvez-vous tirer de son activité ?

Elinor Boularand : Cette première année a été très intéressante. Nous avons reçu un excellent accueil du public local, sur Melun et l’agglomération. Le week-end d’ouverture du musée a rassemblé plus de 7 000 visiteurs en deux jours. La fréquentation a été constante, avec près de 30 000 visiteurs en un an. Les retours et les commentaires sont très positifs. Les attentats de Paris, trois semaines après l’ouverture du musée, et les fortes inondations qui ont touché le département ont certainement eu un effet négatif sur la fréquentation. Nous n’avons pas encore atteint notre plein régime.

Civique : Quel est l’état d’esprit de ce musée ?

Elinor Boularand : C’est un musée d’histoire et de société. Nous avons quitté l’idée du musée de tradition, qui entrait dans la formation morale du soldat. Nous sommes sur une découverte pour le grand public d’une histoire qu’il ne connaît pas, ou peu. Nous avons donc axé la visite sur l’histoire de France au travers d’un parcours chronologique grâce auquel le visiteur retrouve ou découvre celle de la gendarmerie. Autre niveau de lecture : des focus sur des petites histoires, des hommes qui ont fait la gendarmerie. C’est un musée grand public, tant pour les enfants, qui utilisent des livrets-jeux et les multimédias, que pour les séniors, qui se rappellent ainsi une autre époque. De nombreux policiers et gendarmes sont également venus découvrir la collection du musée.

Civique : Réunir et organiser toutes ces pièces a dû être un véritable défi...

Elinor Boularand : Effectivement, c’était le plus gros du travail. La collection s’est constituée depuis 1946, nous partions donc avec un beau socle. Nous avons par contre dû compléter certains segments de la collection, notamment pour se procurer les plus anciennes tenues afin   d’offrir la vision la plus complète possible. Cela ressemble à un jeu de construction : comment organiser les salles ? Quel sera le parcours ? Quelles sont les pièces les plus représentatives de telle ou telle époque ? Nous avons donc sélectionné 2 000 pièces pour les exposer ici, alors  que nous en possédons plus de 30 000 au total !